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dimanche 29 septembre 2019

« Sur la route de Madison » (The Bridges of Madison County) de Clint Eastwood (1995)

    On savait Clint Eastwood philosophe à ses heures perdues, tant certains de ses films se font méditatifs et réfléchis, derrière le vernis parfois envahissant de la violence. Ici, le cinéaste américain nous prend à contrepied. Il délaisse ses héros vengeurs et taciturnes pour nous offrir un drame terriblement romantique.

Mais la grande force d'Eastwood, c'est qu'en reprenant une trame tout ce qu'il y a de plus convenue (en apparence), il déjoue un à un les clichés et autres chausse-trappes narratifs et visuels. S'il est vrai que tout récit est bâti autour d'une tension irrépressible, « Sur la route de Madison » est construit sur cette opposition entre deux personnages aux personnalités et aux histoires diamétralement opposées et complémentaires à la fois. Sur la tension d'un amour interdit et puissant, de rêves terriblement humains.

L'histoire est simple et forte à la fois. Francesca (sublime Meryl Streep) est une Italienne qui s'est mariée à un G.I. rencontré dans son pays natal. Elle l'a suivi en Amérique, dans l'Iowa et le comté de Madison, et a fondé avec lui une famille de deux enfants. Elle semble tout avoir pour être heureuse, mais son mari un peu rustre, bien qu'aimant, et ses enfants distants à mesure qu'ils grandissent ne parviennent à la satisfaire totalement. Elle avait d'autres rêves, et manifestement son mari n'a pas su les lui offrir.

Quand arrive dans la région un photographe du National Geographic, Robert Kincaid (formidable Clint Eastwood), un baroudeur venu photographier les ponts du comté de Madison (d'où le titre original en anglais). Il s'égare et fait ainsi la rencontre de Francesca, alors que son mari et ses enfants sont partis pour quatre jour à une foire agricole dans l'Illinois. Peu à peu, Robert et Francesca s'apprivoisent, et tombent amoureux fous l'un de l'autre.

La grande force de ce film est la finesse avec laquelle Eastwood filme ses personnages évoluer. Leurs sentiments s'intensifient peu à peu, tout se joue dans les gestes, les regards. Au début, nos deux personnages restent avec la distance qui sied à la condition de femme mariée de Francesca (on est alors dans l'Amérique des années 60). Puis ils basculent progressivement dans un amour enflammé, tant ils semblent faits l'un pour l'autre, chacun complétant l'autre et venant lui apporter ce qui lui manquait.

Mais si Eastwood réalisateur mérite des louanges, c'est véritablement Meryl Streep et le Clint Eastwood acteur qui font du film un chef-d’œuvre. Le jeu de Meryl Streep est très naturel et nuancé, il sied parfaitement à son personnage complexe. Francesca est en effet de culture européenne et se sent déracinée aux États-Unis, où peu de gens savent placer l'Italie sur une carte. Robert quant à lui connaît l'Italie et même la ville de naissance de Francesca. Avec son expérience aux quatre coins du monde, non seulement il est le plus à même de lui rappeler un passé aimé, mais aussi de l'ouvrir à des destinations incroyables dont elle ne peut que rêver, elle qui est assignée à résidence pour s'occuper des animaux de la ferme et de sa famille.

Robert, quant à lui, est un homme libre, divorcé, sans attaches et qui en même temps aime les gens qu'il rencontre lors de ses voyages. C'est à la fois un homme seul et constamment entouré, avec des amis partout dans le monde. Eastwood sert à merveille la complexité et la finesse de son personnage, galant et cultivé. C'est peut-être sa meilleur performance d'acteur, du moins parmi celles que j'ai vues jusqu'à présent, tant c'est un modèle de subtilité. Il rend son personnage terriblement attachant...

Le thème du film, la magnifique façon dont il est traité, l'interprétation extraordinaire, tout cela donne à cette expérience cinématographique une profondeur et une intensité saisissantes, amenant le spectateur a réfléchir à sa propre vie, rien que ça. Alors que l'on suit nos deux héros, la philosophie de la vie et la conception de l'homme et de la femme qui sont ainsi dessinées, en intégrant toute la complexité de l'existence humaine et ce qu'elle a de meilleur, nous emplit d'un bonheur certain. 

De toute évidence, un très très beau film, que je ne peux que recommander.

[4/4]

mercredi 11 décembre 2013

« Au-delà » (Hereafter) de Clint Eastwood (2010)

    « Au-delà » signe l'incursion de Clint Eastwood aux frontières du réel. C'est un film profondément marqué par l'idée de mort, comme le sont ses trois principaux personnages. Dans une esthétique assez glauque et terne, un homme, une femme et un enfant se retrouvent aux prises avec la Grande Faucheuse... et l'au-delà de la vie. Plus que les rapports étranges qu'ont les héros avec la mort, c'est le regard sur cette dernière qui semble intéresser Eastwood. Comment vivons-nous, comment acceptons-nous la mort ? Qu'est-ce que cela signifie pour nous ? Un passage, ou une fin de tout, tragique et terrible ? Y a-t-il un au-delà ? Que deviennent dans notre cœur les personnes chères qui nous ont quittées ? Sans proposer de réponses, Eastwood illustre le drame de plusieurs familles et personnes confrontées à ce qui demeure souvent l'inattendu, l'impensé. Sur ce point, je ne peux que louer la sobriété du ton d'Eastwood : sans rien asséner, il nous fait part de tourments que nous avons tous à un moment ou un autre éprouvés. Mais que dire du style ? La mise en scène est tout sauf exceptionnelle, le scénario parfois racoleur (mais parfois intelligent, il faut bien le concéder) nous laisse sur notre fin... et la vision de l'au-delà, même si ce n'est pas le propos du film que d'en montrer la substance, n'est pas plus concluante. En résulte donc un long métrage bancal, tantôt très subtil, tantôt assez grossier... et finalement en demi-teinte. On aurait bien voulu que la recherche du personnage incarné par Cécile de France (qui joue très bien, de loin la mieux, au passage) soit approfondie... Mais non, Eastwood survole le sujet. Et le personnage de Matt Damon n'est pas très crédible... Bref, peut mieux faire.

[1/4]

jeudi 17 octobre 2013

« Minuit dans le jardin du Bien et du Mal » (Midnight in the Garden of Good and Evil) de Clint Eastwood (1997)

    « Minuit dans le jardin du Bien et du Mal » est l'un des films les plus originaux de Clint Eastwood. Dans la moiteur de la Géorgie et de la ville de Savannah, cité sudiste agrémentée d'une végétation luxuriante, l'intrigue se déroule sur un rythme lent et nonchalant, se permettant des digressions au gré des évènements d'un scénario classique de prime abord. Il est en effet question d'une affaire de meurtre : le jeune Billy Hanson a été assassiné par le riche Jim Williams, alors que ce dernier donnait une réception somptueuse dans sa grandiose demeure. Mais pourquoi l'a-t-il tué ? Quels étaient leurs liens ? S'agissait-il de légitime défense ? Nombre de questions qui intriguent John Kelso, journaliste new-yorkais originellement venu à Savannah pour couvrir la réception de Williams, et qui va se faire enquêteur le temps de résoudre le mystère qui entoure cette mort étrange. Et petit à petit, l'exubérance des habitants de Savannah se fait jour, autour de personnalités toutes plus excentriques les unes que les autres. En fait, c'est la subtile ambiance mi-crapule mi-vaudou de la ville géorgienne qui fait l'intérêt du film. Mais peut-être plus encore, ce sont les acteurs qui donnent chair au long métrage. Kevin Spacey est excellent, véritablement énigmatique, tout comme John Cusack, personnification du héros candide et curieux, ou même le jeune Jude Law. Sans parler de Lady Chablis ou Minerva, la sorcière vaudou. Sur une intrigue un peu construite comme celle de « Gatsby le Magnifique », avec un riche protagoniste central, dont l'histoire est racontée par un narrateur effacé, « Minuit dans le jardin du Bien et du Mal » est une réussite certaine. Peut-être pas l'un des tous meilleurs films d'Eastwood, mais un bon cru tout de même.

[3/4]