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vendredi 7 janvier 2011

« Ruhr » de James Benning (2010)

    Un très beau documentaire! D'une grande profondeur aussi, ce qui en fait une sorte d'oeuvre méditative des plus appréciables. « Ruhr » c'est 7 plan-séquences fixes, et donc 7 idées de mise en scène. C'est peu, mais la pertinence des cadrages de James Benning est telle qu'il ne lui en faut guère plus pour donner à voir un portrait éloquent même si morcelé de la région allemande éponyme. D'un point de vue esthétique, « Ruhr » est un modèle de maîtrise du plan : chaque élément le pouvant se meut avec une grâce sans pareille, que ce soit une feuille qui tombe, de la fumée s'échappant de la cheminée d'une usine, des hommes priant à la mosquée, le ballet des machines-outils... L'homme est d'ailleurs omniprésent dans ce long métrage, non pas par une présence physique directe mais par sa production, son oeuvre, les traces de sa vie : chaque plan est traversé par un ou plusieurs éléments de l'âge industriel qu'est le nôtre, et l'on peut observer avec curiosité l'interaction relativement proche ou éloignée de l'homme et de son environnement (car bien souvent entre l'homme et la nature se trouve l'outil). Comme la fumée de l'usine se fond dans les nuages, comment le vent d'un avion balaie les arbres, comme le bruit de l'activité humaine résonne dans l'immensité du ciel. Il est d'ailleurs frappant que le seul moment où nous nous retrouvions vraiment proches d'êtres humains vient lorsque ceux-ci sont en train de prier, dans un seul plan-séquence donc, qui plus est au milieu du film de sorte que l'homme entre « pour de vrai » peu à peu dans le long métrage pour s'évanouir aussitôt, dans un écho repris par la cheminée de l'usine et la nuit qui tombe. Aussi bien par l'image que par le son, « Ruhr » est donc un film d'une grande subtilité, mû par la capacité de Benning à jouer avec le cadre et le temps. En revanche la poésie de « Ruhr » est bien évidemment toute relative : c'est le film contemplatif par excellence, l'art de James Benning consiste justement en l'effacement de l'artiste, sans compter que Benning est peut-être plus photographe que cinéaste (si tant est qu'une telle affirmation ait un sens). Je suis donc plus réservé quant à l'aspect « artistique » de ce film : certes il nous fait méditer sur le 7e art et sur l'homme, et ça n'est pas le moindre de ses mérites, mais je ne peux m'empêcher de me demander jusqu'à quel point peut-on aller dans l'enregistrement pur et simple d'une réalité « objective »... De toute façon le sens que confère Benning à ses cadrages et à son montage, les choix qu'il opère, la subjectivité de son regard dissolvent le moindre doute quant à son apport et sa création, toutefois l'on peut discuter de son envergure.

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