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vendredi 16 février 2024

« Anatomie d’une chute » de Justine Triet (2023)


 

Il n'y a pas à dire, c'est un film brillant. Et par conséquent une Palme d'Or solide. En témoignent les nombreuses autres récompenses récoltées par ce long métrage. Non, ce n’est pas juste un effet de mode et un emballement douteux. Était-ce le meilleur film de 2023 ? Pas pour moi. Mais c'est assurément un des films les plus marquants de l'année et de la décennie.

Avant toutes choses, « Anatomie d'une chute » brille par son scénario. Machiavéliquement élaboré pour distiller les informations capitales au compte-gouttes, avec un admirable sens du tempo. Mais aussi pour les thématiques qui sont brassées. Au-delà du potentiel meurtre et de la justice, c'est avant tout le couple et les rapports hommes-femmes qui sont disséqués. Avec un couple « moderne » : c'est la femme qui prend la lumière, et l'homme qui se morfond dans l'ombre.

Le film va alors questionner la place de l'homme et de la femme dans ce couple. Mais aussi la place que nous, en tant que spectateurs, leur attribuons. Cette femme est-elle juste brillante, sûre d’elle, affirmée et libre ? Ou est-elle manipulatrice et violente ? Est-elle absolument dénuée de sentiments ou est-elle une femme et une mère aimante à sa façon, malgré ses maladresses ? Cet homme est-il un mari et un père attentionné, qui donne de sa personne pour sa famille ? Ou poursuit-il des chimères et s’abîme-t-il dans l’autodépréciation et la dépression… tout en manipulant les autres, lui aussi ? Et nous en tant que spectateurs, que pensons-nous ? Ne sommes-nous pas décontenancés par cette femme qui s’affirme à ce point ? Ou par cet homme qui joue la victime ?

Justine Triet et son coscénariste Arthur Harari font le choix de ne pas trancher. Du moins pas totalement : on sent que la balance pèse un peu plus d’un côté à la fin, mais quoi qu’il en soit, le trouble reste total. Qu’a-t-on compris ? Que s’est-il vraiment passé ? Nous sommes finalement placés au niveau de l’enfant malvoyant. Comme lui, nous penchons d’un côté puis de l’autre. Mais nous ne savons pas. Au fond de nous, peut-être pensons-nous savoir qui est coupable.  Mais nous n’avons aucune réelle certitude. Sur le fond et la forme, voilà un scénario magistral.

Il est bien mis en valeur par une mise en scène resserrée, minimaliste, très maîtrisée. Justine Triet joue des focales, des images, des sons, pour mieux rendre le tout à la fois spontané, crédible… et flou, instillant le doute. Nous ne sommes jamais vraiment certains que ce que l’on entend et ce que l’on voit est vrai. Oui, ça semble réel.  Mais aussitôt, une parole, un indice, viennent changer le sens de ce que l’on a perçu, nous troublant encore davantage…

La mise en scène de Justine Triet ne brille pas particulièrement par une originalité et une inventivité extraordinaires, mais au moins est-elle juste, laissant le fin mot de l’histoire en suspens. A aucun moment, on ne peut avec certitude trancher définitivement sur la culpabilité de cette femme. Autre élément de mise en scène particulièrement bien vu : l’usage diégétique de la musique, et justement, les morceaux musicaux employés. Ils sont tous intenses, à leur façon. Et écouter ce jeune garçon jouer des pièces aussi intenses au piano, de façon à la fois maladroite et touchante, renforce cette impression de malaise qui nous étreint. Tout semble à la fois réel et bancal. Il y a toujours un je-ne-sais-quoi de dérangeant, un petit détail qui altère notre jugement.

Pour finir, comme beaucoup, je tiens à saluer les acteurs et les actrices. En premier lieu, bien sûr, Sandra Hüller, qui est éblouissante de maîtrise, avec un jeu naturel et ambigu à la fois. C’est certainement l’une de ses plus fameuses prestations. Et je trouve dommage qu’un Jonathan Glazer l’emploie si mal pour jouer la nazie de service dans « The Zone of Interest » – film intéressant au demeurant, mais le personnage d’Hüller y est très attendu, voire cliché. Quand elle trouve ici un rôle d’une grande finesse et d’une grande complexité, dont elle s’acquitte avec le talent qu’on lui connaît au moins depuis « Toni Erdmann ». Voilà, je ne pouvais pas écrire moins d’un paragraphe sur Sandra Hüller, qui est l’une des meilleures comédiennes des dix dernières années, en Europe et dans le monde.

Je souhaite mentionner ensuite deux acteurs que j’ai trouvé géniaux. Tout d’abord, Swann Arlaud, qui joue avec beaucoup d’aisance, apportant lui aussi de l’ambiguïté, notamment quant à sa relation avec l’héroïne. Mais aussi une certaine fragilité, qui densifie son personnage et le rend attachant… alors qu’on le découvre virtuose de la plaidoirie. Ensuite, le jeune garçon, interprété par Milo Machado-Graner, très convaincant, en enfant fragile lui aussi, mais déterminé et perspicace. Son personnage est très touchant, et en même temps est absolument clé dans l’intrigue. Petite mention aussi pour Antoine Reinartz, qui impressionne en avocat général pugnace et intraitable.

Au total, ce long métrage dispose de belles qualités. Pour ma part, je ne dirais pas qu’il s’agit d’un immense chef-d’œuvre, mais certainement d’un grand film. Cohérent et maîtrisé sur le fond et la forme, il nous embarque dans les méandres et les affres d’un couple, nous interrogeant nous aussi sur cette histoire au fond très banale. Celle d’une femme et d’un homme qui voient leur relation se désagréger, tragiquement…

[3/4]

jeudi 21 décembre 2023

« La Chimère » (La Chimera) d’Alice Rohrwacher (2023)


Je ne pensais pas pouvoir le dire un jour : voici un film d'Alice Rohrwacher que j'ai apprécié. « Heureux comme Lazzaro » m'avait laissé complètement sur le carreau. Encensé plus que de raison à mon sens, il partait avec d'excellentes et ambitieuses idées sur le papier, mais la mise en images et en scène laissait le tout à l'état d'intentions, de brouillon assez (très ?) poseur...

« La Chimère » est mieux écrit et construit il me semble : il y a un fil conducteur (c'est le cas de le dire), qui donne sens à l'ensemble et à ses parties. On retrouve le goût d'Alice Rohrwacher pour les marginaux et pour les digressions. Et par ses thématiques et ses images, la cinéaste est une fois encore ambitieuse, dessinant à l'écran un portrait multiple de l'Italie, à travers les âges (Étrusques, Rome antique, 18e siècle, 20e et 21e siècles...) et les différentes catégories de sa population, des plus modestes aux plus aisés.

Le film fait également référence aux grands cinéastes italiens du passé, notamment Federico Fellini, source d’inspiration majeure ici (« La Dolce Vita », « Fellini Roma », « Les Vitelloni »...), ou rappelle les personnages de bras cassés à la Mario Monicelli (« Le Pigeon »…). Si les citations sont bien vues et plutôt bien intégrées, elles sont peut-être un peu trop évidentes, comme pour masquer certaines faiblesses.

Certains passages sont en effet plus caricaturaux... Je salue la conscience sociale de la réalisatrice italienne. Mais si parfois l'outrance est bien amenée, d'autres fois elle jure avec le reste du film, plutôt subtil au demeurant. Il y a toujours, également, quelques passages « space » et un côté perché, voire bien allumé, qui me fait un peu sortir du film par moments... Ou encore une difficulté à intégrer harmonieusement plein d'idées qui partent dans tous les sens, certains éléments faisant quelque peu artificiel et forcé.

Toutefois, matérialiser le rapport des Italiens à l’art (antique), dans les années 1980 est une bonne idée. Partout en Occident (voire ailleurs dans le monde), le marché a fini par gangrener tous les domaines de la vie. Le processus avait commencé bien avant, notamment pendant les Trente Glorieuses, mais il s’est radicalement accéléré, de façon décomplexée, dans les années 80.

On en voit les résultats aujourd’hui. Notre modèle de société, ultra consumériste, est à bout de souffle, et détruit tout : l’être humain, la nature, la vie… Et c’est en Italie que cette situation s’est peut-être le plus cristallisée. Pour qui connaît ce pays, la beauté époustouflante y côtoie la vulgarité la plus crasse, ne serait-ce qu’à la télévision, défigurée par Berlusconi. Je ne peux donc que respecter le choix d’Alice Rohrwacher d’avoir choisi un tel sujet (le pillage de tombes étrusques par des gens pauvres), surtout qu’elle a réussi à tisser autour un récit qui se tient.

Finalement, la poésie de l'ensemble, avec un certain nombre de trouvailles scénaristiques et visuelles, a emporté mon adhésion. Au passage, je l’ai peu vu cité par les critiques, mais il y a pour moi également un certain nombre de références sur le fond et la forme à Jean Cocteau, le mythe d’Orphée étant d’ailleurs au cœur du long métrage (on entend même « L’Orfeo » de Monteverdi à un moment). La belle photographie, quant à elle, sublime le tout, et en fait un objet esthétique abouti, une œuvre cohérente, avec une réelle profondeur. « La Chimère » constitue donc pour moi une belle surprise. Sans être un grand film, c’est un long métrage inspiré et intéressant, qui montre qu’Alice Rohrwacher est désormais une cinéaste qui compte.

[3/4]

lundi 18 décembre 2023

« Guerre et Paix » (Voïna i mir) de Sergueï Bondartchouk (1966)


Un peu rude de découvrir en salle les 7h de ce film dans leur intégralité et à la suite : on en ressort en ayant un peu mal au cou et aux jambes... Mais le jeu en vaut largement la chandelle... Évoquer ce long métrage c'est parler d'un monument cinématographique. Je n'ai pas vu la version hollywoodienne de King Vidor, avec Audrey Hepburn, Henry Fonda et Mel Ferrer. Mais nul doute que la version de Bondartchouk constitue l'adaptation ultime du roman fleuve de Tolstoï...

Tout est réussi dans ce film. Tout d'abord le casting : chaque acteur ou actrice incarne à merveille son personnage, sans rien perdre de sa complexité d'écriture, tout en le rendant à la fois attachant et ambivalent. Le rythme permet de construire et développer cet ample récit. Oui 7h c'est long, mais il ne semble pas y avoir un moment de trop, que ce soit dans les scènes intimistes ou dans les batailles. Parlons justement de la direction artistique : on aperçoit bien les 120 000 figurants à l'écran, pas de doute. Ce film est monstrueusement épique : je n'ai jamais vu au cinéma quelque chose qui ressemble de près ou de loin à la bataille de Borodino, véritable enfer sur terre, entre centaines de milliers de soldats qui chargent, mouvements de foules impressionnants et canons crachant un feu infernal... C'est peu dire que le « Napoléon » de Ridley Scott fait minable à côté, sans parler de son écriture mesquine...

D'autant que pour poursuivre dans l'épique, Bondartchouk sait utiliser le lyrisme à bon escient et au bon moment. Que ce soit lors de ce bal viscontien, sur le champ de bataille, où les soldats meurent par milliers… En dépeignant un Napoléon fier et intraitable, tel qu'on se l'imagine. Ou encore un jeune soldat qui vient encourager ses vieux camarades, plein d'une fougue juvénile et de l'innocence de quelqu'un qui ignore ce qu'est l'horreur de la guerre... Avec de surcroît cette musique nostalgique, qui serre le cœur lors de passages poignants…

Il y a aussi un panthéisme surprenant, presque tarkovskien, dans cette attention portée à la terre, à la patrie, aux pleines russes immenses et infinies, au son de l'eau, ou au ciel et aux étoiles... Il est également surprenant qu'un film totalement soviétique exalte à ce point la Russie tsariste et chrétienne orthodoxe...

Un certain nombre de critiques le constatent : ce film va bien au-delà d'un geste de propagande. De façon inattendue mais bien réelle, c'est avant tout un film russe... Qui matérialise à l'écran ce qu'est « l'âme russe ». En cela, Bondartchouk évite l’académisme, même si ça et là le ton est parfois un peu trop emphatique. Son film vit, il brûle d’une ardeur incandescente, ce qui lui confère un caractère universel et intemporel, loin d’une image figée. Les personnages sont fougueux, bouillonnants, presque fous… Même la comtesse Natacha Rostov, qu’on imaginait calme et sage, se laisse emporter par une passion dévorante…

En outre, par bien des aspects, le récit adopte un ton humaniste bouleversant. Par-delà les nations et les conflits, les ennemis qui se font face sont avant tout des hommes et des femmes, bien plus semblables qu’ils ne le pensent. Surtout ces peuples « frères » qu’étaient les Français et les Russes (une grande partie du film se déroule dans un français impeccable, en VO !). Ce qui ne rend que plus absurde ces guerres et la barbarie qui en découle toujours, inévitablement… Après le chaos et les massacres, une main tendue, un repas partagé quand on crève de faim, sont le signe qu’il reste malgré tout un peu d’espoir et d’humanité en ce bas monde…

Au-delà des minutes et des heures, du nombre démesuré des figurants, de la grandeur de l’épopée qui nous est contée… Le « Guerre et Paix » de Bondartchouk est un choc visuel, d’un lyrisme dévastateur, marquant l’esprit par un grand nombre de scènes inoubliables. Profitons de sa ressortie actuelle en salle et en support physique : il s’agit d’un grand chef-d’œuvre – oui, osons le dire – à voir au moins une fois dans sa vie.

[4/4]

samedi 25 novembre 2023

« Napoléon » (Napoleon) de Ridley Scott (2023)

 

La bande annonce me l'avait très clairement fait comprendre. Je savais que ce serait nul. Mais je m’étais dit que ça ferait une sortie sympa entre amis. Et puis je comptais voir ce film un jour, donc autant aller le voir sur grand écran. Or c'est encore plus mauvais que ce que j'imaginais... Le long métrage de Ridley Scott consiste en une mise en image très scolaire et très pauvre de la vie de Napoléon, avec des personnages ultra schématiques et binaires, Napoléon en tête. Il y a une absence totale d'angle, malgré la tentative ratée de faire défiler la vie de Bonaparte sous le prisme de sa relation avec Joséphine. Scott balaie en 2h40 l’existence de Napoléon, du siège de Toulon à son décès à Sainte-Hélène, en illustrant platement (et bêtement) le tout. Autant dire que sans parti pris, ce projet était mort-né. Et effectivement, c’est un désastre. Et de ce que j’ai entendu dire, la version longue / Director’s cut qui nous est promise plus tard ne mettra que des rustines, mais n’inversera pas la tendance.

Par où commencer devant cette accumulation de mauvais choix ? Peut-être par ceux que l’on voit tout au long de ces 2h40. Les deux acteurs principaux, Joaquin Phoenix et Vanessa Kirby sont très mauvais et très mal dirigés. Phoenix est très sûr de lui-même, se sent un grand acteur pénétré de génie, croyant incarner son personnage de façon fusionnelle… Mais à aucun moment je n’ai vu Napoléon, je n’ai vu que Joaquin Phoenix jouer un petit mec frustré à l’œil sombre et cabotiner à mort. Je n’ai pas cru une seule seconde à son personnage. Quant à Vanessa Kirby, ce n’est guère mieux. Plusieurs fois les personnages mentionnent son intelligence et son esprit. A aucun moment je ne l’ai vu en faire usage, les dialogues étant d’une indigence sans nom. Et puis pour un film construit sur l’amour entre Napoléon et Joséphine, à aucun moment on ne sent une alchimie entre eux et encore moins de l'attachement pour eux.

Il faut dire que le scénario et les dialogues sont d'une rare médiocrité. La période révolutionnaire et napoléonienne fut l'une des plus complexes et des plus passionnantes de l'Histoire. Ici tout est expédié, les nombreux personnages historiques n'ont pas le temps d'exister à l'écran, et sont de toute façon écrits à la truelle, comme tout Américain bas du front le ferait en s'emparant de l'histoire de France pour s'adresser à un public gavé de Marvel, « Barbie » et autres « Mario Bros. » Aucune, je dis bien aucune intelligence dans l'écriture. C'est fou, quand on connaît les traits d'esprit des grands personnages de ce temps... Quand on connaît les personnalités extraordinaires des protagonistes de cette époque, quel que soit leur camp…

Et puis rien sur les institutions créées par Napoléon, qui ont traversé plusieurs siècles jusqu'à aujourd'hui, partout en Europe, pas seulement en France. Rien sur son génie militaire. Rien sur son charisme et son aura, qui ont entraîné des millions d'hommes à sa suite, même dans le camp adverse, où, bien qu'haï il était admiré, voire parfois passionnément révéré. Rien non plus sur ses zones d'ombres comme le rétablissement de l'esclavage. Pensez-vous : trop complexe, pas assez binaire pour le public...

Alors est-ce que la mise en scène sauve Ridley le Petit de la catastrophe ? Eh bien non. Avec le temps, les film d'Uncle Ridley sont de plus en plus laids et de moins en moins inspirés. « Napoléon » est l'un des films les plus moches qu'il ait réalisés. La mise en scène est d'une paresse et d'une platitude sans nom. Aucun plan ne reste en tête. On aurait dit un débutant qui découvre le cinématographe... Une docufiction de France Télévisions aurait fait aussi bien visuellement, et sans doute beaucoup mieux sur le fond. Il y a de la CGI dégueulasse partout, des filtres hideux, des décors auxquels on ne croit pas, des effets spéciaux fauchés, trois pelés en guise de figurants...

Plus jeune j’admirais Ridley Scott. Mais j’ai fini assez vite par comprendre qu’il est toujours resté un chef opérateur, un visuel, un habile faiseur d’images. Il n’a jamais été un auteur, un penseur, un grand artiste. Film après film il nous l’a prouvé, réussissant, on ne sait comment, à réaliser une poignée de chefs-d’œuvre dans sa carrière, brillants sur la forme (mais assez vides sur le fond, déjà à l’époque). Et à côté de ça, il nous a pondu une flopée de trucs bancals et de francs navets. Je n’ai pas encore vu tous ses longs métrages, mais celui-ci est le pire qu’il m’ait été donné de découvrir, et de loin. Déjà, parce qu’il est tout simplement raté sur tous les aspects possibles. Mais en plus car il a l’ambition folle de traiter un personnage et une époque éminemment complexes, en le faisant avec la croyance qu’il va y apporter un regard nouveau, voire corrosif, avec une écriture aussi peu travaillée. Alors que c’est d’une bêtise et d’une vulgarité pitoyables…

Ce film est une débâcle totale... On sait que le personnage de Napoléon est une montagne à gravir. Ridley s'est arrêté en (morne) plaine, alourdi par son égo démesuré, incapable d'arriver au doigt de pied de l'homme que fut Napoléon. Mais bon, pouvait-on en attendre autrement d’un Britannique, et encore plus d’un réalisateur devenu aussi lamentable que Ridley Scott ?

Ce qui est triste, c’est que beaucoup de personnes dans le monde et notamment en France vont prendre ce film pour argent comptant, vont boire les bonnes paroles de Tonton Ridley et s’arrêter là, en se disant qu’ils ont bien compris qui fut Napoléon et ce que fut cette époque… Or là, non seulement Ridley a une fois de plus tordu l’Histoire pour en faire son jouet, mais en plus de ça il s’essuie les pieds sur Napoléon et la France.

Il ose dénombrer les morts « causés par Napoléon ». Mais il oublie de dire que Napoléon a d’abord défendu la France, que l’Angleterre, qui n’a jamais été rassasiée par son île, voulait écraser, avec l’aide des autres nations européennes. En écrasant par la même occasion la République. Ce qui gênait les Anglais, ce n’était pas Napoléon, mais la France, qu’ils ont toujours voulu assujettir, ainsi que cette République qui osait montrer une alternative à la monarchie. De plus, Napoléon a d’abord voulu négocier la paix (ce que montre d’ailleurs Ridley dans le film), mais les Anglais lui ont rit au nez. Ils ont voulu la guerre, ils l’ont eue… Même si bien sûr, on sait que Napoléon n’a pas su s’arrêter à temps et a été rattrapé par son hubris…

Donc si vous voulez voir un film mal écrit, mal joué, mal mis en scène, qui viole l’histoire, notamment celle de notre pays, allez voir le « Napoléon » de Ridley Scott. Mais si vous voulez voir un vrai bon film sur cette période, il y en plein d’autres !

Tout d’abord le « Napoléon » (1927) d’Abel Gance, légendaire fresque en cours de restauration, qui devrait ressortir en salles en milieu d’année prochaine, ou son « Austerlitz » (1960). « Guerre et Paix » (1966) de Sergueï Bondartchouk, énorme film de 8h qui ressort en ce moment en salles de cinéma, grâce à l’excellent distributeur et éditeur Potemkine, et qui permet de voir le point de vue adverse. Ne le manquez surtout pas ! Ce même réalisateur a également réalisé un « Waterloo » (1970) paraît-il excellent. Le « Napoléon » (1955) de Sacha Guitry est apparemment une version pleine de verve qui mérite aussi le coup d’œil. J’ai même entendu dire que la mini-série télévisée « Napoléon » (2002) d’Yves Simoneau, avec Christian Clavier dans le rôle-titre, est plutôt réussie, et paraît même un chef-d’œuvre à côté de la version de Ridley Scott…

Donc vous voyez qu’il existe de vraies œuvres cinématographiques dignes de ce nom sur Napoléon, qui méritent bien mieux d’être connues que ce triste spectacle… Un conseil d’ami : n’allez pas gâcher votre esprit, vos yeux, votre temps et votre argent devant ce film. Sinon, je vous aurais prévenu…

[0/4]