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samedi 13 août 2016

« Princesse Mononoké » (Mononoke Hime) de Hayao Miyazaki (1997)

    « Princesse Mononoké » couronne la carrière d'Hayao Miyazaki par bien des aspects. Peut-être son film le plus riche et le plus complexe, c'est également l'un des plus accomplis formellement, utilisant à merveille les possibilités de l'art du dessin animé fait main, avec un soupçon d'images de synthèse uniquement quand le besoin se fait sentir, pour ne pas rompre l'équilibre de la façon de faire typiquement artisanale du fameux studio Ghibli. Je ne m'attarderai pas sur la richesse de l'univers miyazakien, sur l'abondance des kamis et autres êtres fantastiques qui font tout le charme du long métrage, et plus généralement de l’œuvre même de Miyazaki. Je fais en revanche le choix de me pencher sur « l'infrastructure » de ce film, à savoir ses 3 dimensions (me semble-t-il) : sociologique, poétique et épique. 

Sociologique, tout d'abord, car le grand « thème » si j'ose dire de « Princesse Mononoké », c'est l'antagonisme entre tradition et modernité. Deux esprits s'affrontent : celui des anciens, du culte des divinités shintoïstes, du respect de l'Autre et de la nature ; et celui des modernes, de l'emprise sur la nature, mais aussi de la rupture avec les traditions asservissantes, d'une liberté chèrement gagnée. Deux figures s'opposent ainsi dans ce long métrage : San, la princesse Mononoké, c'est-à-dire des esprits vengeurs (si j'en crois Wikipédia), qui vit auprès des animaux-dieux de la forêt magique (une déesse louve l'a recueillie à la mort de ses parents et en a fait sa fille adoptive), et pour qui l'homme est un monstre cupide et violent, qui ne pense qu'à tuer et détruire, notamment la nature ; et de l'autre côté Dame Eboshi, mystérieuse aventurière qui règne en maître sur des forges rougeoyantes, d'où est extrait le métal utilisé par les armes à feu qui ravagent les animaux divins. Ce personnage est particulièrement réussi, car s'il a un côté obscur, du fait de son avidité et de son absence de scrupules, c'est également quelqu'un qui vit aux côté des lépreux, et qui a redonné une fierté et une dignité aux ex-prostituées qu'elle emploie dans ses forges. C'est le personnage moderne par excellence, du fait de son audace (elle ose rien moins que s'attaquer en personne à des dieux), mais aussi du fait de son féminisme : qu'une femme dirige un village, une entreprise industrielle mais aussi une armée d'hommes, qu'elle aille aux devants des combats, qu'elle ait la maîtrise de sa destinée et de celle de ses sujets, c'est bien évidemment une invention de Miyazaki, mais qui dit tout de ce que peut représenter l'émancipation de la femme dans un Japon très codifié (cf. les films de Masaki Kobayashi des années 60). Au milieu de ces deux personnages se trouve Ashitaka (alter-ego de Miyazaki ?), jeune prince qui veut porter un regard sans haine sur le monde qui l'entoure. Véritable médiateur, s'il veut stopper la folie meurtrière des hommes, et intimer à Dame Eboshi de respecter la nature et ses divinités, il ne peut se résoudre à tourner le dos à son humanité, et fait tout pour que San redevienne humaine, mais aussi pour que les gens de Dame Eboshi (et elle-même) ne subissent pas la fureur des dieux de la forêt. Plus complexe qu'il en a l'air, c'est l'un des rares héros masculins de la filmographie de Miyazaki, et c'est véritablement la clé de ce film. Car la grande force de ce long métrage, c'est que Miyazaki ne juge pas ses personnages, et ainsi ne porte pas de jugement sur le passage de la tradition à la modernité : l'ancien temps n'est pas le Bien et le nouveau le Mal. La modernité succède à la tradition, et pour cela la détruit de l'intérieur. Un monde nouveau naît alors, un monde ou la nature n'a plus rien d'enchanteresse, où les animaux ne parlent plus. Un monde domestiqué, où l'homme règne en maître, un monde en 3 dimensions – celui que nous connaissons – où le sacré est absent (la 4ème dimension de ce film). D'autres de ses films viendront souligner combien tout n'est pas rose dans ce nouveau monde (« Le Voyage de Chihiro » pour ne citer que lui), et tout ce qu'il a perdu de l'ancien. D'ailleurs l'Esprit de la forêt est tellement beau qu'on comprend aisément combien une part de Miyazaki regrette le Japon de la tradition. Mais pour certains de ses aspects seulement ! Notamment le culte du respect.

J'en viens à l'aspect poétique de ce long métrage. Ce qui est évident, comme je le disais, c'est que l'ancien monde a son charme, et même beaucoup de charme, à travers les yeux de Miyazaki. Les nombreux kamis, et notamment les amusants sylvains, font tout le sel de « Princesse Mononoké », sans parler bien évidemment de l'Esprit de la forêt, au visage (car c'est plus un visage humain qu'animal) étonnamment beau et apaisant. La forêt est magnifiée, sorte de monde primitif et vierge de toute emprise humaine, espace foisonnant qui abrite toutes sortes d'êtres, des humains aux animaux en passant par les dieux et déesses qui protègent cet endroit sacré. Difficile de ne pas succomber à cette vision paradisiaque de la nature. Mais ce qui est très fort dans ce film, c'est que ce n'est pas forcément un but en soi, c'est une sorte de fond aux aventures des personnages, et notamment de l'histoire d'amour qui unit Ashitaka à San. San est pleine de rage, elle en veut aux humains de détruire son monde merveilleux, de fouler au pied un univers qu'ils ne cherchent même pas à comprendre. C'est pour cela que dans un premier temps elle est hostile à Ashitaka, qui incarne le genre humain à lui seul. Mais elle va comprendre toute la bonté de cet être, qui au-delà de porter un regard dénué d'animosité, porte un véritable regard d'amour sur ceux qui l'entourent. Il aime profondément San, mais il aime aussi Dame Eboshi et ses gens, en tant qu'êtres humains méritant eux-aussi son respect. Car c'est là la condition de l'homme, soumettre la nature (dans une certaine mesure) pour pouvoir y vivre. San a oublié que c'était à elle aussi sa condition, et Ashitaka tente de lui faire entendre raison, non pas pour soumettre à son tour la nature et ceux qui l'ont recueillie, mais pour ré-apprendre à aimer les humains, qui s'ils cherchent à maîtriser la nature le font non pas par plaisir finalement, mais parce qu'il en va de leur survie. « Princesse Mononoké » est donc également une très belle histoire d'amour... impossible. Les scènes « d'affrontement » entre Ashitaka et San sont à ce titre très belles et émouvantes. Il y a beaucoup de poésie chez Miyazaki dans les relations humaines, c'est l'un des rares créateurs contemporains à encore croire en l'amour, ce qu'il a illustré à plusieurs reprises tout au long de sa filmographie, et une fois encore, de façon originale, ici. 

Enfin, le registre épique. « Princesse Mononoké » est un grand voyage initiatique, notamment pour Ashitaka. En effet, s'il ne va pas forcément se révéler à lui-même, car il fait preuve dès le début d'une très grande maturité et d'un calme olympien, il va devoir conserver sa retenue, sa maîtrise de soi, face au mal qui le ronge et à la bêtise des hommes. Maudit par un dieu devenu démoniaque, qu'il a tué pour sauver son village d'origine, Ashitaka n'a d'autre choix que de quitter les siens pour s'aventurer à la recherche d'un remède. A de nombreuses reprises, il va devoir faire taire sa colère, pour ne pas qu'elle se transforme en haine et le tue de l'intérieur. Il aura bien des raisons de le faire, mais à chaque fois il saura se contenir, non sans que se matérialise ce combat intérieur, par ce bras traversé par cette cicatrice maudite. Signe de ce que la haine est un vrai poison pour l'homme ! Ashitaka le médiateur, mais aussi la première victime de ce combat entre tradition et modernité, va non seulement devoir affronter mais aussi absorber toute cette haine, et la transformer en amour et en sagesse. C'est probablement le personnage le plus « fort » de ce film, fort au sens où il se relèvera toujours de ses épreuves et saura se montrer exemplaire, tout comme Nausicaä dans la bande dessinée et le film éponymes, malgré toutes ses responsabilités. « Princesse Mononoké » est ainsi le récit de cette quête vers la guérison, qui ne sera possible qu'en détruisant la haine de ce monde. C'est aussi une authentique épopée en ce qu'elle rend compte des exploits des héros et des héroïnes de cette histoire. Entre batailles rangées et conflits intérieurs, Miyazaki illustre avec sa maestria habituelle les remous de l'Histoire, de cette transition entre deux mondes, entre des personnages aux visées contraires, mais aussi des drames intimes qui se nouent, et de la difficulté pour San et Ahsitaka d'accepter que leur monde change à jamais. 

Il y a beaucoup de nostalgie dans ce long métrage mais aussi une certaine espérance. L'ancien monde a changé à jamais, tout retour en arrière sera impossible (et pas forcément souhaitable), c'est ce que Miyazaki nous montre par le simple biais d'images, à la fin de son film, non sans une certaine tristesse. En quelques plans, par cette herbe familière qui remplace la forêt sauvage et majestueuse, Miyazaki nous dit tout de ce passage d'une époque à une autre. Riche de thèmes et de personnages, illustré avec un talent inégalé, « Princesse Mononoké » n'est pas forcément son plus grand film à mon sens (la faute à un très relatif académisme), mais c'est indéniablement le plus représentatif de son talent. D'une profondeur que plusieurs visionnages n'ont jusqu'à présent pas entamée. 

[4/4]

dimanche 1 mars 2015

« Le Château dans le ciel » (Tenkū no shiro Rapyuta) d'Hayao Miyazaki (1986)

    Après avoir vu tous les longs métrages d'Hayao Miyazaki, dont certains au moins deux fois, j'en arrive à la conclusion suivante. Deux films surnagent parmi cette douzaine d'authentiques chefs-d’œuvre : « Totoro »... et « Le Château dans le Ciel ». Parlons de ce dernier. A mon sens, il s'agit d'un film parfait. Parfait parce que sans défaut, mais surtout, parce que poétique au possible, merveilleux, entraînant, subtil, divertissant tout en conservant une grande profondeur. Ce n'est pas un long métrage aride, parfait car lisse, austère, non, il est parfait pour moi car je n'ai jamais vu mieux. Oui, c'est un film très sensuel. Et poétique, je me répète. J'en veux pour preuve cette magnifique séquence d'introduction : une petite fille tombe du ciel, lentement, doucement, pour arriver dans les bras d'un petit garçon, émerveillé et surpris à la fois. Et c'est là que tout commence. Mélange d'histoire d'amour et d'amitié, mais aussi de pure aventure, « Le Château dans le ciel » est peut-être avec « Totoro » le film le plus universel de Miyazaki. Les valeurs de l'entraide, du courage, de la curiosité, de la débrouillardise, et de l'amour, toujours, y sont exaltées. Et puis cette exubérance visuelle, cette inventivité permanente est extraordinaire. Tout semble possible pour Miyazaki. C'est bien lui qui est allé le plus loin dans le domaine de l'animation, car il est allé chercher ce qu'il y avait de meilleur dans son cœur de poète ainsi que ses yeux et ses mains de dessinateur : un conte pour enfants (et adultes n'ayant pas perdu leur âme d'enfant) intemporel. Avant, je n'attribuais pas la note suprême à ce film car j'avais toujours à l'esprit ce méchant assez manichéen. Et en fait non, peu importe. Le mal existe, il ne sert à rien de le masquer. L'important c'est que le bien triomphe. Que l'innocence vienne à bout de la noirceur qui peut régner dans ce monde. Que des enfants puissent sauver l'humanité, précisément car ce sont des enfants, au cœur pur. Et puis toute cette galerie de seconds rôles, est comme d'habitude chez Maître Miya, réjouissante : des pirates facétieux et maladroits, un vieillard esseulé, perdu dans une mine, un chef ouvrier grognon mais humain... Et comment ne pas évoquer la musique de Joe Hisaishi, qui comme toujours vient sublimer le tout, donner une dimension supplémentaire à un film déjà exceptionnellement riche par bien des aspects ? D'autant que n'ai pas parlé de tout ce mystère autour de Laputa, la fantastique île volante. Cette partie là aussi du long métrage est intrigante, mystérieuse et fascinante. En fait, et j'en reviens à ma conclusion : tout dans ce film est réussi. Tout. Et je crois que je pourrais le revoir des dizaines et des dizaines de fois en étant toujours aussi ému. Rares sont les œuvres dont je peux affirmer cela, tous arts confondus... « Le Château dans le ciel » en fait indéniablement partie.

[4/4]

samedi 17 janvier 2015

« Le Château ambulant » (Hauru no ugoku shiro) d'Hayao Miyazaki (2004)

    La première fois que j'ai vu ce film, j'ai été extrêmement déçu, ne voyant que ses défauts : une occidentalisation forcenée, voire parodique malgré elle, une certaine mièvrerie (le héros principal est passablement agaçant) et surtout un rendu consensuel au possible. Où était donc passé Miyazaki me demandais-je ? Après un second visionnage, je révise mon jugement, tant j'ai pris plaisir à revoir ce long métrage. En fait, je sais aujourd'hui ce qui m'avait déplu dans « Le Château ambulant » : c'est son côté composite. C'est un amalgame de cultures anglo-saxonne et japonaise, d'histoires d'amour et de guerre, de magie et de réalisme, et le tout, saupoudré de rose bonbon et autres couleurs criardes, m'était apparu fort indigeste. En n'attendant plus rien de cette seconde chance laissée à ce film, ses qualités sont tout à coup ressorties, peu discutables. Tout d'abord la poésie de certains passages est extraordinaire. Rien que ces moments privilégiés confèrent toute sa force au « Château ambulant », en en faisant un dessin animé de grande qualité. De plus, les personnages secondaires (l'épouvantail et le démon du feu notamment) sont savoureux : c'est tout simplement le sel qui donne son goût si particulier à ce long métrage. Et si l'héroïne n'arrive pas à la hauteur des autres personnages principaux des meilleurs Ghibli, elle marque par son abnégation et son courage typiquement « miyazakiens ». « Le Château ambulant » est tout de même un film du maître à part et légèrement en deçà des autres, car on peine à s'identifier totalement au couple principal (vu l'âge plus qu'avancé de l'héroïne et le maniérisme adolescent du héros). Toutefois l'histoire tient la route, et j'ai apprécié l'arrière plan martial, qui une fois de plus donne l'occasion au cinéaste japonais de dénoncer la folie des hommes. L'animation, quant à elle, est toujours irréprochable, même si ce n'est pas le long métrage le plus exemplaire du studio Ghibli à ce sujet. En somme, il faut prendre « Le Château ambulant » pour ce qu'il est : un pur divertissement, dans le meilleur sens du terme. Ce n'est pas le film le plus profond, ni le plus réussi ou le plus émouvant de Miyazaki. Mais l'un des plus réjouissants, et à ce titre, il mérite largement le coup d’œil.

[4/4]

vendredi 24 janvier 2014

« Le Vent se lève » (Kaze Tachinu) de Hayao Miyazaki (2014)

    La vie est belle, très, très belle. Elle est aussi simple, limpide. Oh, bien sûr, la vie est aussi complexe, parfois trop, mais pas d'une complexité irrémédiable, funeste. Non, complexe car dense, riche. Tout comme le dernier long métrage d'Hayao Miyazaki, à la fois triste et solaire, et d'une évidence sans pareille. « Le Vent se lève » est un film qui pose la question peut-être la plus importante de toute vie humaine. Qu'est devenu(e) le petit garçon, ou la petite fille que nous étions ? La vie est certes difficile parfois, souvent même. Mais nous, que faisons-nous de cette vie qui nous est donnée ? Jiro a choisi de concevoir des avions, les plus beaux qu'il puisse imaginer. Enfant rêveur mais déterminé, doué, il deviendra le créateur des chasseurs Zéro, les terribles engins volants des kamikazes japonais, durant la Seconde guerre mondiale. La vie et son lot de circonstances auront ainsi rattrapé le rêve d'un jeune homme épris d'aviation. « Le Vent se lève » est donc un film tout à fait ancré historiquement. Hayao Miyazaki ne fait pas de mystère sur les temps obscurs que furent pour le monde et l'humanité l'impérialisme allemand et japonais. Mais l'intérêt du long métrage n'est pas là. Il est dans cette soif de grands espaces, ce rêve tout humain de défier l'apesanteur – et joie – de voler ! Il réside aussi dans cette soif d'idéal, d'absolu. L'absolu de l'amour, de la bonté, de la beauté, du courage, de la ténacité. Hayao Miyazaki n'est pas seulement un dessinateur ou un réalisateur de talent. C'est aussi et avant tout un véritable et grand artiste, car il a des choses à dire. Et ce qu'il a à dire est immense. Comment contenir en une œuvre seulement ce souffle de vie, ce désir de vivre, de s'épanouir, de grandir avec l'autre, et les autres ? Bien sûr, tout n'est pas parfait dans ce film. Mais les moments les plus beaux sont extraordinaires. Bouleversants. Rares sont les longs métrages, ou même les œuvres autres que cinématographiques, à diffuser des émotions si subtiles et fortes à la fois. Rares sont les films, d'aujourd'hui mais aussi d'hier, à donner corps à une telle foi dans la vie et dans l'humanité. Rien ne semble altérer cet espoir, ni le temps, ni la guerre, ni le mal, ni la maladie. Rien ne peut altérer, diminuer cette confiance rayonnante dans le fait que les êtres humains peuvent se surpasser avec bienveillance, et s'accomplir dans le regard aimant de l'autre. Amour et travail, amour du travail, éloge de l'amour (car c'est toujours lui qui a le dernier mot), c'est ainsi que prend fin – peut-être – la carrière du Miyazaki réalisateur de longs métrages. Pouvait-il achever son œuvre et quitter sa table de travail d'une plus belle façon ? Difficile de l'imaginer.

[4/4]

lundi 20 juin 2011

« Ponyo sur la falaise » (Gake no ue no Ponyo) d'Hayao Miyazaki (2008)

    Avec « Ponyo sur la falaise », Hayao Miyazaki a de toute évidence sélectionné le public auquel il s'adressait. Certes Miyazaki n'a jamais caché faire des dessins animés pour les enfants : la différence c'est qu'ici il vise si je ne m'abuse les enfants en bas âge. Autant l'on peut (et même l'on doit) parler à un enfant comme à un adulte et réciproquement lorsque l'on fait de l'art digne de ce nom (c'est du moins mon avis), lorsque l'on commence à restreindre son public il me semble que l'on perd à tous points de vue : l'enfant sera d'autant plus « tiré » vers le bas et l'adulte se sentira bien moins touché... Par contre il y a bien un « avantage » dans la façon dont Miyazaki a réalisé ce long métrage : il s'agit de son film le plus simple et réaliste, et il se débrouille fort bien pour sublimer la réalité, d'autant que l'animation réserve comme toujours d'admirables moments, qu'il s'agisse des mouvements des personnages, des décors ou de trouvailles visuelles merveilleusement suggestives et poétiques à la fois... Hélas, il y a d'autres choses que je reprocherai à Miyazaki, outre son trop plein d'explications et d'infantilisme : « Ponyo sur la falaise » continue dans la lignée de l'« occidentalisation » forcenée de son art (il a dépassé le point d'équilibre à mon sens) visible surtout depuis « Le Château ambulant ». Ses influences commencent à ressortir disgracieusement à l'écran, à l'image de tout un imaginaire japonais actuel répandu dans la jeunesse (nippone ou d'ici), sorte de caricature criarde du « beau » occidental... Ce que j'aime tant dans l'art asiatique, c'est découvrir autre chose que l'art européen, et non pas avoir la tristesse d'y deviner une pâle copie, ne laissant présager rien de bon pour l'avenir... « Ponyo » est donc un bon moyen de redescendre sur Terre : Miyazaki est certainement le plus grand des animateurs en activité, mais ce n'est qu'un homme, et la gigantesque entreprise qu'est le studio Ghibli risque bien un jour de prendre l'eau en ployant sous son succès, à la recherche de sa supposée « marque de fabrique » (qui n'est autre que l'audace de Miyazaki), comme un certain studio Disney, s'il ne sait pas se renouveler. Assurément « Ponyo sur la falaise » est plus réussi que « Le Château ambulant », car plus homogène et sans doute davantage pris en charge par Miyazaki, qui livre là un scénario certainement plus original. Mais au final « Ponyo », malgré toutes ses qualités (et non des moindres) est moins ambitieux que ses précédents longs métrages, plus puéril, et il faut bien le dire... plus convenu.

[3/4]

dimanche 19 juin 2011

« Mon voisin Totoro » (Tonari no Totoro) d'Hayao Miyazaki (1988)

    Petit, je détestais les mangas. Un jour pourtant, chez un ami, j'étais resté scotché devant la télé : en zappant j'étais tombé devant un dessin animé où les personnages attendaient, sous la pluie, éclairés par un lampadaire... J'étais fasciné : comment cela était-il possible? Que faisaient ces personnages sous la pluie? Qu'attendaient-ils? Quel étrange dessin animé! Je ne savais pas qui avait réalisé ce long métrage, d'ailleurs je ne m'en souciais guère, je connaissais seulement son nom : « Mon voisin Totoro ». Je me suis toujours souvenu de ce passage, jusqu'à me dire les années passant que le film dont il était tiré ne pouvait être qu'extraordinaire. Depuis j'ai eu le temps de réellement découvrir et aimer le cinéma, et de franchir enfin le pas : on parlait beaucoup d'un certain Hayao Miyazaki. Et un jour je me suis dit qu'il y avait peut-être une raison à cela, après tout pourquoi ne pas essayer de regarder un de ses films? J'eus alors l'immense joie de découvrir « Le Voyage de Chihiro », qui littéralement m'avait laissé béat d'admiration (Miyazaki restera d'ailleurs le seul mangaka à avoir emporté mon estime) : enfin, il y avait bien quelqu'un qui avait compris ce qu'était l'animation et su faire le dessin animé parfait, celui où il y a tout, qui parle de tout, qui est beau à chaque seconde qui s'égrène... Bien sûr l'on peut discuter de la notion de perfection, mais c'est l'impression qui m'avait saisie lorsque je visionnais son film, et que je découvrais par la même occasion l'existence d'un nouveau cinéaste de génie. Oui ce qualificatif peut paraître excessif, mais depuis le temps que je m'intéresse au cinéma je puis dire qu'il n'est pas usurpé. Dès lors, j'ai vu tous les longs métrages d'Hayao Miyazaki. Tous sauf un, que je gardais pour la fin : c'est « Mon voisin Totoro ». Et j'ai enfin pu voir en entier, du début à la fin ce dessin animé que j'attendais tant. La séquence sous la pluie m'est apparue bien trop courte, tout comme le film. Mais il s'agit bien de l'oeuvre la plus épurée et suggestive à la fois, la plus contemplative, la plus simple d'Hayao Miyazaki. La meilleure? Qu'est-ce à dire, quand des longs métrages tels que « Princesse Mononoké » ou « Nausicaä de la Vallée du Vent » (et tant d'autres) se côtoient dans sa filmographie? C'est en tout cas l'oeuvre la plus représentative de son talent, celle qui renferme en elle le secret de l'enfance. Oui c'est un dessin animé pour enfants, pas de doute. Ça en agacera certains, et rendra nostalgiques les autres (ou tout cela à la fois). Mais si vous êtes un adulte, et que vous avez gardé votre âme d'enfant, alors « Mon voisin Totoro » vous promettra une balade imaginaire que vous aurez grand peine à oublier. Et à ce jour, je connais très peu d'oeuvres de cet acabit. Ah, et j'oubliais une chose : la musique de Joe Hisaishi est décidément très belle, c'est peu dire qu'elle sied parfaitement aux images de Miyazaki.

[4/4]