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mercredi 22 novembre 2023

« Le Garçon et le Héron » (Kimi-tachi wa dō ikiru ka) d’Hayao Miyazaki (2023)

 

« Le Garçon est le Héron » est un film douloureux, à la fois sur le fond et dans sa réception par le public. Car il y est principalement question de deuil : le deuil de son héros principal, la mort qui s’approche pour Miyazaki, conscient de son grand âge, mais aussi le deuil de son public. Miyazaki, avec ce film, et d’ailleurs aussi avec les quelques-uns qui ont précédé, a fait le choix de ne pas reproduire inlassablement une formule éprouvée, mais de créer, une fois de plus, quelque chose de neuf, de différent. Il ne sert donc à rien de regretter les chefs-d’œuvre du passé, Miyazaki ne reproduira pas les mêmes. On peut s’en désoler, ce qui est aussi mon cas, mais il faut l’accepter, car telle est la volonté de cet artiste.

Pour celles et ceux qui rêvent d’un nouveau film « façon Miyazaki », avec le merveilleux exaltant qu’on lui connaît, je leur conseille de s’orienter vers le Studio Ponoc… Avec la mise en garde que ces derniers me semblent faire du « sous-Miyazaki », un ersatz qui en a vaguement la saveur, mais clairement pas le goût ni le génie…

C’est le risque que courait Miyazaki, de faire un best of de sa filmographie, de capitaliser paresseusement sur ses glorieux acquis. C’était d’ailleurs un peu le cas avec « Le Château Ambulant », à mon sens, même s’il s’agit tout de même d’un grand film. Certaines et certains diront que c’est en un sens ce qu’il a fait avec « Le Garçon et le Héron », en reprenant des idées de pas mal de ses autres films. Certes, mais elles sont là davantage pour faire le bilan, et sont mises au service du propos déployé ici. Il ne s’agit pas de « bêtement » satisfaire le client… pardon, le spectateur, ce que Disney, DreamWorks and co. savent très bien faire quant à eux.

Avec « Le Garçon et le Héron », Miyazaki livre son film testament, le film d’un homme de 82 ans, qui jette un regard en arrière sur sa vie, et réfléchit à l’héritage qu’il va léguer à la postérité. C’est donc une œuvre emplie de gravité, d’une certaine tristesse, mais aussi de la beauté absolue et de la poésie si chères au Sensei. Désolé donc, mais vous ne trouverez pas ici un « Chihiro-bis », un « Mononoké-bis », ni même un « Le Vent se Lève-bis », même si « Le Garçon et le Héron » contient un certain nombre de réminiscences de ces films passés.

Miyazaki nous propose ici une méditation profondément personnelle sur la vie, la mort, l’amour, le rêve… Et notamment une élégie sur sa mère, dont la maladie, lorsqu’il était jeune, l’a profondément marqué, et dont le décès l’a sans doute laissé bouleversé à jamais… J’ai appris que Miyazaki ne pouvait retenir ses larmes lorsqu’il travaillait sur certaines séquences avec le personnage de la mère. Signe évident que ce long métrage parle avant tout de son amour filial et du grand vide qu’a laissé sa mère après qu’elle ait quitté notre monde.

Ce passage d’un monde à un autre est aussi la grande ligne directrice de ce film. Le jeune héros, Mahito, personnification de Miyzaki jeune, tente de percer le mystère de la mort, en allant dans l’Autre Monde. Mais seuls les morts savent ce qu’il y a après la vie, il n’y a pas d’aller-retour vers l’au-delà, juste un aller simple…

Ainsi, Mahito ne peut s’aventurer dans le tombeau sans perdre la vie. Son aventure lui permet en revanche de faire son deuil, de mieux comprendre le sens de la vie, et de dire au revoir à sa mère, pour mieux retrouver une maman d’adoption. Je vois donc ce film comme un poème lyrique de Miyazaki adressé à sa mère, qui m’a pour ma part beaucoup ému.

J’y vois aussi sa déception de ne pas avoir trouvé d’héritier, notamment en la personne de son fils Goro, ou encore parmi les autres dessinateurs du Studio Ghibli ou du pays. On sait tous que la faute lui incombe en partie, lui qui n’a pas su leur faire une véritable place… Miyazaki avait aussi déclaré faire ce film pour son petit-fils, peut-être est-ce lui aussi qu’incarne Mahito, ce jeune garçon courageux et combatif, qui grandit sous le regard de ce grand-oncle magicien, autre avatar d’Hayao Miyazaki.

Dans tous les cas, on le voit, il s’agit bien d’un long métrage éminemment personnel. Mais qui est aussi en prise avec notre temps. Curieusement, il y est moins question directement d’écologie (thème cher à Miyazaki) et davantage de bouleversement du monde (autre thème récurrent chez Maître Miya). Avec ces animaux (humains ?) qui se sont reniés, ou ces perruches belliqueuses, représentant la résurgence des totalitarismes, qui prospèrent de plus en plus aujourd’hui.

Comment, dans cette situation, construire et non détruire ? Comment construire le beau, la paix, l'harmonie, l’amitié et l'attachement, entre les êtres et les peuples ? La vision de Miyazaki semble pessimiste et la solution qu’il avance bien fragile. Elle tient en un mot : l'amour.

[4/4]

dimanche 29 janvier 2017

« Le Voyage de Chihiro » (Sen to Chihiro no kamikakushi) de Hayao Miyazaki (2001)

    « Le Voyage de Chihiro » a une saveur particulière pour moi. C’est en effet le tout premier Miyazaki et Ghibli que j’ai vu en entier, en 2009 je crois, peu de temps après que j’aie véritablement commencé à me passionner pour le Septième Art. En vérité, j’avais déjà vu des bribes de « Mon Voisin Totoro » étant petit (voir ma critique ici). Mais je ne savais pas que c’était un certain Hayao Miyazaki qui l’avait réalisé, d’ailleurs à l’époque je ne me souciais guère de ce genre de détails. Pour en revenir à « Chihiro », donc, je m’étais vu offrir une anthologie du cinéma sous forme de livre, et si peu de dessins animés y figuraient, deux Ghibli faisaient (à juste titre) l’objet d’une double page et d’éloges dithyrambiques : « Princesse Mononoké » et « Le Voyage de Chihiro ». Alors un jour, sans rien en attendre, je me suis procuré le fameux « Voyage de Chihiro », curieux tout de même de savoir ce qu’il en était réellement. D’autant que j’entendais de plus en plus parler de Miyazaki autour de moi ou dans les médias, et je voulais me confronter à la « hype », croyant avoir affaire à quelque chose de surfait, qui plus est dans le domaine de l’animation japonaise, que j’avais toujours à peu de choses près honnie (jusque là). Des jours et des semaines ont passé, et j’ai décidé sur un coup de tête, un soir, comme ça, de lancer le film. Ça a été un choc. Un choc visuel et émotionnel. Féru de bande dessinée et de dessin animé depuis mon plus jeune âge, je n’avais jamais vu un animé aussi ambitieux, relevant d’un art pourtant longtemps étriqué et objet de moqueries, voire d’une grande condescendance. De fait, on ne compte pas les plans inventifs, les prises de vues innovantes, les dessins originaux, incroyablement imaginatifs et inspirés qui émaillent « Le Voyage de Chihiro ». Plus encore, ce que je voyais à l’écran était passionnant : les aventures rocambolesques d’une jeune fille, perdue dans un monde magique et étrange. Car « Chihiro » n’est pas qu’une réussite technique éclatante, c’est aussi une pure œuvre d’art, en ce qu’elle transmet des émotions vives. Même en ayant la vingtaine, on parvient à s’identifier à ce qui se trame, pour peu que l’on ait pas perdu son âme d’enfant. La peur de l’inconnu, la difficulté du travail, l’esprit de service… mais aussi l’amitié, le courage, l’espoir… Le tout mené tambour battant, mais avec un rythme qui sait ménager des temps de pause et de contemplation (j’y reviendrai). Après cette introduction, qui témoigne de la grande et heureuse surprise que fut pour moi ce film, je tiens à détailler ce qui m’a plu, en essayant d’analyser ses qualités.

Tout d’abord, « Le Voyage de Chihiro », comme son titre français le laisse supposer, est un voyage initiatique. Ce film appartient donc à un genre plusieurs fois millénaire et universel, au même titre que « L’Odyssée » d’Homère ou les romans de Chrétien de Troyes, toutes proportions gardées bien sûr, ou pour comparer ce qui est comparable, qu’un « Alice au Pays des Merveilles » ou qu’un « Barberousse » d’Akira Kurosawa. La comparaison avec ce dernier me semble pertinente, car il est de notoriété publique que Kurosawa fut un maître pour Miyazaki. Qui plus est, l’œuvre de Kurosawa est traversée et nourrie par la notion de maître / élève, que ce soit dans ses tous premiers films (« La Légende du grand judo») ou dans ses immenses chefs-d’œuvre (« Les Sept Samouraïs, ou « Barberousse », donc). En l’occurrence, la jeune Chihiro va intégrer un monde qu’elle ne connaît pas, à savoir un imposant établissement de bains. De rencontres en rencontres, elle va peu à peu gagner en confiance, et quitter son côté douillet de citadine pour apprendre le travail et le service des autres. Elle va également devoir réussir des épreuves, plus symboliques, qui vont lui permettre de se révéler à elle même puis de retrouver le chemin du retour. A ce titre, son périple possède un véritable sens, à l’opposé du non-sens burlesque et savoureux de l’« Alice au Pays des Merveilles » version Disney. En effet, à l’issue de son aventure, Chihiro ne sera plus la même, elle est bien partie d’un point A pour arriver à un point B, avec tout ce que cela suppose de murissement entre les deux, même si Miyazaki laisse planer le doute sur la réalité de ce que l’héroïne à vécu… non sans nous donner des indices que cette histoire n’a pas été purement rêvée. Mais plus que ces épreuves en tant que telles, ce sont des rencontres qui vont forger la jeune Chihiro. Celle avec Haku, un jeune serviteur de la malfaisante sorcière Yubaba, elle-même à la tête de l’établissement. Il va l’introduire dans ce monde étrange en lui apportant son aide bienveillante. Mais ce qui est une fois de plus appréciable chez Miyazaki, c’est que les personnages ne sont pas unidimensionnels : ni complètement blancs ni complètement noirs. Ainsi Haku est plus complexe et sombre qu’il n’en a l’air, alors que Yubaba n’est pas si méchante au fond. Autre rencontre déterminante : celle avec le vieux Kamaji. Ce vieil esclave grognon est assez repoussant au premier abord, mais il cache un grand cœur et c’est véritablement lui qui va permettre à Chihiro de reprendre pied dans ce monde inhospitalier. Ensuite Rin, la jeune servante qui va encadrer Chihiro, va au début la rejeter puis la prendre sous son aile et lui prodiguer des conseils. C’est elle qui accompagne au quotidien Chihiro dans sa nouvelle vie et l’aide à grandir. Et puis les esprits, notamment l’esprit putride et le Sans Visage, vont faire basculer le cours de l’existence de Chihiro. Tout cela, tout ce premier degré donne corps à un récit ample, riche et passionnant, fait de retournements de situations, de surprises, mais aussi de poésie et d’émerveillement.

Mais tout ce premier degré cache un deuxième degré de lecture, qui sera davantage perceptible par les plus grands (adolescents et adultes). Miyazaki est en effet chagriné par la tournure que prennent nos civilisations actuelles, et notamment la sienne, celle d’un Japon aux avants-postes de la modernité, mais qui renie par bien des aspects sa longue tradition. Miyazaki a donc voulu placer une jeune héroïne actuelle, un peu repliée sur elle-même, dans un monde habité par des esprits tout ce qu’il y a de plus shintoïstes, la ramenant vers des racines enfouies en elle. De nombreux éléments nous rappellent cette opposition entre le monde vivant et chatoyant des esprits et le monde superficiel et surtout artificiel d’aujourd’hui. Le parc d’attraction abandonné, à titre d’exemple, est un symbole de cette civilisation dévoyée, qui reprend les atours du passé pour mieux diffuser un funeste abrutissement des esprits, perdus dans la consommation de masse, l’égoïsme et la culture du jetable. Certains personnages seront même directement les victimes de cette catastrophe écologique et humaine que vivent nos contemporains. Mais nul apitoiement ou dénonciation bas du front, Miyazaki préfère un didactisme certain, qui démontre par l’exemple les vertus d’une vie respectueuse de soi, de son prochain et de son environnement immédiat. Outre cet aspect écologique indéniable, l’autre grande dénonciation de ce film réside dans celle de l’argent roi. A ce titre, un des personnages (je n’en dirai pas plus) se transforme et s’autodétruit (ou du moins détruit sa part d’humanité) en voulant réaliser ses désirs, à savoir acheter l’amitié ou l’amour d’une personne qui se refuse à lui. Le personnage en question est l’un des plus complexes et fascinant du long métrage, tout d’abord mystérieux et amusant, puis franchement inquiétant et horrible. Là encore : ambivalence et profondeur du personnage.

Ces deux degrés de lecture nous feraient presque oublier une des qualités majeures de ce film : son esthétique. Passons sur la laideur de certains monstres, destinée à dénoncer leurs travers ou le mal dont ils ont été victimes, ou encore faisant revivre le bestiaire shintô traditionnel. Trois aspects de ce long métrage en font une œuvre de grande qualité : la réalisation, le rythme et la musique. La première tout d’abord : je le disais en introduction, ce qui frappe en regardant « Chihiro », c’est l’ambition de sa mise en scène. Tout comme pour « Princesse Mononoké », il est évident qu’ici Miyazaki est en pleine possession de son art, et l’animation atteint des sommets. Les prises de vues sont osées, mais toujours au service du fond. Le mouvement est magnifié, poétique bien que (ou parce que) réaliste. Les teintes sont somptueuses, entre le rouge flamboyant de l’établissement de bain ou le bleu clair et franc du ciel. Et le « character design » des personnages principaux est bien trouvé, Chihiro et Haku en tête. Le rythme, ensuite est un modèle de maîtrise et d’harmonie. Un début mystérieux, qui dévoile peu à peu les personnages et les ressorts de l’intrigue… Des accélérations et des ralentissements qui maintiennent un déroulé haletant, mais toujours agréable, presque organique, fluide, évident. Et enfin cette fameuse séquence du train, roulant à fleur d’eau… Une séquence hors du temps, toute simple, magique… Tout à fait typique de ces instants de poésie contemplative dont seul Miyazaki à le secret, à l’image de cette scène d’attente sous la pluie dans « Mon Voisin Totoro ». Pour finir, un film de Miyazaki ne serait pas totalement réussi sans la musique de Joe Hisaishi, qui vient donner du relief aux images et les révéler, dans un rapport d’interdépendance totale : c’est comme si les images de Miyazaki n’étaient faite que pour cet accompagnement musical, et que la musique de Joe Hisaishi n’était faite que pour ces images, personnages et autres sentiments qui s’épanouissent à l’écran. Une musique inoubliable, pas nécessairement la toute meilleure partition de Hisaishi (je réserve ce qualificatif à « Nausicaä » et « Mon Voisin Totoro », surtout, et « Princesse Mononoké »), mais l’une de ses plus réussies, avec un caractère qui lui est propre, et qui sied à merveille au film.

Récit d’aventure, plaidoyer pour un monde plus humain et plus respectueux, mais aussi pure œuvre d’art alliant esthétique sublime et sentiments touchants et profonds, « Le Voyage de Chihiro » est un condensé de ce que Miyazaki a fait de meilleur. Après un « Princesse Mononoké » impressionnant de maîtrise, de profondeur et de puissance, le cinéaste nippon parvient à livrer de nouveau un grand chef-d’œuvre de l’animation et même du cinéma tout court, la pluie de récompenses dont il a été couvert, en particulier un Ours d’Or à Berlin, pour la première fois décerné à un long métrage d’animation, dans une catégorie habituellement réservée aux films « live », en témoignant mieux que personne. Paradoxalement, c’est peut-être le long métrage le plus japonais de Miyazaki, et en même temps son plus grand succès international. Une réussite totale à ne rater sous aucun prétexte !

[4/4]

samedi 13 août 2016

« Princesse Mononoké » (Mononoke Hime) de Hayao Miyazaki (1997)

    « Princesse Mononoké » couronne la carrière d'Hayao Miyazaki par bien des aspects. Peut-être son film le plus riche et le plus complexe, c'est également l'un des plus accomplis formellement, utilisant à merveille les possibilités de l'art du dessin animé fait main, avec un soupçon d'images de synthèse uniquement quand le besoin se fait sentir, pour ne pas rompre l'équilibre de la façon de faire typiquement artisanale du fameux studio Ghibli. Je ne m'attarderai pas sur la richesse de l'univers miyazakien, sur l'abondance des kamis et autres êtres fantastiques qui font tout le charme du long métrage, et plus généralement de l’œuvre même de Miyazaki. Je fais en revanche le choix de me pencher sur « l'infrastructure » de ce film, à savoir ses 3 dimensions (me semble-t-il) : sociologique, poétique et épique. 

Sociologique, tout d'abord, car le grand « thème » si j'ose dire de « Princesse Mononoké », c'est l'antagonisme entre tradition et modernité. Deux esprits s'affrontent : celui des anciens, du culte des divinités shintoïstes, du respect de l'Autre et de la nature ; et celui des modernes, de l'emprise sur la nature, mais aussi de la rupture avec les traditions asservissantes, d'une liberté chèrement gagnée. Deux figures s'opposent ainsi dans ce long métrage : San, la princesse Mononoké, c'est-à-dire des esprits vengeurs (si j'en crois Wikipédia), qui vit auprès des animaux-dieux de la forêt magique (une déesse louve l'a recueillie à la mort de ses parents et en a fait sa fille adoptive), et pour qui l'homme est un monstre cupide et violent, qui ne pense qu'à tuer et détruire, notamment la nature ; et de l'autre côté Dame Eboshi, mystérieuse aventurière qui règne en maître sur des forges rougeoyantes, d'où est extrait le métal utilisé par les armes à feu qui ravagent les animaux divins. Ce personnage est particulièrement réussi, car s'il a un côté obscur, du fait de son avidité et de son absence de scrupules, c'est également quelqu'un qui vit aux côté des lépreux, et qui a redonné une fierté et une dignité aux ex-prostituées qu'elle emploie dans ses forges. C'est le personnage moderne par excellence, du fait de son audace (elle ose rien moins que s'attaquer en personne à des dieux), mais aussi du fait de son féminisme : qu'une femme dirige un village, une entreprise industrielle mais aussi une armée d'hommes, qu'elle aille aux devants des combats, qu'elle ait la maîtrise de sa destinée et de celle de ses sujets, c'est bien évidemment une invention de Miyazaki, mais qui dit tout de ce que peut représenter l'émancipation de la femme dans un Japon très codifié (cf. les films de Masaki Kobayashi des années 60). Au milieu de ces deux personnages se trouve Ashitaka (alter-ego de Miyazaki ?), jeune prince qui veut porter un regard sans haine sur le monde qui l'entoure. Véritable médiateur, s'il veut stopper la folie meurtrière des hommes, et intimer à Dame Eboshi de respecter la nature et ses divinités, il ne peut se résoudre à tourner le dos à son humanité, et fait tout pour que San redevienne humaine, mais aussi pour que les gens de Dame Eboshi (et elle-même) ne subissent pas la fureur des dieux de la forêt. Plus complexe qu'il en a l'air, c'est l'un des rares héros masculins de la filmographie de Miyazaki, et c'est véritablement la clé de ce film. Car la grande force de ce long métrage, c'est que Miyazaki ne juge pas ses personnages, et ainsi ne porte pas de jugement sur le passage de la tradition à la modernité : l'ancien temps n'est pas le Bien et le nouveau le Mal. La modernité succède à la tradition, et pour cela la détruit de l'intérieur. Un monde nouveau naît alors, un monde ou la nature n'a plus rien d'enchanteresse, où les animaux ne parlent plus. Un monde domestiqué, où l'homme règne en maître, un monde en 3 dimensions – celui que nous connaissons – où le sacré est absent (la 4ème dimension de ce film). D'autres de ses films viendront souligner combien tout n'est pas rose dans ce nouveau monde (« Le Voyage de Chihiro » pour ne citer que lui), et tout ce qu'il a perdu de l'ancien. D'ailleurs l'Esprit de la forêt est tellement beau qu'on comprend aisément combien une part de Miyazaki regrette le Japon de la tradition. Mais pour certains de ses aspects seulement ! Notamment le culte du respect.

J'en viens à l'aspect poétique de ce long métrage. Ce qui est évident, comme je le disais, c'est que l'ancien monde a son charme, et même beaucoup de charme, à travers les yeux de Miyazaki. Les nombreux kamis, et notamment les amusants sylvains, font tout le sel de « Princesse Mononoké », sans parler bien évidemment de l'Esprit de la forêt, au visage (car c'est plus un visage humain qu'animal) étonnamment beau et apaisant. La forêt est magnifiée, sorte de monde primitif et vierge de toute emprise humaine, espace foisonnant qui abrite toutes sortes d'êtres, des humains aux animaux en passant par les dieux et déesses qui protègent cet endroit sacré. Difficile de ne pas succomber à cette vision paradisiaque de la nature. Mais ce qui est très fort dans ce film, c'est que ce n'est pas forcément un but en soi, c'est une sorte de fond aux aventures des personnages, et notamment de l'histoire d'amour qui unit Ashitaka à San. San est pleine de rage, elle en veut aux humains de détruire son monde merveilleux, de fouler au pied un univers qu'ils ne cherchent même pas à comprendre. C'est pour cela que dans un premier temps elle est hostile à Ashitaka, qui incarne le genre humain à lui seul. Mais elle va comprendre toute la bonté de cet être, qui au-delà de porter un regard dénué d'animosité, porte un véritable regard d'amour sur ceux qui l'entourent. Il aime profondément San, mais il aime aussi Dame Eboshi et ses gens, en tant qu'êtres humains méritant eux-aussi son respect. Car c'est là la condition de l'homme, soumettre la nature (dans une certaine mesure) pour pouvoir y vivre. San a oublié que c'était à elle aussi sa condition, et Ashitaka tente de lui faire entendre raison, non pas pour soumettre à son tour la nature et ceux qui l'ont recueillie, mais pour ré-apprendre à aimer les humains, qui s'ils cherchent à maîtriser la nature le font non pas par plaisir finalement, mais parce qu'il en va de leur survie. « Princesse Mononoké » est donc également une très belle histoire d'amour... impossible. Les scènes « d'affrontement » entre Ashitaka et San sont à ce titre très belles et émouvantes. Il y a beaucoup de poésie chez Miyazaki dans les relations humaines, c'est l'un des rares créateurs contemporains à encore croire en l'amour, ce qu'il a illustré à plusieurs reprises tout au long de sa filmographie, et une fois encore, de façon originale, ici. 

Enfin, le registre épique. « Princesse Mononoké » est un grand voyage initiatique, notamment pour Ashitaka. En effet, s'il ne va pas forcément se révéler à lui-même, car il fait preuve dès le début d'une très grande maturité et d'un calme olympien, il va devoir conserver sa retenue, sa maîtrise de soi, face au mal qui le ronge et à la bêtise des hommes. Maudit par un dieu devenu démoniaque, qu'il a tué pour sauver son village d'origine, Ashitaka n'a d'autre choix que de quitter les siens pour s'aventurer à la recherche d'un remède. A de nombreuses reprises, il va devoir faire taire sa colère, pour ne pas qu'elle se transforme en haine et le tue de l'intérieur. Il aura bien des raisons de le faire, mais à chaque fois il saura se contenir, non sans que se matérialise ce combat intérieur, par ce bras traversé par cette cicatrice maudite. Signe de ce que la haine est un vrai poison pour l'homme ! Ashitaka le médiateur, mais aussi la première victime de ce combat entre tradition et modernité, va non seulement devoir affronter mais aussi absorber toute cette haine, et la transformer en amour et en sagesse. C'est probablement le personnage le plus « fort » de ce film, fort au sens où il se relèvera toujours de ses épreuves et saura se montrer exemplaire, tout comme Nausicaä dans la bande dessinée et le film éponymes, malgré toutes ses responsabilités. « Princesse Mononoké » est ainsi le récit de cette quête vers la guérison, qui ne sera possible qu'en détruisant la haine de ce monde. C'est aussi une authentique épopée en ce qu'elle rend compte des exploits des héros et des héroïnes de cette histoire. Entre batailles rangées et conflits intérieurs, Miyazaki illustre avec sa maestria habituelle les remous de l'Histoire, de cette transition entre deux mondes, entre des personnages aux visées contraires, mais aussi des drames intimes qui se nouent, et de la difficulté pour San et Ahsitaka d'accepter que leur monde change à jamais. 

Il y a beaucoup de nostalgie dans ce long métrage mais aussi une certaine espérance. L'ancien monde a changé à jamais, tout retour en arrière sera impossible (et pas forcément souhaitable), c'est ce que Miyazaki nous montre par le simple biais d'images, à la fin de son film, non sans une certaine tristesse. En quelques plans, par cette herbe familière qui remplace la forêt sauvage et majestueuse, Miyazaki nous dit tout de ce passage d'une époque à une autre. Riche de thèmes et de personnages, illustré avec un talent inégalé, « Princesse Mononoké » n'est pas forcément son plus grand film à mon sens (la faute à un très relatif académisme), mais c'est indéniablement le plus représentatif de son talent. D'une profondeur que plusieurs visionnages n'ont jusqu'à présent pas entamée. 

[4/4]

samedi 4 juillet 2015

« Mes Voisins les Yamada » (Hōhokekyo tonari no Yamada-kun) de Isao Takahata (1999)

    Tout comme pour Miyazaki, l’œuvre d'Isao Takahata est un singulier mélange d'influences japonaises traditionnelles et occidentales. On connaît l'attrait particulier qu'a Takahata pour la France, et dans le domaine du cinéma, pour le réalisme poétique des années 1930. Et de fait, toute son œuvre se caractérise par ce réalisme saupoudré d'une poésie tantôt magnifique tantôt comique et exubérante. Là où l’œuvre de Miyazaki baigne dans le fantastique tout en touchant à l'universel, l'universalité de l’œuvre de Takahata vient de ce goût pour la représentation du réel, de la beauté du réel, à la manière d'Ozu (comme Miyazaki ressemble fort à Kurosawa). Ce réel peut être difficile et triste à pleurer (« Le Tombeau des lucioles »), terrible, inhumain (« Le Conte de la princesse Kaguya »), nostalgique (« Souvenirs goutte à goutte »), mais aussi drôle (« Pompoko »)... voire franchement comique : et nous arrivons à « Mes Voisins Yamada ». Derrière le graphisme humoristique, proche de la caricature, tout comme la psychologie des personnages, archétypiques de la famille japonaise moderne, voire occidentale, se cache en fait une ode à la vie humaine, foncièrement imparfaite, et c'est tant mieux ! Derrière tous les défauts de la famille Yamada et leurs péripéties qui n'ont rien à envier aux nôtres (dans la « vraie » vie), se cache en effet la célébration de l'humanité dans toute ses contradictions. Tout comme « Kaguya » est un plaidoyer (en filigrane) pour une vie simple, proche des gens, humaine en somme, « Mes Voisins les Yamada » montre que même la vie de tous les jours est haletante, et qu'en définitive, créer un foyer et bien conduire sa barque sur les flots incertains de la vie est plus difficile qu'on ne le croit, et en même temps l'affaire de l'humanité depuis des millénaires. C'est donc possible ! Et même souvent très drôle, comme les innombrables (més)aventures des Yamada. Entre le père chef de service harassé par son travail et la vie de famille, la mère guère douée pour le ménage, la grand-mère acariâtre, le fils fainéant et la fille témoin de tout ce qui se passe, voilà un portrait tendre et amusé d'une famille on ne peut plus universelle. On se retrouve dans bien des situations, et on rit de bon cœur à toutes ces péripéties bon enfant. Saluons également la technique de l'animation, qui sert tout à fait le propos, et qui mine de rien tient de la prouesse graphique, voire de la franche innovation. En somme, un Ghibli très original et très drôle, à regarder en famille.

[4/4]

dimanche 17 mai 2015

« Souvenirs goutte à goutte » (Omoide poroporo) d'Isao Takahata (1991)

    La première fois que j'ai vu ce film, ça n'a pas manqué : le ton nostalgique, le rythme lent, le manque d'une certaine poésie audacieuse ou de la touche épique miyazakienne, tout cela m'avait déçu. Tout comme pour « Le Château ambulant », maintenant que j'ai donné une seconde chance à ce long métrage sans en attendre la lune, mon avis diffère, et en bien !

Takahata réussit à dépeindre plus que deux époques (les années 1960 et 1980), il évoque avec brio deux âges de la vie d'une jeune femme : l'éveil de l'adolescence et le passage à proprement parler à la vie adulte (fin des études et début du travail). « Souvenirs goutte à goutte » nous conte les vacances d'une tokyoïte de 27 ans, Taeko, qui en prenant le chemin de la campagne, se remémore bien des souvenirs de son enfance, quand elle avait une dizaine d'années.

Les séquences alternent donc entre 1966 et 1982, celles de 1966 étant dessinées à l'aquarelle dans de jolies couleurs, tandis que 1982 est représentée dans les tonalités habituelles et sous le trait caractéristique du Studio Ghibli. Ce qui est intéressant, c'est le côté presque documentaire de l'exercice, car les souvenirs de Taeko rappellent bien des souvenirs qui nous appartiennent : la lutte (à l'usure !) pour obtenir telle ou telle chose de son père ou de sa mère, les cours qu'on juge trop difficiles, l'amour envers son ou sa camarade, les relations familiales avec les frères et sœurs, et bien sûr les parents,... De même pour la jeune femme de 27 ans, quand on approche cet âge, on vit le même genre de problématiques : la question de l'attrait pour un travail pas toujours très intéressant, la question du mariage, le choix de la vie à la ville ou à la campagne,...

Takahata réussit subtilement à aborder bien des thèmes qui nous touchent, et ce sans que l'on se rende compte de l' « artificialité » du dessin (toujours plus que relative chez Ghibli) : en bref, on se croirait devant un film « live » tant c'est bien amené, et plus encore, devant un film d'Ozu, tant ce long métrage respire la lenteur, la nostalgie et le soin apporté aux sentiments les plus fins, sans parler de la qualité toujours aussi prodigieuse de la l'animation. « Souvenirs goutte à goutte » est donc un film hautement recommandable, mais clairement à destination des adultes, sous peine d'endormir les enfants !

[4/4]

dimanche 1 mars 2015

« Le Château dans le ciel » (Tenkū no shiro Rapyuta) d'Hayao Miyazaki (1986)

    Après avoir vu tous les longs métrages d'Hayao Miyazaki, dont certains au moins deux fois, j'en arrive à la conclusion suivante. Deux films surnagent parmi cette douzaine d'authentiques chefs-d’œuvre : « Totoro »... et « Le Château dans le Ciel ». Parlons de ce dernier. A mon sens, il s'agit d'un film parfait. Parfait parce que sans défaut, mais surtout, parce que poétique au possible, merveilleux, entraînant, subtil, divertissant tout en conservant une grande profondeur. Ce n'est pas un long métrage aride, parfait car lisse, austère, non, il est parfait pour moi car je n'ai jamais vu mieux. Oui, c'est un film très sensuel. Et poétique, je me répète. J'en veux pour preuve cette magnifique séquence d'introduction : une petite fille tombe du ciel, lentement, doucement, pour arriver dans les bras d'un petit garçon, émerveillé et surpris à la fois. Et c'est là que tout commence. Mélange d'histoire d'amour et d'amitié, mais aussi de pure aventure, « Le Château dans le ciel » est peut-être avec « Totoro » le film le plus universel de Miyazaki. Les valeurs de l'entraide, du courage, de la curiosité, de la débrouillardise, et de l'amour, toujours, y sont exaltées. Et puis cette exubérance visuelle, cette inventivité permanente est extraordinaire. Tout semble possible pour Miyazaki. C'est bien lui qui est allé le plus loin dans le domaine de l'animation, car il est allé chercher ce qu'il y avait de meilleur dans son cœur de poète ainsi que ses yeux et ses mains de dessinateur : un conte pour enfants (et adultes n'ayant pas perdu leur âme d'enfant) intemporel. Avant, je n'attribuais pas la note suprême à ce film car j'avais toujours à l'esprit ce méchant assez manichéen. Et en fait non, peu importe. Le mal existe, il ne sert à rien de le masquer. L'important c'est que le bien triomphe. Que l'innocence vienne à bout de la noirceur qui peut régner dans ce monde. Que des enfants puissent sauver l'humanité, précisément car ce sont des enfants, au cœur pur. Et puis toute cette galerie de seconds rôles, est comme d'habitude chez Maître Miya, réjouissante : des pirates facétieux et maladroits, un vieillard esseulé, perdu dans une mine, un chef ouvrier grognon mais humain... Et comment ne pas évoquer la musique de Joe Hisaishi, qui comme toujours vient sublimer le tout, donner une dimension supplémentaire à un film déjà exceptionnellement riche par bien des aspects ? D'autant que n'ai pas parlé de tout ce mystère autour de Laputa, la fantastique île volante. Cette partie là aussi du long métrage est intrigante, mystérieuse et fascinante. En fait, et j'en reviens à ma conclusion : tout dans ce film est réussi. Tout. Et je crois que je pourrais le revoir des dizaines et des dizaines de fois en étant toujours aussi ému. Rares sont les œuvres dont je peux affirmer cela, tous arts confondus... « Le Château dans le ciel » en fait indéniablement partie.

[4/4]

samedi 7 février 2015

« Souvenirs de Marnie » (Omoide no Mānī) de Hiromasa Yonebayashi (2015)

    « Souvenirs de Marnie » est un Ghibli à part, par bien des aspects, malgré la qualité toujours aussi irréprochable du dessin. Tout d'abord il tourne autour d'une héroïne mal dans sa peau, timide à l'extrême et de surcroît asthmatique. Les héroïnes vaillantes, fières, courageuses de Miyazaki et Kondo semblent bien loin. Ensuite, l'ambiance est sombre, parfois effrayante. Là encore, plus aucune trace de la joie miyazakienne, voire du comique takahatien. Et enfin, c'est probablement le film du célèbre studio japonais le plus ambivalent. Et là, je dois dire que c'est très particulier. Chaque instant du long métrage (si l'on excepte la fin qui, heureusement, vient tout résoudre en apportant une grande bouffée d'air frais) menace de tomber dans l'excès, un excès que l'on craint graveleux, sordide. Mais non, ouf, on y échappe. Et ainsi de suite, jusqu'aux 10 dernières minutes. Les scènes de tension, presque anthologiques, sont légion, et l'on se demande assez rapidement où le film et son réalisateur veulent en venir. Ghibli nous avait habitué à des longs métrages plutôt francs du collier, directs, simples (mais d'une simplicité salutaire, solaire même). Ici tout est compliqué, tortueux, et toujours à la limite du borderline. Le carcan moral qui soutient, l'air de rien, les précédents films signés Ghibli semble fondre sous la chaleur du cœur en fusion de l'héroïne, prêt à exploser de mal être. Heureusement, donc, la fin vient expliquer et dénouer l'histoire, dont on ne faisait qu'entrapercevoir à grand peine le sens, bien tourmenté, mais rationnel il est vrai, et non dénué d'intérêt au demeurant. Toutefois, « Souvenirs de Marnie » marque bel et bien une rupture dans la production du studio. Miyazaki et Takahata, avec toutes leurs influences, à savoir le cinéma japonais, américain et européen de la première moitié du XXème siècle, surtout, tirent leur révérence. Ils laissent la place, en l'occurrence, à un cinéaste de toute évidence nourri au cinéma japonais de la deuxième moitié du XXème siècle, plus angoissé et terrifiant, plus adulte pourrait-on dire, plus sombre en fait. Et là se pose la question du futur : le studio peut-il poursuivre dans cette direction ? Il doit se réinventer, certes, et faire place nette aux jeunes générations. Mais doit-il pour autant s'engager dans cette voie, au risque d'aboutir à une impasse ? La pause intimée par Toshio Suzuki, le talentueux producteur du studio nippon, est éloquente : Yonebayashi est-il réellement un successeur de taille pour Miyazaki et Takahata ? Rien n'est moins sûr.

[2/4]

samedi 17 janvier 2015

« Le Château ambulant » (Hauru no ugoku shiro) d'Hayao Miyazaki (2004)

    La première fois que j'ai vu ce film, j'ai été extrêmement déçu, ne voyant que ses défauts : une occidentalisation forcenée, voire parodique malgré elle, une certaine mièvrerie (le héros principal est passablement agaçant) et surtout un rendu consensuel au possible. Où était donc passé Miyazaki me demandais-je ? Après un second visionnage, je révise mon jugement, tant j'ai pris plaisir à revoir ce long métrage. En fait, je sais aujourd'hui ce qui m'avait déplu dans « Le Château ambulant » : c'est son côté composite. C'est un amalgame de cultures anglo-saxonne et japonaise, d'histoires d'amour et de guerre, de magie et de réalisme, et le tout, saupoudré de rose bonbon et autres couleurs criardes, m'était apparu fort indigeste. En n'attendant plus rien de cette seconde chance laissée à ce film, ses qualités sont tout à coup ressorties, peu discutables. Tout d'abord la poésie de certains passages est extraordinaire. Rien que ces moments privilégiés confèrent toute sa force au « Château ambulant », en en faisant un dessin animé de grande qualité. De plus, les personnages secondaires (l'épouvantail et le démon du feu notamment) sont savoureux : c'est tout simplement le sel qui donne son goût si particulier à ce long métrage. Et si l'héroïne n'arrive pas à la hauteur des autres personnages principaux des meilleurs Ghibli, elle marque par son abnégation et son courage typiquement « miyazakiens ». « Le Château ambulant » est tout de même un film du maître à part et légèrement en deçà des autres, car on peine à s'identifier totalement au couple principal (vu l'âge plus qu'avancé de l'héroïne et le maniérisme adolescent du héros). Toutefois l'histoire tient la route, et j'ai apprécié l'arrière plan martial, qui une fois de plus donne l'occasion au cinéaste japonais de dénoncer la folie des hommes. L'animation, quant à elle, est toujours irréprochable, même si ce n'est pas le long métrage le plus exemplaire du studio Ghibli à ce sujet. En somme, il faut prendre « Le Château ambulant » pour ce qu'il est : un pur divertissement, dans le meilleur sens du terme. Ce n'est pas le film le plus profond, ni le plus réussi ou le plus émouvant de Miyazaki. Mais l'un des plus réjouissants, et à ce titre, il mérite largement le coup d’œil.

[4/4]

jeudi 10 juillet 2014

« Le Conte de la princesse Kaguya » (Kaguya-hime no monogatari) de Isao Takahata (2014)

    « Le Conte de la princesse Kaguya » est une œuvre très adulte et assez sombre malgré ses atours enfantins. En effet, y est évoquée la vie sur terre d'une jeune fille aux origines surnaturelles, trouvée par un modeste paysan dans une pousse de bambou, et élevée par ses soins avec sa femme. La jeune fille grandit avec des enfants de la bambouseraie, tout aussi modestes que ses parents adoptifs, et elle goûte aux joies d'une vie simple et heureuse. Mais le paysan trouve un jour de l'or et de belles étoffes dans la bambouseraie : il en est convaincu, sa fille est en réalité une princesse. Il se doit donc de l'éduquer en conséquence et de lui offrir une place de choix à la capitale, où elle pourra s'épanouir et épouser un riche courtisan. Mais, pour l'héroïne, cela veut dire renoncer à la vie qu'elle mène et qu'elle aime tant, et à ses amis, trop « rustres » pour elle selon son père... D'autant qu'on lui assigne une marâtre en guise d'éducatrice, et qu'elle doit se plier à des usages proprement inhumains (s'épiler les sourcils, ne plus rire, se noircir les dents, rester cloîtrée chez elle, ne pas participer aux fêtes données en son honneur,...). Le conte prend alors une autre tournure, et vient dénoncer l'avidité des hommes, qui recherchent gloire, richesse et ascension sociale sans limite (on n'est d'ailleurs pas très loin du « Bourgeois gentilhomme » de Molière, même si ce dernier est drôle et léger, bien au contraire du présent long métrage). Takahata enrichit avec intelligence le conte d'origine (daté du Xème siècle) pour opposer deux conceptions de l'existence. Ce qui, en filigrane, malgré son côté désabusé, fait du « Conte de la princesse Kaguya » (et là je vais citer un ami) « un hymne à la vie. Mais à la « vraie » vie. Une vie au contact de la nature, de gens authentiques. Une vie simple ». Je ne retrouve pas chez Takahata la même joie et la même humanité (bienveillante) que chez Miyazaki. Mais certains passages de ce film sont excellents, et surtout, le ton est assez subtil et intelligent pour donner à réfléchir, tout en savourant de jolis dessins. Attention donc, ce long métrage n'est pas vraiment pour les enfants, et il vous laissera peut-être un goût doux-amer à la sortie de la séance. Mais il offre un saisissant portrait du Japon médiéval, et plus encore, dénonce avec force et brio des travers humains plus que funestes. D'une manière telle qu'on ne peut que saluer ce qui sera peut-être le dernier film d'Isao Takahata.

[4/4]

vendredi 24 janvier 2014

« Le Vent se lève » (Kaze Tachinu) de Hayao Miyazaki (2014)

    La vie est belle, très, très belle. Elle est aussi simple, limpide. Oh, bien sûr, la vie est aussi complexe, parfois trop, mais pas d'une complexité irrémédiable, funeste. Non, complexe car dense, riche. Tout comme le dernier long métrage d'Hayao Miyazaki, à la fois triste et solaire, et d'une évidence sans pareille. « Le Vent se lève » est un film qui pose la question peut-être la plus importante de toute vie humaine. Qu'est devenu(e) le petit garçon, ou la petite fille que nous étions ? La vie est certes difficile parfois, souvent même. Mais nous, que faisons-nous de cette vie qui nous est donnée ? Jiro a choisi de concevoir des avions, les plus beaux qu'il puisse imaginer. Enfant rêveur mais déterminé, doué, il deviendra le créateur des chasseurs Zéro, les terribles engins volants des kamikazes japonais, durant la Seconde guerre mondiale. La vie et son lot de circonstances auront ainsi rattrapé le rêve d'un jeune homme épris d'aviation. « Le Vent se lève » est donc un film tout à fait ancré historiquement. Hayao Miyazaki ne fait pas de mystère sur les temps obscurs que furent pour le monde et l'humanité l'impérialisme allemand et japonais. Mais l'intérêt du long métrage n'est pas là. Il est dans cette soif de grands espaces, ce rêve tout humain de défier l'apesanteur – et joie – de voler ! Il réside aussi dans cette soif d'idéal, d'absolu. L'absolu de l'amour, de la bonté, de la beauté, du courage, de la ténacité. Hayao Miyazaki n'est pas seulement un dessinateur ou un réalisateur de talent. C'est aussi et avant tout un véritable et grand artiste, car il a des choses à dire. Et ce qu'il a à dire est immense. Comment contenir en une œuvre seulement ce souffle de vie, ce désir de vivre, de s'épanouir, de grandir avec l'autre, et les autres ? Bien sûr, tout n'est pas parfait dans ce film. Mais les moments les plus beaux sont extraordinaires. Bouleversants. Rares sont les longs métrages, ou même les œuvres autres que cinématographiques, à diffuser des émotions si subtiles et fortes à la fois. Rares sont les films, d'aujourd'hui mais aussi d'hier, à donner corps à une telle foi dans la vie et dans l'humanité. Rien ne semble altérer cet espoir, ni le temps, ni la guerre, ni le mal, ni la maladie. Rien ne peut altérer, diminuer cette confiance rayonnante dans le fait que les êtres humains peuvent se surpasser avec bienveillance, et s'accomplir dans le regard aimant de l'autre. Amour et travail, amour du travail, éloge de l'amour (car c'est toujours lui qui a le dernier mot), c'est ainsi que prend fin – peut-être – la carrière du Miyazaki réalisateur de longs métrages. Pouvait-il achever son œuvre et quitter sa table de travail d'une plus belle façon ? Difficile de l'imaginer.

[4/4]

mercredi 9 janvier 2013

« La Colline aux coquelicots » (Kokuriko zaka kara) de Gorō Miyazaki (2012)

    Un joli film, à des années lumières du premier long métrage du fils de l'illustre Hayo Miyazaki. On pouvait craindre le pire du successeur des « Contes de Terremer », pas loin d'être un caprice désincarné de « fils de », illustré avec brio par un studio de talent mais paresseusement réalisé par un cinéaste indigne de ce nom. Ici, nous avons le droit à une œuvre accomplie, certes sans grand éclat, mais d'une facture fort appréciable. Remercions Miyazaki père, car c'est bien grâce à lui que « La Colline aux coquelicots » a un semblant d'âme. Il n'a décidément pas son pareil, scénaristiquement parlant, pour donner chair aux gestes du quotidien, et rendre digne d'intérêt une histoire d'amour plus que platonique, car n'aboutissant pas à l'écran (c'est ce qui fait tout son charme). Il se rapproche en cela d'Ozu, et de la finesse de sa façon de peindre les sentiments les plus subtils avec de légères touches de pinceau. « La Colline aux coquelicots » nous conte la naissance d'un amour entre deux lycéens, au début des années 60. Bien que basée sur l'imagination et volontairement non réaliste, la représentation de l'époque est très bien recréée, sans passéisme, et sert surtout d'écrin à cette histoire diaphane. Car au risque de me répéter, l'intrigue de ce long métrage manque un peu de saveur. Gorō Miyazaki ne m'a donc pas encore totalement convaincu, il lui reste un long chemin à parcourir avant d'arriver à la hauteur de son père. Pourtant, bien que le scénario soit tout à fait linéaire et la réalisation peu inventive, ou plutôt grâce à cette sobriété qui contraste avec l'outrance de son précédent essai, Miyzaki fils commence à trouver ses marques. L'alchimie a pris, et « La Colline aux coquelicots » mérite bien le nom de film. Rien de bien transcendant pour l'instant, mais une affaire à suivre.

[2/4]

lundi 8 août 2011

« Si tu tends l'oreille » (Mimi wo sumaseba) de Yoshifumi Kondo (1995)

    A la différence de plusieurs des œuvres de Takahata, l'amour du dessin de Yoshifumi Kondo transpire à chaque plan de son film. Certes son esthétique, son style, reste dans l'ombre de Miyazaki, mais il parvient malgré tout, et avec une grande finesse, à s'en démarquer ici et là, par des façons autres de donner vie à ses personnages, de magnifier le mouvement. Car c'est cela avant tout qui est si émouvant, c'est cette façon qu'ont les meilleurs films du studio Ghibli de donner vie à des personnages tracés avec quelques traits... La manière dont les expressions du visage humain sont rendues, à l'aide de trois fois rien, tient à ce titre du miracle... Et puis cet admirable sens du geste, que l'on ne retrouve que chez les plus grands cinéastes, Bresson ou Ozu par exemple... Pourtant « Si tu tends l'oreille » n'a pas que des qualités, il est quelque peu maladroit (mais ça contribue grandement à son charme) et quelques effets ici et là, sans parler de sa musique, s'avèrent un peu datés. Mais ce ne sont là que des détails, à propos d'une œuvre si finement ciselée dans son écriture délicate et les sentiments qu'elle convoque, qu'il serait bien inopportun de s'en plaindre! Kondo (et avec lui Miyazaki, présent sur ce projet) arrive à saisir l'éveil de l'adolescence, la frustration que l'on ressent face à son propre manque, l'amour (fort heureusement sans niaiserie), la quête de soi-même et de l'idéal, et la beauté de la vie et du monde au passage... Et toujours cette différence avec les films des autres membres du studio Ghibli (ceux de Miyazaki et « Le Tombeau des lucioles » exceptés) : Kondo s'exprime pleinement à chaque image, nulle place pour l'artificialité ou une complexité ostensible malvenue. L'émotion est donc bien réelle, et ce n'est pas l'intellect qui se voit comblé (encore que), mais simplement les yeux, et les oreilles! Car de surcroît la bande-son est soignée. Et la réalisation étant excellente, je ne peux que saluer Yoshifumi Kondo pour le seul film, hélas, qu'il lui ait été donner de réaliser. Un auteur qui fait bien défaut au studio aujourd'hui, et à nous autres, spectateurs...

[4/4]

mardi 21 juin 2011

« Pompoko » (Heisei tanuki gassen ponpoko) de Isao Takahata (1994)

    Toutes proportions gardées, si Hayao Miyazaki est un peu le Léonard de Vinci du studio Ghibli, Isao Takahata peut être comparé à Jérôme Bosch, du moins pour ce qui est de ce film. « Pompoko » est en effet une longue métaphore filée sur l'état de notre monde d'un cynisme incroyable, intelligente et guère amène envers le spectateur (surtout lorsque l'on sait qu'il s'adresse en principe à des enfants) : le propos est singulièrement trivial (d'autant qu'il consiste en un miroir tendu à l'humanité), et nous oblige à chercher au delà des images de quoi nourrir notre vision du film. Takahata renonce ainsi au « beau » (et à une subtilité supérieure) pour mettre en scène les travers de l'homme, ce pour quoi artistiquement parlant il ne trouve pas grâce à mes yeux. En revanche, la façon dont il provoque la réflexion est estimable, et mérite qu'il en soit fait mention, tant une fois que l'on remplace les tanukis par ce qu'on veut : les artistes, les japonais, les enfants, les aïnous, les européens, les légendes, la spiritualité... ou simplement les animaux et les tanukis, tout s'éclaire. Les humains deviennent alors les occidentaux face au japonais, les américains face au reste du monde, la majorité face à la minorité, les apparences face à la vérité, la modernité face à la tradition, les hommes face à eux-mêmes... Les différentes péripéties, narrées avec ironie par une voix-off, montrent comment, traqués, les tanukis peinent à prendre le dessus à cause de leur paresse, de leurs passions... mais aussi de leur innocence, de leur naïveté et de leur talent. On peut donc aussi voir dans l'extinction des tanukis la fin de l'art et des artistes, la fin de l'imagination véritable, pure et gratuite, la fin de la tradition ancestrale, du respect de l'ancien temps... Bien peu de solutions sont données pour répondre à cet inéluctable changement, pas loin d'être qualifiable de désastreux : retrouver une éthique, un sens du sacrifice, une ardeur au travail sans verser pour autant dans l'activisme, le stress, le fanatisme, la violence, le renoncement total... « Pompoko » est donc un long métrage typiquement japonais, qui non sans humour et plus que tout dans une grande tristesse relate l'autodestruction d'un monde. Aux enfants de réparer les bêtises des adultes, et aux hommes de corriger leurs défauts : ce n'est guère nouveau malheureusement, mais il faut bien quelqu'un pour le rappeler (« Pompoko » est aussi la métaphore du studio Ghibli et du rôle de l'artiste si l'on pousse la réflexion jusqu'à la démarche de l'auteur). Dommage donc que la forme manque à ce point de finesse, mais pour les admirateurs du studio Ghibli voilà un film qui vaut le détour, d'autant qu'il « casse » un peu le mythe de façon relativement bienvenue.

[3/4]

lundi 20 juin 2011

« Ponyo sur la falaise » (Gake no ue no Ponyo) d'Hayao Miyazaki (2008)

    Avec « Ponyo sur la falaise », Hayao Miyazaki a de toute évidence sélectionné le public auquel il s'adressait. Certes Miyazaki n'a jamais caché faire des dessins animés pour les enfants : la différence c'est qu'ici il vise si je ne m'abuse les enfants en bas âge. Autant l'on peut (et même l'on doit) parler à un enfant comme à un adulte et réciproquement lorsque l'on fait de l'art digne de ce nom (c'est du moins mon avis), lorsque l'on commence à restreindre son public il me semble que l'on perd à tous points de vue : l'enfant sera d'autant plus « tiré » vers le bas et l'adulte se sentira bien moins touché... Par contre il y a bien un « avantage » dans la façon dont Miyazaki a réalisé ce long métrage : il s'agit de son film le plus simple et réaliste, et il se débrouille fort bien pour sublimer la réalité, d'autant que l'animation réserve comme toujours d'admirables moments, qu'il s'agisse des mouvements des personnages, des décors ou de trouvailles visuelles merveilleusement suggestives et poétiques à la fois... Hélas, il y a d'autres choses que je reprocherai à Miyazaki, outre son trop plein d'explications et d'infantilisme : « Ponyo sur la falaise » continue dans la lignée de l'« occidentalisation » forcenée de son art (il a dépassé le point d'équilibre à mon sens) visible surtout depuis « Le Château ambulant ». Ses influences commencent à ressortir disgracieusement à l'écran, à l'image de tout un imaginaire japonais actuel répandu dans la jeunesse (nippone ou d'ici), sorte de caricature criarde du « beau » occidental... Ce que j'aime tant dans l'art asiatique, c'est découvrir autre chose que l'art européen, et non pas avoir la tristesse d'y deviner une pâle copie, ne laissant présager rien de bon pour l'avenir... « Ponyo » est donc un bon moyen de redescendre sur Terre : Miyazaki est certainement le plus grand des animateurs en activité, mais ce n'est qu'un homme, et la gigantesque entreprise qu'est le studio Ghibli risque bien un jour de prendre l'eau en ployant sous son succès, à la recherche de sa supposée « marque de fabrique » (qui n'est autre que l'audace de Miyazaki), comme un certain studio Disney, s'il ne sait pas se renouveler. Assurément « Ponyo sur la falaise » est plus réussi que « Le Château ambulant », car plus homogène et sans doute davantage pris en charge par Miyazaki, qui livre là un scénario certainement plus original. Mais au final « Ponyo », malgré toutes ses qualités (et non des moindres) est moins ambitieux que ses précédents longs métrages, plus puéril, et il faut bien le dire... plus convenu.

[3/4]

dimanche 19 juin 2011

« Mon voisin Totoro » (Tonari no Totoro) d'Hayao Miyazaki (1988)

    Petit, je détestais les mangas. Un jour pourtant, chez un ami, j'étais resté scotché devant la télé : en zappant j'étais tombé devant un dessin animé où les personnages attendaient, sous la pluie, éclairés par un lampadaire... J'étais fasciné : comment cela était-il possible? Que faisaient ces personnages sous la pluie? Qu'attendaient-ils? Quel étrange dessin animé! Je ne savais pas qui avait réalisé ce long métrage, d'ailleurs je ne m'en souciais guère, je connaissais seulement son nom : « Mon voisin Totoro ». Je me suis toujours souvenu de ce passage, jusqu'à me dire les années passant que le film dont il était tiré ne pouvait être qu'extraordinaire. Depuis j'ai eu le temps de réellement découvrir et aimer le cinéma, et de franchir enfin le pas : on parlait beaucoup d'un certain Hayao Miyazaki. Et un jour je me suis dit qu'il y avait peut-être une raison à cela, après tout pourquoi ne pas essayer de regarder un de ses films? J'eus alors l'immense joie de découvrir « Le Voyage de Chihiro », qui littéralement m'avait laissé béat d'admiration (Miyazaki restera d'ailleurs le seul mangaka à avoir emporté mon estime) : enfin, il y avait bien quelqu'un qui avait compris ce qu'était l'animation et su faire le dessin animé parfait, celui où il y a tout, qui parle de tout, qui est beau à chaque seconde qui s'égrène... Bien sûr l'on peut discuter de la notion de perfection, mais c'est l'impression qui m'avait saisie lorsque je visionnais son film, et que je découvrais par la même occasion l'existence d'un nouveau cinéaste de génie. Oui ce qualificatif peut paraître excessif, mais depuis le temps que je m'intéresse au cinéma je puis dire qu'il n'est pas usurpé. Dès lors, j'ai vu tous les longs métrages d'Hayao Miyazaki. Tous sauf un, que je gardais pour la fin : c'est « Mon voisin Totoro ». Et j'ai enfin pu voir en entier, du début à la fin ce dessin animé que j'attendais tant. La séquence sous la pluie m'est apparue bien trop courte, tout comme le film. Mais il s'agit bien de l'oeuvre la plus épurée et suggestive à la fois, la plus contemplative, la plus simple d'Hayao Miyazaki. La meilleure? Qu'est-ce à dire, quand des longs métrages tels que « Princesse Mononoké » ou « Nausicaä de la Vallée du Vent » (et tant d'autres) se côtoient dans sa filmographie? C'est en tout cas l'oeuvre la plus représentative de son talent, celle qui renferme en elle le secret de l'enfance. Oui c'est un dessin animé pour enfants, pas de doute. Ça en agacera certains, et rendra nostalgiques les autres (ou tout cela à la fois). Mais si vous êtes un adulte, et que vous avez gardé votre âme d'enfant, alors « Mon voisin Totoro » vous promettra une balade imaginaire que vous aurez grand peine à oublier. Et à ce jour, je connais très peu d'oeuvres de cet acabit. Ah, et j'oubliais une chose : la musique de Joe Hisaishi est décidément très belle, c'est peu dire qu'elle sied parfaitement aux images de Miyazaki.

[4/4]