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mercredi 20 avril 2011

« Immortel (ad vitam) » d'Enki Bilal (2004)

    Enki Bilal est un excellent dessinateur, malheureusement ça ne fait pas de lui pour autant un bon cinéaste. Tout ce qui constitue l'attrait de ses bandes dessinées : ses personnages, ce monde apocalyptique, complexe, ambigu, son coup de crayon original, tout cela est relégué au second plan dans ce long métrage. Reste l'intrigue, et une horrible impression d'artificialité quasi-constante qui le fait lorgner très franchement du côté du navet de science-fiction pur et dur. Une sorte de mélange entre Besson, Caro et Jeunet, c'est dire! D'autant que manifestement c'est plus Tarkovski que vise Bilal (et hop une petite citation placée ici et là)... Si l'on ajoute pour finir au mélange des dieux égyptiens et Baudelaire, on obtient une mixture qui étonnement sur papier passait tout à fait, mais qui là devient indigeste (surtout par ces références appuyées à Baudelaire). Enki Bilal aurait mieux fait de s'en tenir à la bande dessinée, support de toute évidence bien plus approprié à son inspiration débordante : il permet en effet la suggestion et laisse de la place à l'imagination du lecteur pour concevoir le monde dans lequel il se plonge, au-delà des images (grâce à ces petites bandes blanches qui séparent les vignettes). Au cinéma, du moins avec la façon dont s'en sert Bilal, il faut tout montrer, ce qui du coup matérialise très clairement les limites de l'oeuvre quand celle-ci est trop étriquée. Ainsi en est-il d'« Immortel (ad vitam) », qui relève plus d'une sorte de jeu vidéo à moitié génial à moitié fauché que du septième art proprement dit : tout est pensé, tout est dessiné, mais tout est limité, contrairement à l'oeuvre, tant qu'on y est, disons d'un Tarkovski. Il ne s'agit pas de parler d'« oeuvre ouverte » mais plus simplement de poésie et de vraisemblance, deux qualités qu'avait la bande dessinée originale mais dont ne dispose pas ce film, même s'il n'en constitue pas une adaptation littérale. Malgré tout, malgré ce côté fourre-tout visuel (prises de vues live et animation en 3D se côtoient sans vergogne, mais rarement de façon harmonieuse), ce film possède un certain charme, qui n'est pas étranger au ton de l'oeuvre et à certains de ses personnages, et plus particulièrement Horus, ce dieux mégalomane tour à tour fascinant et détestable. Le problème c'est que les personnages de Nikopol et de Jill, déjà guère extraordinaires dans la BD écopent d'une interprétation fade à pleurer, sans compter leur accent anglais ô combien maladroit (au diapason de la maladresse de tout le reste), et que nombre des séquences de la BD qui faisaient ostensiblement référence au cinéma au départ se retrouvent une fois transposées à l'écran relever du cliché. Il faut bien le dire donc, « Immortel (ad vitam) » est un échec pour Bilal, si du moins son ambition était de réaliser un film au moins aussi réussi que sa bande dessinée.

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