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lundi 4 avril 2011

« The Brown Bunny » de Vincent Gallo (2004)

Un homme, Bud Clay, traverse les Etats-Unis pour rentrer chez lui et rejoindre sa femme Daisy. En chemin, il aborde des femmes au nom de fleurs, puis les abandonne, ne cherchant visiblement qu’à retrouver l’image de Daisy (Marguerite) à travers ces visages d’inconnues. Plus il se rapproche de sa destination, plus il semble souffrir. Des visions d’instants passés avec sa femme l’envahissent, des larmes coulent sur son visage. On soupçonne que quelque chose a mal tourné, on pense à une séparation brutale, à l’image du couple Travis/Jane de « Paris Texas », que le film de Gallo nous évoque à plusieurs reprises. Bud et Travis semblent atteint du même mal. Un fantôme les hante, fantôme qu’ils finiront par retrouver, soit pour se libérer (Travis), soit pour définitivement s’oublier (Bud, devenant fantôme lui-même). A sa sortie, le film de Gallo avait fait couler beaucoup d’encre. Les commentaires avaient été nombreux et passionnés, principalement axés autour de la personnalité du réalisateur-à-tout-faire Gallo (sur laquelle nous ne nous arrêterons pas), mais trop rarement portés sur ce qui compte vraiment, à savoir les qualités artistiques éventuelles du film. « The Brown Bunny » est un film d’une grande simplicité, simplicité dont il tire à la fois ses forces et ses faiblesses. Là où Wenders utilisait un outil scénaristique, à savoir le mutisme, pour marquer la séparation de Travis du monde extérieur, Gallo utilise davantage les moyens du cinéma (même si l’on ne peut pas négliger son interprétation), jouant intelligemment sur quelques idées et principes de mise en scène, en cloisonnant Bud dans des espaces fermés (le principal étant sa fourgonnette) qui semblent de jamais communiquer avec l’extérieur. En revanche, la simplicité des moyens utilisés n’obligeait aucunement à une certaine négligence dans la réalisation. La première séquence, où le cameraman filme une course de moto caméra à l’épaule (qu’on imagine plutôt à bout de bras dans le cas présent), est irregardable, et de manière générale, dès que la caméra est portée, c’est un supplice visuel (Gallo peut tout de même s’offrir un stabilisateur léger non ?). La pertinence de certains plans fixes, comme ceux filmés à l’intérieur du véhicule et qui reposent sur une idée précise de mise en scène, laisse trop apparaître, par contraste, l’absence d’idées pour soutenir d’autres plans qui semblent bâclés. Passées ces remarques générales, il faut s’attarder sur la longue séquence finale, sommet émotionnel du film mais aussi révélation trop explicative et appuyée du mystère de la relation Bud/Daisy. On a beaucoup commenté cette fellation non simulée (principal objet du scandale cannois), scène quasi pornographique (mais jamais érotique, créant une distance désexualisante). Passés les jugements passionnés hâtifs, il est nécessaire de s’interroger sur la pertinence de cette scène explicite. Et il faut bien reconnaître qu’elle participe pleinement de la force de la séquence, dont on ressort quelque peu exténué. Alors certes, un Bergman n’aurait eu nul besoin de s’appuyer sur un tel dispositif pour obtenir une puissance de l’émotion encore bien supérieure et se serait contenté de son écriture, du texte et de l’interprétation de ses comédiens. Mais n’est pas Bergman qui veut ! Gallo réalise ici un film à fleur de peau (chose suffisamment rare dans le cinéma américain pour être signalée), un film travaillé d’une détresse et d’une émotion palpable. Trop palpable peut-être pour certains critiques et journalistes peu habitués, qui s’y sont probablement brûlés.

[2/4]