jeudi 30 août 2012

« Le Sceptre d'Ottokar » d'Hergé (1939)

    « Le Sceptre d'Ottokar » est un très bel album, ce fut d'ailleurs longtemps mon préféré des aventures de Tintin en raison de la beauté des costumes (auxquels a contribué Edgar Pierre Jacobs, le créateur de la bande dessinée Blake et Mortimer). Hergé nous emmène dans les Balkans, en Syldavie, où se trame un complot contre le roi, Sa Majesté Muskar XII. Tintin se promène un jour dans un parc, lorsqu'il trouve un attaché-case. Il appartient en fait à un certain Nestor Halambique, dont il fera la connaissance. Ce dernier se trouve être un sigillographe : il étudie les sceaux. Et il s'avère qu'il est convié au château royal de Klow, la capitale de la Syldavie, pour y étudier les sceaux royaux. Il demande à notre jeune ami s'il veut bien être son secrétaire, ce que ce dernier, soucieux de ce qui se trame, finit par accepter. Et voilà les ennuis qui commencent pour notre reporter et son fidèle chien Milou... Remarquablement bien dessiné, colorisé avec goût, « Le Sceptre d'Ottokar » est un régal. C'est l'un des meilleurs albums des aventures de Tintin, palpitant de bout en bout, possédant une forte identité (la reconstitution historique minutieuse de la Syldavie, pays fictif, n'y est pas pour rien). Un véritable plaisir de lecture!

[4/4]

« L'Oreille cassée » d'Hergé (1937)

    « L'Oreille cassée » est le seul album avec la majeure partie du « Lotus Bleu » a n'avoir pas été redessiné. Il s'ensuit qu'esthétiquement parlant il est un peu gauche, et dénote un peu dans l'œuvre d'Hergé. Mais la qualité du scénario, comme toujours plein de rebondissements, en fait un album tout à fait estimable. Un fétiche Arumbaya a été dérobé au musée ethnographique de la ville, et Tintin se dépêche de se rendre sur place. Peu de temps après le fétiche réapparaît subitement au musée, à son emplacement d'origine. Mystère... D'autant qu'un certain Balthazar, peintre-sculpteur de son état, est retrouvé mort chez lui dans des circonstances étranges. N'y aurait-il pas un point commun entre ces deux histoires? C'est ce que Tintin se demande. Et le voilà qui se fera entraîner en Amérique du Sud, au San Theodoros, république instable sous la gouverne du général Tapioca, croisant des bandits de grand chemin, des révolutionnaires, des conspirateurs, le général Alcazar, haut en couleur, les fameux Arumbayas... Encore une histoire accomplie brillamment contée par Hergé, tantôt avec sérieux, tantôt avec humour. Fort appréciable.

[4/4]

« Tintin au Tibet » d'Hergé (1960)

    « Tintin au Tibet » est sans doute l'album le plus émouvant que nous ait légué Hergé. C'est l'histoire de la quête éperdue et insensée de Tintin et de ses compagnons à la recherche de Tchang, le jeune chinois qu'il avait rencontré dans « Le Lotus Bleu ». Ce dernier comptait rejoindre Londres en passant par Katmandou, mais son avion s'est écrasé dans les massifs de l'Himalaya. Tintin fera le rêve prémonitoire que Tchang est en vie et l'appelle à son secours. Et il décidera de tout faire pour le retrouver en la compagnie du Capitaine Haddock, de Tharkey, le sherpa népalais, et de Milou. En 62 pages qui nous paraissent bien trop brèves, Hergé nous fait passer du rire au larmes. Il a décidément un humour sans pareil, un peu à la Jacques Tati! Et c'est une fois de plus l'occasion de découvrir les qualités exceptionnelles de Tintin : sa générosité, son courage... Dessiné de main de maître, aidé que fut Hergé par ses fidèles collaborateurs, « Tintin au Tibet » est l'un des sommets de l'œuvre riche et d'une qualité constante du dessinateur belge. Un magnifique album.

[4/4]

dimanche 26 août 2012

« Le Lotus Bleu » d'Hergé (1936)

    La suite des « Cigares du pharaon ». « Le Lotus Bleu » est l'occasion pour Hergé de nous dépeindre une Chine sous domination japonaise et européenne, pauvre, sordide, gangrénée par l'opium. Tintin est l'hôte du Maharadjah de Rawhajpoutalah, quand un chinois vient lui demander de l'aide, pour Shanghai. Aussitôt Tintin s'embarque pour la Chine, où il fera la rencontre de personnages attachants. Citons le vénérable Monsieur Wang, et son fils, Didi, mais aussi Tchang, qu'il sauve de la noyade, inaugurant une longue et indéfectible amitié (nous aurons des nouvelles de Tchang dans « Tintin au Tibet »). Dans cet album, Tintin poursuit sa lutte contre les trafiquants d'opium. Et il aura fort à faire : il retrouvera aussi de vieux ennemis dans cet opus. L'intrigue du « Lotus Bleu » est l'une des plus complexes et des plus denses des aventures de Tintin. A ce titre, il s'agit d'un des chefs-d'œuvre d'Hergé. Les personnages sont fouillés, le dessin est limpide, les couleurs sont très belles, le rythme trépidant... Dommage que tout l'album n'ait pas été entièrement redessiné, comme les quatre premières pages... Néanmoins il s'agit là d'un des meilleurs albums exécutés par le célèbre dessinateur belge, grâce lui soit rendue! Incontournable.

[4/4]

« Les Cigares du pharaon » d'Hergé (1934)

    Le quatrième album des aventures de Tintin réalisé par Hergé est un concentré de ce qui fait le succès de la série. De l'action, de l'exotisme, des aventures trépidantes menées tambour battant, du mystère, des méchants, le grand cœur de notre jeune héros et son fidèle chien Milou, les Dupondt... Tintin fait route pour l'Extrême-Orient, en direction de Shanghai. Sur le bateau, il rencontre un égyptologue farfelu, Philémon Siclone, qui va l'entraîner à sa suite dans la recherche de la tombe d'un pharaon disparu, Kih-Oskh. Mais tout ne se passera pas comme prévu, et Tintin se fera embarquer dans une intrigue qui le dépassera. Il faut louer la science du découpage d'Hergé : le rythme ne se relâche jamais, maîtrisé à la perfection, il permet à l'auteur belge d'enchaîner les épisodes et les gags sans discontinuité, à une vitesse insolente (il lui suffit de 62 pages pour planter le décor et dérouler la trame de son scénario, lui-même d'une grande richesse). Louons aussi la qualité des dessins, caractéristiques de la fameuse ligne claire imposée par Hergé à ses collaborateurs du Journal de Tintin (Jacques Martin et Edgar P. Jacobs – momifié sur la couverture et page 8 – entre autres). Et la couleur est tout autant maîtrisée! De très joli coloris et des teintes très diverses égaillent l'album de bande dessinée. Tout cela fait des « Cigares du pharaon » un album en tout point réussi. Bref, un vrai petit chef d'œuvre du neuvième art! La quintessence de l'art d'Hergé.

[4/4]

jeudi 2 août 2012

« Les Enfants de Belle Ville » (Shahr-e ziba) d'Asghar Farhadi (2004)

    Un beau film sur le pardon! « Les Enfants de Belle Ville » démontre le savoir-faire d'Asghar Farhadi en matière d'écriture. Il déploie une intrigue qui s'étend à plusieurs niveaux, dont les écheveaux s'entremêlent subtilement, jusqu'à former un nœud douloureux : un véritable dilemme cornélien. Akbar vient tout juste d'avoir 18 ans. Il est prisonnier pour meurtre, et cela signifie pour lui qu'il peut désormais se faire exécuter du jour au lendemain. Son ami Ala tentera alors l'impossible pour pousser le père de la victime à pardonner le meurtrier de sa fille. « Les Enfants de Belle Ville » est un long métrage sur le rachat de sa faute et la miséricorde, voire la miséricorde divine. C'est aussi un tableau saisissant de l'Iran des déshérités, manquant de tout, à la merci du mal, baignant dans le sordide dont ils peinent à s'extirper. Asghar Farhadi nous conte le chemin de croix d'un père anéanti, vivant dans le deuil depuis des années, emmuré dans son chagrin. Il nous conte aussi le destin de deux familles inextricablement mêlées dans une affaire qui les entraîne au plus profond d'eux-mêmes. Firouzeh, la sœur d'Akbar, doit choisir entre son frère et Ala ; Ala doit choisir entre son amour pour Firouzeh et son amitié indéfectible envers Akbar ; le père de la victime doit choisir entre le souvenir de sa fille défunte et la vie, et même celle de son autre fille handicapée... Dommage qu'Asghar Farhadi nous plante là, finissant son film sur ces choix à prendre, que nous ne verrons pas s'accomplir. Car pour le reste il réalise un sans faute, un long métrage brillamment interprété, écrit de main de maître, et joliment réalisé, avec simplicité. Une preuve de plus de la richesse du cinéma iranien.

[2/4]