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vendredi 29 novembre 2013

« Macbeth » de William Shakespeare (1623)

    « Macbeth » est, de fait, l'une des plus grandes pièces de théâtre jamais écrites. Tout concourt à en faire une œuvre de premier plan : la profondeur psychologique des personnages, la complexité de l'intrigue, des ressorts scénaristiques fantastiques (spectres, sorcières, prophéties,...) qui s'intègrent parfaitement bien au récit,... et surtout une qualité d'écriture sans pareille. La plume acérée de Shakespeare est fleurie à souhaits : très imagée, elle abonde en métaphores et autres figures de style toutes mieux trouvées les unes que les autres, d'une beauté aussi réjouissante que la tonalité de la pièce est sombre. Et puis quelle histoire, tout de même! La tension entre Macbeth et la prophétie auto-réalisatrice est prodigieuse. Et à ce titre, elle trouve sans doute sa meilleure expression dans le fameux film d'Akira Kurosawa, « Le Château de l'Araignée », dominé par un Toshiro Mifune fiévreux, violemment torturé par les révélations sur son avenir exceptionnel. L'imagerie de Kurosawa sied à merveille à l'esprit de la pièce du dramaturge anglais, transposition géniale dans un Japon médiéval d'un terrible conflit moral et humain. Mais il faut dire que même à la simple lecture, « Macbeth » estomaque par la puissance des idées et des évènements qui sont convoqués. Impossible d'oublier le délire public de Macbeth, l'horreur des sorcières ou la folie de Lady Macbeth. Ce sont bien des images littéraires et théâtrales qui font la grandeur de cette pièce. Après avoir évoqué l'adaptation cinématographique de « Macbeth », venons-en brièvement à la traduction. Je dois dire que j'ai eu de la chance de lire la version de François-Victor Hugo (dans la compilation de pièces éditées par GF - Flammarion), certes non versifiée (encore que certaines phrases se fassent écho par de discrètes rimes), mais d'une précision et d'une élégance qui rend hommage au style de Shakespeare. Peut-être existe-il meilleure traduction (par essence imparfaite). Mais pour ma part, je m'estime fort satisfait. En conclusion, pour revenir à « Macbeth », il s'agit là, sans hésitation, d'une œuvre incontournable.

[4/4]

vendredi 25 octobre 2013

« Tête d'Or » (Deuxième version) de Paul Claudel (1894)

    Si les mots étaient des couleurs, Paul Claudel serait un peintre magnifique. La façon dont il use de la langue française est tout bonnement prodigieuse : il écrit très bien, et à ce titre est véritablement un Artiste. Rares sont les auteurs du XXème siècle à avoir cherché le Beau véritable, loin des systèmes sclérosés et autres fumisteries stylistiques et esthétiques, et Claudel figure parmi ce cercle très restreint de Poètes authentiques. « Tête d'Or » est une pièce d'une fulgurance rimbaldienne, c'est-à-dire emplie d'une flamboyance juvénile terriblement effrontée, d'une audace impressionnante, réinventant, brûlant l'art théâtral. Claudel joue avec les époques comme avec les références historiques et culturelles. Mais plus encore, son drame est un récit métaphysique, une quête de soi extraordinaire. Claudel ne faisait pas de mystère sur le fait que ses deux héros principaux étaient comme deux parties de lui qui s'opposaient et tentaient de s'exprimer. « Tête d'Or » est ainsi une tragédie symboliste... personnelle. Sur la forme, cette pièce écrite à 20 ans (puis remaniée par la suite) est remarquable. Construite en trois parties et autant d'étapes importantes dans l'épopée du héros éponyme, « Tête d'Or » est l'histoire d'un jeune déraciné qui cherche à conquérir le monde... et par là, soi-même. Ce jeune héros n'étant autre que le jeune Paul Claudel. Ainsi, la pièce de Claudel est une image inoubliable du drame intérieur de notre adolescence et de notre « véritable naissance au monde », c'est-à-dire le passage à l'âge adulte, et la découverte d'une vocation (humaine, professionnelle, sentimentale,...). Simon Agnel, ou Tête d'Or, jeune impétueux presque revenu d'entre les morts, ne veut (ne peut ?) attendre que le sort scelle son destin. Il décide alors d'aller au-devant des évènements, et de bâtir ainsi sa destinée, à l'image d'un monarque ou d'un dieu. Presque emphatique, « Tête d'Or » marque par son aplomb, la grandeur de ses images poétiques, et la richesse de l'expression de Claudel. Je serai par contre plus réservé sur le fond, car au-delà de la mise en scène de la révolte adolescente, que reste-t-il ? Mais, indéniablement, pour ce qui est de la représentation artistique de ce que peut être la jeunesse, « Tête d'Or » est une œuvre spectaculaire.

[3/4]

mercredi 9 octobre 2013

« Gatsby le Magnifique » de Francis Scott Fitzgerald (1925)

    « Gatsby le Magnifique » est certainement l'un des plus célèbres romans américains, et sans doute l'un des tous meilleurs, en ce qu'il capte on ne peut mieux l'essence de l'Amérique des années 20. Tragédie moderne et antique à la fois, « Gatsby » nous conte la grandeur et la décadence d'un homme mystérieux. Le secret qui entoure Gatsby est en effet l'une des grandes qualités de cet ouvrage, ce qui lui donne un charme certain, l'anti-héros de Fitzgerald nous fascinant par l'opacité de son histoire. Est-ce un ex-espion allemand ? Un tueur repenti ? Un gangster ? Ainsi, « Gatsby » n'est pas seulement un récit de pouvoir et d'argent, mais aussi et surtout une histoire profondément romantique. Car que cache l'immense fortune de Gatsby ? Sinon un désir profond, qui l'obsède totalement... et que je ne me risquerai pas à révéler, sous peine d'éventer les ressorts scénaristiques d'un récit admirablement bien construit (si l'on excepte la fin brutale et maladroite). La façon dont Fitzgerald nous fait pénétrer dans l'histoire, par l'intercession d'un Nick Carraway, personnage fade et effacé, permet de mieux côtoyer Gatsby, avec une distance toutefois respectable pour garder le mythe intact. Aventure prométhéenne d'un homme qui veut littéralement faire revivre le passé, « Gatsby le Magnifique » est un drame inoubliable. Saluons la finesse des sentiments transcris par Fitzgerald, en dépit d'un style parfois outré et quelque peu racoleur. Non, « Gatsby » n'est certainement pas un chef-d’œuvre de la littérature, c'est néanmoins un brillant instantané, à la fois d'une époque révolue et d'une éternelle humanité. Attention, prenez garde à éviter la traduction de Julie Wolkenstein, assez mécanique, vulgaire et consternante par moments, même si à de trop rares exceptions fort réussie (pourquoi titrer le livre « Gatsby » au lieu de « Gatsby le Magnifique » sinon par la non compréhension de l'essence du personnage, au profit d'une historicité bornée (voir sa justification dans les notes de traduction de l'opus chez GF) ; et pourquoi traduire « old sport » par « mon pote » ????). Un livre assez dérangeant, profondément triste et douloureux, complètement désabusé pour tout dire, mais néanmoins difficilement contournable pour qui veut comprendre l'époque de l'entre-deux-guerres, trouble et ambivalente.

[3/4]

samedi 28 septembre 2013

« Le Cid » de Pierre Corneille (1637)

    On ne présente plus le célébrissime drame de Pierre Corneille. Véritable ode à la bravoure, au sens du devoir et à l'honneur, mais aussi à l'amour passionné, « Le Cid » a reçu un accueil triomphal de la part du public de l'époque, malgré des querelles académiques sur l'esthétique de la pièce. Et plusieurs siècles après, on ne peut pas dire que l'engouement pour cette pièce se soit éteint. De nombreux acteurs renommés ont revêtu le costume de Don Rodrigue (dont le plus représentatif est peut-être Gérard Philipe), conférant au rôle une aura toute particulière. Mais au-delà du succès de la pièce de Corneille, que vaut-elle vraiment, si tant est que l'on puisse se risquer à émettre un jugement à son encontre ? Il faut bien le dire, « Le Cid » est un grand classique. Des répliques cinglantes et inoubliables, des personnages d'anthologie (Rodrigue, le héros par excellence, Chimène, la femme dans toute sa splendeur, Don Gomès, l'arrogant et perfide aristocrate, Don Diègue, le vieillard humilié,...), un dilemme... cornélien, de l'action, de l'amour, de la haine, de la passion, de l'aventure,... Tous ces ingrédients font de cette œuvre un sommet du classicisme théâtral. Pourtant, au risque de rouvrir la querelle stylistique qui opposa notamment Corneille à Scudéry... « Le Cid » est quelque peu bancal. Il faut dire que j'avais l'édition critique de Larousse sous les yeux quand j'ai lu la pièce, ce qui n'est pas pour avantager le pauvre Corneille. Mais de fait, les sentiments de Chimène sont parfois bien étranges et peu vraisemblables, malgré leur relative subtilité. Et le style de l’œuvre est tout de même très empesé, certains alexandrins sont merveilleux, d'autres sont maladroits et indigestes. Tandis que la mécanique de l'ensemble est par moment mise à mal. Ne parlons pas de l'unité de temps supposée, difficilement crédible, mais plutôt de la façon dont le drame se noue et se dénoue. Je ne peux m'empêcher d'y voir une certaine artificialité, malgré la volonté de Corneille de rendre le tout spontané. Le drame est trop basé sur le fameux dilemme de Rodrigue, si bien que l'intrigue peut se résumer à une hésitation qui s'éternise plus que de raison, avant de se résoudre au choix sans trop que l'on sache pourquoi... Je schématise un peu grossièrement, mais on ne retrouve pas ici la richesse des œuvres de Sophocle ou de Shakespeare. Dommage... Mais « Le Cid » reste toutefois recommandable.

[2/4]

mercredi 28 août 2013

« Le Porche du mystère de la deuxième vertu » de Charles Péguy (1912)

    Sous un titre énigmatique, se cache une magnifique ode à l'Espérance, deuxième des vertus théologales, aux côtés de la Foi et de la Charité. Avec une grande audace mais aussi une humilité profonde, Péguy se fait le porte-parole de Dieu, un Dieu qui contemple sa création avec bonté et qui s'étonne devant l'entrain et la joie que porte l'espérance, personnifiée en une petite fille frondeuse. Le style de Péguy est rugueux, c'est un style terrien, fait de ressac, où les mots forment des vagues, comme le vent sur les blés. Il chante le labeur humain, mais aussi le repos sous la voûte étoilée. Il chante la rigueur de la vie, mais aussi sa beauté. Il chante la maladie, les larmes,... mais aussi l'espoir le plus pur, l'enfance, le rire. Charles Péguy manie les mots comme personne. Car son style n'est pas seulement buriné, il est également jeune, effronté : il ose à peu près tout, subtilement, sans pour autant verser dans le m'as-tu vu ou le clinquant stylistique. C'est ce qui fait qu'il est aussi intemporel, contrairement à nombre de ses prédécesseurs et de ses suiveurs (à vrai dire, il fait partie des 5 ou 6 plus grands poètes français, à mon sens). Et à la différence de bien des auteurs... Péguy ne se résume pas à un style. Sa spiritualité, incarnée au plus profond du genre humain, fait de son œuvre une source vivifiante où il fait bon se plonger. Les racines de Péguy sont bien ancrées dans la terre (ou dans le ciel, selon le mot de Rémi Brague) et il peut se faire le chantre de la vie sans craindre le ridicule, car il vit, sa poésie vit, et son art possède un souffle extraordinaire ! Mais pas un souffle baroque ou outré, comme chez les romantiques. Un souffle qui sonne vrai, qui donne envie de prendre la vie à bras le corps, sans hâte mais avec joie. En fait, la poésie de Charles Péguy est si jolie qu'on en oublie que c'est de la prose. Ses mots, choisis avec soin et pourtant d'un grand naturel, sont merveilleux. A découvrir !

[4/4]

lundi 6 mai 2013

« Le Petit Prince » d'Antoine de Saint-Exupéry (1943)

    Avec « Le Petit Prince », Antoine de Saint-Exupéry nous propose un récit onirique d'une grande poésie. L'auteur met en scène son jeune héros dans une sorte de voyage initiatique : ce dernier, partant de son petit astéroïde perdu dans l'espace, rencontrera en effet nombre d'êtres saugrenus, que ce soit un renard, une rose, un roi ou un business man. On sent poindre chez l'auteur une légère ironie envers ces adultes affairés, vaniteux, absurdes, en face desquels le Petit Prince, plein d'aplomb avec ses questions incessantes, fait fière figure. Auréolé de ses cheveux blonds, c'est une sorte d'ange tombé du ciel qui confie au narrateur (l'aviateur/Saint-Exupéry) le fil de ses aventures, avant tout humaines. Car bien que le Petit Prince se retrouve confronté à des animaux ou des plantes, c'est toujours un comportement humain qui l'anime : il fait tout simplement l'apprentissage de la vie, il découvre le goût des autres et de l'effort, la bonté, l'amour, le beau... Mais aussi le mal, quoique l'auteur le dépeigne toujours comme une absence de bien, et donc bien faible en comparaison. Pour autant, on sent une certaine gravité dans cet ouvrage. Le Petit Prince, ou le bien, l'innocence, semble perdu dans l'immensité du monde et de l'espace. Les deux guerres mondiales sont passées par là. Toutefois l'espoir demeure, et bien qu'il disparaisse, le Petit Prince se fond dans les étoiles, qui illuminent la Terre et les hommes, leur laissant un souvenir impérissable. Retenons donc cet élan plein d'espérance de l’œuvre la plus connue du célèbre aviateur écrivain.

[4/4]

jeudi 4 avril 2013

Citation du jeudi 4 avril 2013

« On ne voit bien qu'avec le cœur. L'essentiel est invisible pour les yeux. »

Antoine de Saint-Exupéry 
(Le Petit Prince, 1943)

samedi 9 mars 2013

« Les Petites Filles modèles » de la comtesse de Ségur (1858)

    Un autre livre admirable de mon enfance. « Les Petites Filles modèles » est un ouvrage charmant, d'une fraicheur intemporelle. La comtesse de Ségur y conte avec grâce et bienveillance les aventures de quatre petites filles plus ou moins sages. Camille et Madeleine de Fleurville sont la bonté même, altruistes, généreuses et raisonnables. Marguerite de Rosbourg, quant à elle, est une petite fille plus spontanée, qui se laisse parfois rapidement emporter. Sophie, pour finir, est turbulente, nerveuse et gauche. Battue par sa belle-mère, l'odieuse et ridicule Madame Fichini, elle court de bêtises en bêtises. L'action se déroule au château de Fleurville, tenu par la vertueuse Madame de Fleurville, veuve de son état, et par ses loyaux domestiques. « Les Petites Filles modèles » est un instantané d'une époque révolue, aux images quelque peu surannées. Néanmoins il condense de façon universelle la candeur de l'enfance, ses joies, ses peines, sans jamais se départir d'un regard tendre et généreux. La comtesse de Ségur y emploie un français simple mais distingué. Et les différentes scénettes qu'elle égrène le long de son ouvrage sont réjouissantes par leur naïveté et leur caractère initiatique pour ses jeunes héroïnes. Un vrai petit classique.

[4/4]

samedi 12 janvier 2013

« La Chaumière indienne » de Jacques-Henri Bernardin de Saint-Pierre (1790)

    « La Chaumière indienne » est un charmant petit conte philosophique. On y retrouve la sensibilité si particulière de Bernardin de Saint-Pierre, épris d'idéal et de vertu. Il s'agit en effet d'un éloge de l'humilité et de la simplicité, face au pouvoir, à la connaissance, et tout simplement à la vie. L'intrigue est simple, archétypique, et pleine de bon sens, comme tout conte qui se respecte. Un docteur anglais, glorieux érudit, cherche à rendre l'humanité plus heureuse en se lançant dans une quête surhumaine : collecter tous les savoirs ancestraux du monde entier, de Paris à Delhi, en passant par le Vatican ou Istanbul, afin de répondre aux questions innombrables de la Société royale de Londres sur le sens de la vie et de son incarnation terrestre. Mais lorsqu'il a recueilli au terme de son long périple une quantité démesurée de connaissances, le voilà qui se met à douter. Que faire de tant d'enseignements ? D'autant qu'ils se contredisent quasiment tous... Et voilà notre pauvre docteur perdu et abattu. Nulle réponse à ses questions! Lorsqu'on lui apprend qu'un brame supérieur, sage parmi les sages, méditant dans son palais, près d'une embouchure du Gange, en Inde, serait le seul au monde capable de résoudre toutes les fameuses questions qu'on lui a chargé de poser, le voilà qui reprend espoir! Et il s'empresse d'aller le visiter. Il ira, bien évidemment, de surprises en surprises, et ses certitudes seront bien ébranlées. Je n'en dis pas plus, je vous invite à prendre le temps de vous plonger dans cette fort belle histoire, qu'on lit en une heure à peine, mais qu'on savoure des heures durant.

[3/4]

« Paul et Virginie » de Jacques-Henri Bernardin de Saint-Pierre (1787)

    Il y a peu, je rangeais ma bibliothèque. Alors que je triais de vieux livres de quand j'étais petit, je suis tombé sur une édition Carrefour (sic) de « Paul et Virginie », de Bernardin de Saint-Pierre, qu'on m'avait offerte étant enfant. Je ne sais pas pourquoi, je me suis dit que ce serait peut-être intéressant à lire. Alors je me suis plongé dedans. Quelle surprise ! C'est un chef d'œuvre ! Bernardin de Saint-Pierre écrit dans un français merveilleux, à la fois simple et limpide mais finement ciselé, d'une réelle beauté. Et que dire de la façon dont il dépeint la nature ! C'était paraît-il son grand talent, en effet, c'est peu de le dire ! Mais n'oublions pas non plus la finesse avec laquelle il décrit les sentiments, notamment de ses deux jeunes héros ! « Paul et Virginie » est un roman qui exalte la vertu, d'une façon tellement sincère, presque enfantine... Dans un décor paradisiaque (l'ouvrage est construit comme le magnifique film « Tabou » de Murnau), Paul et Virginie vivent avec leurs mères respectives, bannies de la société française. Nous sommes dans l'Île de France (aujourd'hui l'Île Maurice), à la fin du XVIIIème siècle, et Bernardin de Saint-Pierre est épris de la philosophie de Jean-Jacques Rousseau. Paul et Virginie, vivant à l'écart de la civilisation, sont en effet la bonté même. Ce sont les hommes et leurs froids calculs qui viendront semer le désordre et la désolation. Vraiment quelle surprise de trouver là l'un des plus brillants écrivains de son temps, et même l'un des plus brillants écrivains français ! Car comme le fait si bien remarquer la note biographique insérée en fin de mon édition, « Paul et Virginie » est une « idylle morale et mélancolique, évitant la fadeur et la déclamation ». Préfigurant le romantisme sans annoncer ses travers, « Paul et Virginie » est une œuvre intemporelle et remarquable.

[4/4]

samedi 28 juillet 2012

« Lettres de mon moulin » d'Alphonse Daudet (1869)

    Dans son ouvrage, Alphonse Daudet nous offre près d'une trentaine de chroniques provençales, qui fleurent bon le parfum de la garrigue, les cigales, le soleil, la chaleur du sud. Autant de petites fantaisies tantôt amusantes, tantôt mélancoliques. Daudet nous conte les (més)aventures de toute une galerie de personnages tous plus truculents les uns que les autres. Maître Cornille et son moulin qui continue fièrement de tourner quand tous ses confrères ont dû arrêter, en raison de l'industrialisation galopante, Monsieur Seguin et sa chèvre qui a soif de liberté, la mule du pape maltraitée par un gredin, le curé de Cucugnan et sa paroisse réfractaire à la parole de Dieu, le célèbre poète Mistral, dom Balaguère, tenté par le diable, et ses trois messes basses, le révérend père Gaucher et son fantastique élixir... Avec un style dépouillé et limpide au possible, Alphonse Daudet nous emmène avec grâce dans le sud de la France, et même le nord de l'Afrique. Vous l'aurez compris, les « Lettres de mon moulin » se lisent très facilement et promettent de passer un moment ensoleillé, plein d'humour et de tendresse. Un petit classique, à lire sans hésiter.

[3/4]

jeudi 5 juillet 2012

« Les Frères Karamazov » (Brat'ya Karamazovy) de Fiodor Dostoïevski (1879)

    Prodigieux ouvrage, « Les Frères Karamazov » figure sans conteste au panthéon de la littérature mondiale. Sigmund Freud voit en lui « le roman le plus imposant qu'on ait jamais écrit », et ce n'est pas moi qui le contredirai. Ce livre nous conte l'histoire de Fiodor Karamazov et de ses trois fils, chacun ayant un caractère bien à lui et se trouvant plongé dans une intrigue qui les dépasse, un horrible meurtre. Tout le génie de Dostoïevski réside en ce qu'il parvient à littéralement donner vie à des personnages démesurés, au caractère bien trempé, et totalement inoubliables. Chacun des frères Karamazov illustre pourrait-on dire une facette de la personnalité de l'écrivain russe. Dmitri, l'ainé, est bouillonnant, spontané, colérique, il incarne à lui seul l'homme russe. Ivan quant à lui est un intellectuel, un libre penseur athée, typique du XIXème siècle. Aliocha, enfin, représente l'aspiration à la sainteté, il est réservé, sage, étonnamment mûr pour son âge.  Et comment oublier le personnage pivot du roman, sur lequel plane son ombre : le sensuel Fiodor Pavlovitch Karamazov, père débauché et indigne. Tout au long du roman, les évènements tissent leur trame et nous entraînent dans un tourbillon d'idées, de ressentiment, de rage, d'humanité dans ce qu'elle a de plus viscéral, de plus fou. Un peu à la manière de « Crime et châtiment », nous plongeons dans les bas-fonds de la Russie, dans ce qu'elle a de plus sordide sans pour autant tomber dans le misérabilisme ou la bassesse. Dostoïevski a une certaine noblesse d'âme qui fait que ses personnages conservent une certaine dignité, même dans les cas les plus désespérés. De nombreux passages sont remarquables et figurent parmi les plus belles pages jamais écrites. Et les personnages sont esquissés à merveille, ils vous hanteront longtemps encore après que vous ayez refermé ce livre. Je ne peux donc que vous inviter à prendre le temps de lire cet ouvrage fort imposant, vous en serez marqués à jamais pour peu que vous teniez le coup des 900 pages. Un véritable chef d'œuvre de la littérature mondiale (Freud le place avec raison à côté de l'« Œdipe Roi » de Sophocle et de l'« Hamlet » de Shakespeare).

[4/4]

mardi 12 juin 2012

« Gaspard de la Nuit » d'Aloysius Bertrand (1842)

    Il est temps d'inaugurer la section « littérature » de notre blog. Y seront conjointement présentées des œuvres romanesques comme poétiques : tout comme lorsque nous parlions de cinéma les films d'animation et en prises de vues réelles étaient considérés de concert malgré leurs indéniables dissemblances, je ne souhaite pas plus ici dissocier deux « façons de faire » qui possèdent à mes yeux une même essence, que je qualifierais peut-être naïvement de « littéraire ». Romans et poèmes divergent il me semble en premier lieu par la forme (et quelle forme me direz-vous), mais ils ont tant en commun que je ne pense pas qu'il soit opportun de les exclure mutuellement, du moins en ce qui concerne le modeste objectif que se fixe notre blog : partager des œuvres qui nous sont chères. C'est donc avec un grand plaisir que je vais inaugurer cette section, par la présentation d'un ouvrage à la croisée de la poésie et de la prose.

* * *

    « Gaspard de la Nuit » est l'un des tous premiers recueils de poèmes en prose, genre dont Baudelaire se fera le héraut avec son fameux « Spleen de Paris », directement inspiré de l'œuvre d'Aloysius Bertrand. Divisé en six livres de longueur variable, « Gaspard de la Nuit » est un ensemble de miniatures moyenâgeuses et pittoresques. Comme autant de visions d'une époque révolue et hautement fantasmée, faisant écho de l'aveu même de l'auteur à l'œuvre de Rembrandt ou de Callot, brillants illustrateurs chacun à leur manière, l'un à la peinture (principalement), et l'autre à l'eau-forte. A travers ses courts poèmes, Bertrand met en scène des personnages tous plus extraordinaires les uns que les autres, des nains, des sorcières, des moines, une ondine, un feu follet, des lansquenets,... Son bestiaire foisonne, et nombre de protagonistes hantent les pages de son unique et posthume ouvrage. Le langage est finement ouvragé, Bertrand empruntant moult mots vieillis à l'ancien français, façon de revenir plus sûrement dans le passé. Il faut saluer sa maîtrise du rythme : ses poèmes sont des fantaisies charmantes qui soutiennent la comparaison avec le chant du vers et des rimes. Notons aussi le soin apporté à la mise en page, chaque poème étant introduit par un épigraphe qui vient ajouter son sens à celui du poème, de sorte que la puissance évocatrice de chaque feuillet est ainsi démultipliée. A tous points de vue, « Gaspard de la Nuit » est une œuvre qui a fait date dans l'histoire de la poésie et de la littérature, et j'invite tous les amoureux de la poésie française, du XIXème siècle, du Moyen-Âge ou de la Bourgogne à redécouvrir ce petit chef-d'œuvre oublié.

[3/4]