Affichage des articles dont le libellé est Cassavetes John. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Cassavetes John. Afficher tous les articles

mercredi 18 avril 2012

« Husbands » de John Cassavetes (1970)

Trois amis proches assistent à l’enterrement de leur quatrième ami. Cette mort précoce est le déclencheur pour ces trois loustics d’une douloureuse introspection sur leur vie, principalement amoureuse et familiale, les conduisant à un malaise existentiel qu’ils épancheront ensemble durant deux nuits et journées consécutives dans le sport, la débauche et le n’importe quoi. Seul l’un d’eux ira au bout de cette fuite en avant, en quittant femme et enfant pour vivre l’aventure à Londres, tandis que les deux autres rentreront groggys dans leur foyer et leur routine quotidienne, prêts à se faire "sonner les cloches" par leurs épouses. Comme toujours chez Cassavetes, mais peut-être plus encore ici, le film repose presque en intégralité sur la performance des comédiens. Le scénario est totalement secondaire et sert de prétexte à la mise en situation des acteurs (la troupe habituelle de Cassavetes) dans des performances que l’on imagine très largement improvisées. Mais l’interprétation (qui n’en est peut-être pas une, les acteurs jouant en très grande partie leur propre rôle) atteint un tel niveau de réalisme et de vérité qu’elle renseigne cependant avec acuité sur l’intériorité de ces personnages, et permet ainsi de dresser un portrait assez représentatif d’une génération de quadragénaires américains, appartenant à une certaine classe moyenne, quelque peu paumés, en quête d’un amour fantasmé, idéal, et cherchant désespérément un sens à leur existence. Alors certes, Cassavetes n’est pas Sinclair Lewis, et est loin d’égaler le talent du dramaturge américain pour décrire la monotonie de cette société moderne américaine et de son désarroi, comparable à celui d’un enfant gâté qui découvrirait la dureté de l’existence. De plus, là où Lewis excelle dans la satyre et la caricature, il n’est pas certain que Cassavetes soit bien conscient, au moment où il réalise son film, de cette portée emblématique de son travail. Peut-être se contente t’il de filmer une bande d’amis comédiens pour le plaisir pur du simple jeu d’acteur, plaisir que l’on retrouve souvent dans les troupes de théâtre. Se rend t’il compte qu’il dresse le portrait d’hommes profondément antipathiques, alcooliques et violents, souffrant de sérieux problèmes psychologiques ou cherchait-il simplement à filmer le malheur sentimental de trois quadras douloureusement confrontés à leur vieillissement? La question est posée mais la réponse importe peu, seul le résultat compte. Et alors oui, il se dégage de «Husbands» une grande vitalité, une énergie et une fraicheur vraiment stimulantes. Quelques passages sont fort réussis (la séquence finale notamment) et la spontanéité de l’ensemble emporte l’adhésion. Mais la méthode Cassavetes montre aussi ses limites dans des scènes à rallonge qui peinent, sur la longueur, à susciter l’intérêt… Ainsi de cette interminable séquence de beuverie et du concours de chant qui peut légitimement finir par agacer. Pour ma part, je ne voue pas une grande admiration à cette façon du cinéaste de découvrir son film au montage, à partir des différentes séquences, des performances de ses comédiens, car cela traduit l’absence d’une vision, d’un élan initial véritablement porteur de sens. C’est un cinéma qui permet de retrouver et de ressentir l’ambiance enthousiasmante d’une troupe théâtrale mais qui, au-delà de ça, n’a, finalement, pas grand chose à dire.

[2/4]