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mercredi 8 janvier 2014

« Falstaff » (Campanadas a media noche) de Orson Welles (1965) – (2)

    « Falstaff » était paraît-il le film préféré de Welles, ou tout du moins avec « Le Procès ». Il est aisé de comprendre pourquoi : le bedonnant histrion éponyme était le double d'un Welles sur le retour, aussi bien physiquement qu'artistiquement (du fait d'échecs répétés), et une figure truculente, sans aucun doute fort plaisante à incarner. Et le moins que l'on puisse dire est que son personnage est sympathique, sorte de joyeux débauché au grand cœur. La trajectoire du jeune Harry est tout aussi intéressante, et Welles réussit à mêler habilement leurs deux destinées en leur réservant à peu de choses près le même intérêt. Heureusement! Car la farce picaresque qu'est « Falstaff » finit par saouler le spectateur face au tourbillon des incartades du ventripotent bouffon, rythmées par une caméra virevoltante et un montage (trop) nerveux. Le dosage est limite, un peu plus de Falstaff et on étouffe littéralement sous son poids! Pour ce qui est de la mise en scène, saluons la beauté de certaines prises de vue, et la force de la plupart des autres, même si « Falstaff » n'est pas visuellement le long métrage le plus abouti du cinéaste, à mon sens. Welles use et abuse des contreplongées, mais son esthétique fait une fois de plus mouche… surtout quand il quitte son style habituel pour rejoindre Klimt, entre les troncs d'une forêt plantée d'une multitude d'arbres majestueusement droits, pour une séquence hors du temps, presque onirique. Ou quand il suspend le temps, une fois encore, pour une séquence finale qui condense brillamment toute la tension du film, entre le souvenir de la jeunesse chahuteuse du prince Harry avec Falstaff et son nouveau devoir de sobre monarque. Mais, outre la beauté rare de certains plans, l'atout maître de ce long métrage reste… Shakespeare! Si les dialogues ne sont pas tous aussi mémorables, certains passages sont merveilleux, d'une poésie inimitable et prodigieuse. Et la musique est de qualité, dommage que l'on ne puisse pas en dire autant de la post-synchronisation, d'un ridicule parfois… Bref, vous l'aurez peut-être compris, je préfère le Welles du « Procès » ou de « La Dame de Shanghai ». Toutefois, « Falstaff » est plus qu'honorable dans sa filmographie : pas le chef-d'oeuvre tant vanté par endroits, mais bien davantage qu'une grossière satire.

[2/4]

jeudi 31 mai 2012

« La Dame de Shanghai » (The Lady from Shanghai) d'Orson Welles (1947)

    Un excellent film noir. « La Dame de Shanghai » est réalisé en 1947 : Orson Welles n'est déjà plus un jeune cinéaste. Il a réalisé le fameux « Citizen Kane », « La Splendeur des Amberson » ou encore « Le Criminel ». Il fait donc montre d'un savoir faire pour le moins impressionnant, aussi bien dans la réalisation que dans l'écriture du film, savamment construit pour faire monter le suspense et superposer les strates de l'intrigue, avant qu'elle ne se referme en apothéose. Le scénario brille en effet par sa complexité et par ses nombreux rebondissements, à mesure que le long métrage avance. Le propos est sombre, très sombre, comme tout film de ce genre qui se respecte. Le mal est omniprésent, et les personnages tentent tant bien que mal de s'y arracher. Ce sera peine perdue : il les rattrapera tous. Saluons l'interprétation comme toujours sans faille d'Orson Welles. Saluons aussi l'interprétation de Rita Hayworth, point d'attraction de « La Dame de Shanghai ». A réserver aux admirateurs de Welles et aux amateurs de films policiers tortueux.

[4/4]

lundi 4 juillet 2011

« Falstaff » (Campanadas a media noche) de Orson Welles (1965)

«Falstaff» marque à mon sens les limites de la manière de Welles metteur en scène. Le matériau très riche du film aurait dû en faire un chef d’œuvre entre les mains d’un tel cinéaste (Welles considère d’ailleurs ce film comme son chef d’œuvre), mais une mise en scène trop dense, trop envolée, reposant exclusivement sur un montage haché et rapide, peut donner une impression quelque peu brouillonne de l’ensemble. Cette manière n’est pas nouvelle chez Welles, qui nous a habitués à beaucoup de bruit, de vacarme et d’énergie dans sa façon de filmer. Mais ici, cela conduit à une certaine confusion qui submerge le spectateur qui peut se sentir noyer sous le texte, sous la rapidité d’enchaînement des plans et des séquences, et qui tue toute émotion (à l’exception bien entendu de la séquence finale, sur laquelle repose grandement les mérites du film). A partir d’un travail remarquable d’adaptation parallèle et croisée de 4 pièces de Shakespeare, Welles dresse le portrait de Jack Falstaff, gros homme, bon vivant, dont l’imposante carrure cache un être sensible et touchant. Proche ami du prince Hal, futur héritier du trône d'Angleterre, Falstaff est une figure qui représente une certaine conception de la vie festive, de l’innocence préservée, de la générosité du cœur et des sentiments, conception qui s’avèrera en contradiction avec la réalité du pouvoir qu’exercera Hal. Celui-ci devra alors trahir son ami pour accéder au trône, trahir ce père d’adoption et de cœur pour se réconcilier avec son père de sang, le roi d’Angleterre. La figure de Falstaff est alors l’occasion pour Welles d’exprimer sa propre conception de la vie, des relations humaines et d’amitiés, en opposition à l’esprit calculateur et rigoriste d’une certaine modernité. A travers Falstaff, c’est bien sûr Welles qui s’exprime, réalisant au passage sa plus belle prestation de comédien, imposant une présence physique remarquable au personnage. On comprend alors combien ce personnage de théâtre pouvait toucher au plus profond le cinéaste et on rage d’autant plus sur la lourdeur du travail de mise en scène. Réalisé avec peu de moyens, le film est à la lisière entre le beau et le «trop» et se révèle parfois quelque peu assommant. En témoigne parfaitement la scène centrale de bataille, magnifique dans les premiers instants, rappelant le meilleur des batailles de Eisenstein ou de Kurosawa, avant de devenir presque indigeste à force de répétition. Si le procédé rend difficile l’éclosion des émotions, Welles se rattrape largement dans la séquence finale, celle dans laquelle Falstaff prend conscience de la trahison du prince. Le plan séquence qui introduit la scène est superbe, s’achevant sur une vue en contre plongée de Falstaff agenouillé, suppliant le prince. Le regard de Falstaff/Welles est ici saisissant, résume à lui seul le propos du film, un adieu à l’innocence et à l’enfance, et constitue le sommet émotionnel de l’œuvre du cinéaste. On regrette alors à peine le côté quelque peu chaotique de ce qui a précédé.

[2/4]