jeudi 12 février 2015

« New York-Miami » (It Happened One Night) de Frank Capra (1934)

« New York-Miami » est la matrice de la comédie romantique actuelle et de la screwball comedy des années 30-40. Tout dans ce film est réjouissant : le couple d'acteurs principaux, au physique si particulier, Clark Gable et Claudette Colbert, les dialogues, vifs et piquants, irrésistibles, la mise en scène, fluide et inventive sans trop en faire, la photographie, réservant de belles séquences, notamment dans la nature,... Ce long métrage fait partie des meilleurs Capra, et autant le dire tout de suite, cela signifie que c'est un film d'une grande qualité et rafraichissant au possible. Un divertissement fin et intelligent, en somme, une rareté à notre époque ! Il paraît que l'ambiance était exécrable durant le tournage, les acteurs ayant été forcés de faire ce film par leurs producteurs : rien ne transparaît à l'écran, c'est dire leur professionnalisme. Au contraire, on sent une grande complicité entre Gable et sa partenaire, pimentée d'un brin d'agacement qui retarde à la toute fin des retrouvailles qu'on espère et qu'on devine depuis le début. Et comment ne pas évoquer l'humour omniprésent ! Que ce soit visuellement ou dans les dialogues, Capra a l'art de rendre le moindre évènement joyeux, de rendre la vie quotidienne euphorique, en partant de détails anodins ou de situations vues mille fois. Comme à son habitude, il utilise les clichés les plus rebattus pour mieux les faire voler en éclat. A ce titre, nombre de personnages sont ambivalents, apparaissant sous une dimension au début, et se révélant tout autre au fil du temps. Je n'en dis pas plus, mais vous comprendrez ce que je veux dire en regardant ce film : Capra a également l'art de surprendre. Rien ne lui résiste, encore moins le spectateur, qui ne peux que fondre devant ces personnages si attachants. En bref, un classique indémodable, et un film au charme envoutant. A voir !

[4/4]

samedi 7 février 2015

« Souvenirs de Marnie » (Omoide no Mānī) de Hiromasa Yonebayashi (2015)

    « Souvenirs de Marnie » est un Ghibli à part, par bien des aspects, malgré la qualité toujours aussi irréprochable du dessin. Tout d'abord il tourne autour d'une héroïne mal dans sa peau, timide à l'extrême et de surcroît asthmatique. Les héroïnes vaillantes, fières, courageuses de Miyazaki et Kondo semblent bien loin. Ensuite, l'ambiance est sombre, parfois effrayante. Là encore, plus aucune trace de la joie miyazakienne, voire du comique takahatien. Et enfin, c'est probablement le film du célèbre studio japonais le plus ambivalent. Et là, je dois dire que c'est très particulier. Chaque instant du long métrage (si l'on excepte la fin qui, heureusement, vient tout résoudre en apportant une grande bouffée d'air frais) menace de tomber dans l'excès, un excès que l'on craint graveleux, sordide. Mais non, ouf, on y échappe. Et ainsi de suite, jusqu'aux 10 dernières minutes. Les scènes de tension, presque anthologiques, sont légion, et l'on se demande assez rapidement où le film et son réalisateur veulent en venir. Ghibli nous avait habitué à des longs métrages plutôt francs du collier, directs, simples (mais d'une simplicité salutaire, solaire même). Ici tout est compliqué, tortueux, et toujours à la limite du borderline. Le carcan moral qui soutient, l'air de rien, les précédents films signés Ghibli semble fondre sous la chaleur du cœur en fusion de l'héroïne, prêt à exploser de mal être. Heureusement, donc, la fin vient expliquer et dénouer l'histoire, dont on ne faisait qu'entrapercevoir à grand peine le sens, bien tourmenté, mais rationnel il est vrai, et non dénué d'intérêt au demeurant. Toutefois, « Souvenirs de Marnie » marque bel et bien une rupture dans la production du studio. Miyazaki et Takahata, avec toutes leurs influences, à savoir le cinéma japonais, américain et européen de la première moitié du XXème siècle, surtout, tirent leur révérence. Ils laissent la place, en l'occurrence, à un cinéaste de toute évidence nourri au cinéma japonais de la deuxième moitié du XXème siècle, plus angoissé et terrifiant, plus adulte pourrait-on dire, plus sombre en fait. Et là se pose la question du futur : le studio peut-il poursuivre dans cette direction ? Il doit se réinventer, certes, et faire place nette aux jeunes générations. Mais doit-il pour autant s'engager dans cette voie, au risque d'aboutir à une impasse ? La pause intimée par Toshio Suzuki, le talentueux producteur du studio nippon, est éloquente : Yonebayashi est-il réellement un successeur de taille pour Miyazaki et Takahata ? Rien n'est moins sûr.

[2/4]

samedi 17 janvier 2015

« Le Château ambulant » (Hauru no ugoku shiro) d'Hayao Miyazaki (2004)

    La première fois que j'ai vu ce film, j'ai été extrêmement déçu, ne voyant que ses défauts : une occidentalisation forcenée, voire parodique malgré elle, une certaine mièvrerie (le héros principal est passablement agaçant) et surtout un rendu consensuel au possible. Où était donc passé Miyazaki me demandais-je ? Après un second visionnage, je révise mon jugement, tant j'ai pris plaisir à revoir ce long métrage. En fait, je sais aujourd'hui ce qui m'avait déplu dans « Le Château ambulant » : c'est son côté composite. C'est un amalgame de cultures anglo-saxonne et japonaise, d'histoires d'amour et de guerre, de magie et de réalisme, et le tout, saupoudré de rose bonbon et autres couleurs criardes, m'était apparu fort indigeste. En n'attendant plus rien de cette seconde chance laissée à ce film, ses qualités sont tout à coup ressorties, peu discutables. Tout d'abord la poésie de certains passages est extraordinaire. Rien que ces moments privilégiés confèrent toute sa force au « Château ambulant », en en faisant un dessin animé de grande qualité. De plus, les personnages secondaires (l'épouvantail et le démon du feu notamment) sont savoureux : c'est tout simplement le sel qui donne son goût si particulier à ce long métrage. Et si l'héroïne n'arrive pas à la hauteur des autres personnages principaux des meilleurs Ghibli, elle marque par son abnégation et son courage typiquement « miyazakiens ». « Le Château ambulant » est tout de même un film du maître à part et légèrement en deçà des autres, car on peine à s'identifier totalement au couple principal (vu l'âge plus qu'avancé de l'héroïne et le maniérisme adolescent du héros). Toutefois l'histoire tient la route, et j'ai apprécié l'arrière plan martial, qui une fois de plus donne l'occasion au cinéaste japonais de dénoncer la folie des hommes. L'animation, quant à elle, est toujours irréprochable, même si ce n'est pas le long métrage le plus exemplaire du studio Ghibli à ce sujet. En somme, il faut prendre « Le Château ambulant » pour ce qu'il est : un pur divertissement, dans le meilleur sens du terme. Ce n'est pas le film le plus profond, ni le plus réussi ou le plus émouvant de Miyazaki. Mais l'un des plus réjouissants, et à ce titre, il mérite largement le coup d’œil.

[4/4]

dimanche 11 janvier 2015

Citation du dimanche 11 janvier 2015

« La beauté s’offre à qui sait la voir. »

Paul Valadier
(Conférence « Beauté neuve : le cas du cinéma », le 29 septembre 2014)

« L'Homme de Rio » de Philippe de Broca (1964)

    Le mètre-étalon de la comédie d'aventure moderne. Librement inspiré des Aventures de Tintin (en pagaille : L'Oreille cassée, Le Secret de la Licorne, Les 7 Boules de cristal,...), à l'origine des futurs Indiana Jones et autres OSS 117 signés Hazanavicius, « L'Homme de Rio » parvient à concilier grand spectacle et divertissement de haute volée, grâce à l'interprétation pour le moins excellente de Belmondo (qui réalise seul ses cascades, toutes plus improbables les unes que les autres) et de la regrettée Françoise Dorléac, qui portent à eux deux le film : Bebel (Adrien) en jeune homme athlétique et jamais à cours de ressources, embarqué malgré lui dans des aventures extraordinaires, et Dorléac (Agnès) en jeune femme impertinente, un brin agaçante (c'est ce qui fait son charme), objet de la quête de son compagnon, qui ira la chercher jusqu'au fin fond de l'Amazonie. Tout est réjouissant dans ce long métrage : le charme juvénile des deux principaux acteurs, un méchant machiavélique, les péripéties incroyables et les rebondissements incessants, les vues extraordinaires de la forêt amazonienne ou de Brasilia, encore vide et en construction à l'époque... mais surtout l'humour ravageur qui règne tout au long du film. La façon dont les héros ne se prennent pas au sérieux restera inimitable (excepté justement dans les Indiana Jones, et peut-être dans les 2 ou 3 premiers Pirates des Caraïbes), et confère au long métrage une fraicheur inaltérable : même s'il fait aujourd'hui très daté, « L'Homme de Rio » est toujours aussi bon... comme les Tintin ! Intemporel en somme, ce qui, pour un film de divertissement, sonne comme une réussite rare et appréciable ! Daniel Craig et Matt Damon, remballez vos affaires, rien ne remplacera un bon vieux Bebel, prêt à assommer une douzaine de brutes patibulaires à main nue ou à passer d'un immeuble à l'autre suspendu à un unique câble, à 30m de hauteur, pour sauver sa belle des griffes d'un odieux personnage, et ce à l'autre bout de la planète !

[3/4]

samedi 3 janvier 2015

« Entre elle et lui » de Nathalie Dessay et Michel Legrand (2013)

    Je le concède, les premières fois que j’ai écouté cet album, j’étais déçu par la production ultra léchée et la voix presque mécanique de Nathalie Dessay. Difficile de ressentir la moindre émotion, avec un essai qui me semblait presque factice, forcé. Mais bien malgré moi, à force d’éprouver l’envie de réentendre cet opus et au fil des écoutes, il s’est imposé à moi comme un magnifique aperçu de ce que sait faire de mieux Michel Legrand : des chansons aux mélodies riches et limpides à la fois. Car finalement Nathalie Dessay reste en retrait, et c’est la formidable musicalité des chansons de Legrand qui ressort, leur génie musical (n’ayons pas peur des mots) demeurant un régal sans pareil. Si l’on sent une patte, voire quelques « tics » de composition, force est de reconnaître que l’inspiration de Legrand semble sans limite. Certaines de ses œuvres sont déjà des classiques, et cet album est l’occasion de se rendre compte combien il a su composer des mélodies originales et se forger un style qui n’appartient qu’à lui. Un style qui ravira tout autant les adeptes de musique classique, les amateurs de jazz et les fans de comédies musicales. Le style de Legrand est protéiforme et s’abreuve aux meilleures sources qui soient. Et le tout, loin d’être indigeste, coule comme de l’eau de source, pure et claire. A tel point que je me suis surpris plusieurs fois à écouter le disque en boucle en le relançant une fois fini. Un disque que je recommande donc à tous, inconditionnels de Legrand ou simples amoureux de belle musique.

[3/4]

jeudi 1 janvier 2015

« Récits de jeunesse » d'Andreï Tarkovski (2004)

    Tarkovski le dit lui-même dans l'un des récits qui composent ce recueil, il n'est pas un bon écrivain. Et ce n'est pas moi qui le contredirai. Ses récits sont assez plats, n'ont que peu de relief artistique, manquent de poésie. A l'inverse, ce sont des récits autobiographiques, crus, plus par le regard sans fard que porte sur lui le futur cinéaste que par un langage vulgaire et grossier qu'on serait bien en peine de trouver parmi ces textes. Tarkovski a beau être sans concession sur sa personne, il n'en conserve pas moins une certaine pudeur. Mais on sent que Tarkovski n'est pas à l'aise avec l'art des mots, il ne suffisent pas à rendre compte de tout ce qu'il veut dire, ils peinent à rendre l'expérience de la vie telle qu'il la perçoit dans toute sa richesse (richesse dont témoigneront ses longs métrages, d'une grande beauté et d'une grande profondeur). Même ses poèmes, assez agréables (bien que parfois tourmentés), sont maladroits et ne frappent pas le lecteur par leur singularité. Ce sont de jolis instantanés de la nature russe (humaine comme végétale). Mais rien d'exceptionnel. Par contre, on sent dans chacun de ces textes, nouvelle ou poème, toute la sensibilité à fleur de peau du cinéaste russe, et surtout une attention portée au détail qui trouvera tout son accomplissement dans des films comme « Stalker », où la nature règne, majestueuse, sublimée par la photographie sépia ou en couleur du long métrage. Plus encore, on ressent ce que vit Tarkovski, ses peines comme ses joies, son émerveillement face à la nature environnante, même si ce n'est pas du même ordre que ce qu'éveille en nous « Le Miroir », peut-être son chef-d’œuvre cinématographique. Clairement, donc, ces « Récits de jeunesse » s'adressent aux inconditionnels de Tarkovski, car ils permettent de comprendre l'itinéraire personnel et artistique de ce cinéaste particulier. Leur valeur tient plus, en effet, du témoignage biographique que d'une quelconque teneur artistique, qui n'est pas encore pleinement épanouie (mais en 1962, année où s'arrêtent ces textes et où Tarkovski achève « L'Enfance d'Ivan », ça ne saurait tarder).

[2/4]

mercredi 31 décembre 2014

« Boudu sauvé des eaux » de Jean Renoir (1932)

    « Boudu sauvé des eaux » est un film étonnant, inclassable. Sorte de fable sociale anarchiste, c'est un bel écrin pour le jeu totalement imprévisible (et très physique) de Michel Simon. Un clochard, Boudu, se jette dans la Seine après avoir perdu son chien. Un bourgeois le voit dans l'eau depuis son appartement parisien, et décide de sauter dans le fleuve pour lui venir en secours. Il le ramène chez lui, et l'habille comme l'un des siens. Mais la nature anticonformiste de Boudu ne s'adapte guère à la bienséance (toute relative) des mœurs de la famille Lestingois. Ce dernier est en effet un bourgeois libéral et généreux, qui entretien une liaison avec sa bonne, à l'insu de sa femme. Comme dans une pièce de vaudeville, l'arrivée de Boudu dans la famille vient rebattre les cartes des liaisons amoureuses et tout faire voler en éclat, engendrant de savoureux quiproquos. Il vient surtout remettre en cause les principes de Lestingois : l'hospitalité, la générosité, la croyance dans la bonté humaine. La séquence finale est extraordinaire : complètement inattendue, elle révèle toute l'ambivalence de la nature de Boudu, qui décidément, ne veut se raccrocher à rien d'autre qu'à sa liberté. Notons que la mise en scène de Renoir est d'une grande qualité, nous avons droit à de beaux travellings, et surtout à de magnifiques prises de vue en extérieur, notamment sur les bords de Seine. Un film assez déroutant, mais typique de l'art conjugué de Jean Renoir et Michel Simon, et à ce titre qui mérite largement le coup d’œil.

[3/4]

mardi 30 décembre 2014

« The Way – La Route ensemble » (The Way) d'Emilio Estevez (2010)

    « The Way » est un très beau film sur El Camino (Le Chemin), la route de Saint-Jacques-de-Compostelle. Emilio Estevez ne prétend pas faire un film définitif sur le sujet. Il s'agit juste d'un bel instantané, comme s'il avait pris au hasard une demie douzaine de pèlerins, chacun avec ses problèmes à régler, pour mieux illustrer la mosaïque de personnalités qui s'engagent sur le chemin. L'histoire est simple et sobre : un médecin ophtalmo perd son fils sur le chemin de Saint-Jacques, il décide alors de prendre sa suite et de faire le trajet à pied depuis Saint-Jean-Pied-de-Port. Il ira de rencontres en rencontres, et finira pas se forger de belles amitiés avec des gens tout aussi désemparés que lui. On ne prend jamais Le Chemin par hasard dit l'un des marcheurs. Et cela semble vrai, tant chacun d'entre eux tient à vivre une rédemption et se sent appelé à changer de vie, chacun à sa manière. Emilio Estevez évite les clichés des longs métrages américains qui se veulent européens : son héros principal, joué par l'excellent Martin Sheen, est américain dans le film, et se prend quelques réflexions bien senties. Estevez adopte un point de vue universel, les autres protagonistes étant Néerlandais, Canadienne et Irlandais. Nous n'avons donc pas le droit à l'américain qui débarque pour conquérir l'Espagne, non, ici Martin Sheen joue seulement un père qui cherche à comprendre les derniers actes de son fils, rien de plus. Ce qui réserve des passages fort émouvants sur le lien filial et la paternité. Et chose encore plus incroyable, Emilio Estevez parvient à retranscrire l'esprit de la route de Saint-Jacques, ce mélange d'aventure, de spiritualité (sans verser dans le prosélytisme : chacun a sa vision bien à lui du divin), de galère et d'amitié. Le plus important n'est pas tant l'arrivée à Saint-Jacques que le parcours vécu ensemble, voilà ce que semble nous dire Estevez, et qui reste valable pour tout voyage digne de ce nom. Emilio Estevez réussit son tour de force en n'épuisant pas un sujet vaste comme le ciel, mais en lui donnant un visage humain, et mieux encore, en nous donnant envie, à notre tour, de prendre la route à la suite de ses personnages. Que demander de plus ?

[3/4]

lundi 29 décembre 2014

« Ressusciter » de Christian Bobin (2001)

    Quelques mots sur Christian Bobin. Christian Bobin est un chercheur d'or, capable de trouver le métal le plus fin et le plus pur dans le cours tumultueux de la vie. Les aphorismes de Christian Bobin sont comme des touches de couleur aux nuances infimes, tantôt teintées de lumières, tantôt baignées par une ombre douceâtre. Leur éclat varie au gré des mots : elles sont souvent d'une joie parfaite, parfois d'une douleur sourde, mais jamais désemparée, toujours belles : simples et belles. Le vers libre (et plus généralement l'art) de Christian Bobin confirme que la poésie n'est pas qu'affaire de forme, je dirais même qu'elle est davantage affaire de sens, versée dans la forme des mots et leur agencement. Ce qui réjouit l'âme, dans la poésie de Christian Bobin, c'est la rencontre des images convoquées, c'est l'infini perçu dans le trois fois rien, c'est la richesse de la vie perçue dans la pauvreté de nos existences d'êtres humains. M. Bobin est capable de se réjouir de tout : c'est la marque des gens simples, d'une noble simplicité, qui sait que la vie ne réside pas dans l'argent ou les honneurs, mais dans l'amour et l'amitié. Et de fait, M. Bobin est un grand écrivain : il est un fin moraliste, mais pas un moraliste aride et aigre du XVIIIème siècle, car c'est aussi un merveilleux poète. Réjouissons-nous de cette conjonction de talents, qui nous offre de belles et longues méditations à partir de petits textes, et un beau moment de lecture grâce à cet art si consommé avec lequel il manie le Verbe.

    A présent, quelques mots sur son recueil « Ressusciter ». C'est un authentique chef d’œuvre de la littérature, un instantané de ce qui s'est écrit de mieux en ce début de XXIème siècle. Rares sont les ouvrages capables de délivrer avec autant de précision et de délicatesse le parfum si particulier de la vie véritable, celle des rencontres humaines et de l'émerveillement face à l'humanité et la nature. Bien sûr, cet émerveillement n'est pas béat et encore moins dupe : M. Bobin sait dépeindre les lâchetés d'autant mieux qu'elles blessent la sensibilité aiguë de son cœur d'homme. Pour autant, rares sont les livres à m'avoir touché à ce point, ce qui est d'autant plus étonnant au vu de la forme on ne peut plus modeste de l'ouvrage : quelques phrases couchées ici et là au creux de pages d'un blanc immaculé, aussi pures que sa poésie. Je me suis même pris à retrouver des souvenirs perdus de mon enfance et de mon adolescence, et autant le dire tout de suite, c'étaient de merveilleux souvenirs. Car oui, je n'ai pas peur de le dire : Christian Bobin réveille ce qu'il y a de meilleur en nous. Et pour cela, merci.

[4/4]