dimanche 27 juin 2021

« L'Homme de la Légion » (L'uomo della Legione) de Dino Bataglia (1977)


 

    Une belle BD, quoiqu'assez austère, par son thème et son traitement. Il est question de la Légion Étrangère, corps d'armée prestigieux... mais voué à effectuer le sale boulot. En l'occurrence, ici dans les années 20, a maintenir l'ordre en Algérie Française face aux rebelles, dans un désert hostile et sous un soleil de plomb.

 

Si cette BD n'est pas sans posséder une certaine coloration politique, l'auteur s'attache surtout à illustrer la notion d'honneur, opposant deux personnages, l'un courageux, « simple soldat », et l'autre pleutre, ce dernier ayant le malheur d'être officier et n'étant donc pas à la hauteur de sa fonction... Battaglia en profite ainsi pour esquisser une sorte de méditation sur la condition de soldat, brillamment exécutée.

 

Reste que son style graphique est toujours aussi déconcertant. On reconnaît à peine les visages des personnages d'une case à l'autre. Le ton très mélancolique du récit s'accorde avec ces personnages minéraux, aux visages grisâtres, comme des morts-vivants s'ébattant dans une histoire écrite à l'avance, dont le destin est scellé.

 

Fond et forme se mêlent pour créer une atmosphère particulière, les personnages nous semblant lointains. Ils luttent face à des enjeux qui les dépassent et se révèlent en cela humains, mais on peine en même temps à vraiment s'attacher à eux, l'auteur créant une certaine distance qui empêche cette BD de nous toucher davantage.

 

Pour autant, Battaglia nous livre là un essai parfaitement accompli, et je suis toujours aussi curieux de me plonger dans le reste de ses œuvres.

 

[3/4]

mardi 8 juin 2021

« Che » (Vida del Che) d'Héctor Germán Oesterheld, Alberto et Enrique Breccia (1968)


 

    Une BD complexe, comme le fut la vie de Che Guevara. Indéniablement, il s'agit d'une hagiographie. Guevara nous est montré comme un homme sans défauts, offrant sa vie pour les pauvres et les nécessiteux.

 

Pour autant, ce n'est pas une biographie classique, académique, au contraire. La narration est très particulière : les textes prennent la forme de pensées, brèves, répétitives, parfois confuses. Tout comme les dessins, difficilement lisibles, presque informes, noyés sous des litres d'encre noire, reflet du pessimisme des auteurs, qui ont connu l'enfer des dictatures sud-américaines (Oesterheld et sa famille en mourront dans des conditions atroces...). 

 

Nous sommes ici plongés dans la tête de Guevara et dans le feu de l'action. Le récit est comme haché, avec des allers-retours entre différentes temporalités. Les auteurs nous dressent là un portrait fragmenté et multiple, non linéaire.

 

Il est donc difficile d'appréhender cette BD, du fait de son côté elliptique, mais aussi pour prendre du recul face au personnage, dont la stature et le culte ne peuvent qu'écraser un lecteur contemporain. 

 

Malgré tout, si l'on revient à ce pourquoi Guevara s'est engagé dans la révolution, on ne peut qu'être marqué par l'extrême pauvreté, le dénuement absolu et la santé terriblement précaire des peuples sud-américains auprès desquels Guevara s'est rendu.

 

Quelle que soit la vérité autour de la figure du Che, la situation en Amérique Latine ne pouvait que révolter. C'est l'un des mérites de cette BD, que de rappeler pourquoi Guevara s'est battu. C'est peut-être même la chose la plus importante à garder en mémoire.

 

[3/4]