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mardi 12 juin 2012

« Gaspard de la Nuit » d'Aloysius Bertrand (1842)

    Il est temps d'inaugurer la section « littérature » de notre blog. Y seront conjointement présentées des œuvres romanesques comme poétiques : tout comme lorsque nous parlions de cinéma les films d'animation et en prises de vues réelles étaient considérés de concert malgré leurs indéniables dissemblances, je ne souhaite pas plus ici dissocier deux « façons de faire » qui possèdent à mes yeux une même essence, que je qualifierais peut-être naïvement de « littéraire ». Romans et poèmes divergent il me semble en premier lieu par la forme (et quelle forme me direz-vous), mais ils ont tant en commun que je ne pense pas qu'il soit opportun de les exclure mutuellement, du moins en ce qui concerne le modeste objectif que se fixe notre blog : partager des œuvres qui nous sont chères. C'est donc avec un grand plaisir que je vais inaugurer cette section, par la présentation d'un ouvrage à la croisée de la poésie et de la prose.

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    « Gaspard de la Nuit » est l'un des tous premiers recueils de poèmes en prose, genre dont Baudelaire se fera le héraut avec son fameux « Spleen de Paris », directement inspiré de l'œuvre d'Aloysius Bertrand. Divisé en six livres de longueur variable, « Gaspard de la Nuit » est un ensemble de miniatures moyenâgeuses et pittoresques. Comme autant de visions d'une époque révolue et hautement fantasmée, faisant écho de l'aveu même de l'auteur à l'œuvre de Rembrandt ou de Callot, brillants illustrateurs chacun à leur manière, l'un à la peinture (principalement), et l'autre à l'eau-forte. A travers ses courts poèmes, Bertrand met en scène des personnages tous plus extraordinaires les uns que les autres, des nains, des sorcières, des moines, une ondine, un feu follet, des lansquenets,... Son bestiaire foisonne, et nombre de protagonistes hantent les pages de son unique et posthume ouvrage. Le langage est finement ouvragé, Bertrand empruntant moult mots vieillis à l'ancien français, façon de revenir plus sûrement dans le passé. Il faut saluer sa maîtrise du rythme : ses poèmes sont des fantaisies charmantes qui soutiennent la comparaison avec le chant du vers et des rimes. Notons aussi le soin apporté à la mise en page, chaque poème étant introduit par un épigraphe qui vient ajouter son sens à celui du poème, de sorte que la puissance évocatrice de chaque feuillet est ainsi démultipliée. A tous points de vue, « Gaspard de la Nuit » est une œuvre qui a fait date dans l'histoire de la poésie et de la littérature, et j'invite tous les amoureux de la poésie française, du XIXème siècle, du Moyen-Âge ou de la Bourgogne à redécouvrir ce petit chef-d'œuvre oublié.

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