samedi 4 juin 2016

« Le Roi lion » (The Lion King) de Roger Allers et Rob Minkoff (1994)

    Grosse déception que ce « Roi lion ». Ne l'ayant jamais vu en entier jusqu'alors, n'en connaissant que quelques passages « cultes » il est vrai, je m'attendais à quelque chose de plus abouti et d'une qualité supérieure vu l'engouement dont bénéficie ce long métrage. Hélas, hormis quelques passages choisis, ce film a mal traversé les années, et pourtant c'est un Disney plutôt récent... Tout d'abord que de niaiseries ! Certains Disney en sont quelque peu imprégnés, là ça déborde de partout ! En outre, difficile de s'attacher à Simba, ce lionceau tantôt sûr de lui à l'excès, tantôt pleurnichard, souvent insupportable… Et puis l'animation est assez déplorable… Pour le coup, le mauvais goût est souvent de mise, et franchement on ne peut pas dire que ce film soit des plus audacieux ou des plus originaux. Je sais qu'il est grandement inspiré d'une œuvre de Tezuka, « Le Roi Léo », mais n'ayant pas vu ce dessin animé, je m'arrêterai là dans la comparaison. Pour ce qui est du film de Disney, je ne retiens que deux ou trois chansons, les plus connues, et quelques personnages secondaires, Zazu en tête. Après il est vrai que certains passages tragiques sont forts et émouvants. Mais ils sont rares, et dans l'ensemble j'ai eu du mal à m'attacher aux personnages, bien trop fades pour la plupart. Même le méchant, Scar, a un visuel et un caractère qui le rendent presque ridicule, en tout cas guère menaçant. Pour moi, il s'agit donc d'un long métrage réservé aux enfants, qui peine à dépasser le stade de simple dessin animé. Oui je comprends son succès, mais je peine à croire qu'on puisse l'inclure dans un quelconque renouveau, ou Second Age d'Or des studios Disney… On est très très loin de la qualité des grandes productions Disney des années 40, 50 et 60.

[2/4]

« Le Livre de la jungle » (The Jungle Book) de Wolfgang Reitherman (1967)

    « Le Livre de la jungle » bénéficie auprès de moi d'un immense capital de sympathie. Il fait partie de ces longs métrages Disney… pas si longs que ça, mais tellement riches en séquences inoubliables, que l'on en conserve un souvenir attendri. Tous les personnages sont attachants, Baloo, Kaa et le Roi Louie en tête, notamment lors de chansons géniales. Qui ne connaît pas « Il en faut peu pour être heureux », et n'a jamais entonné ce refrain ? Moins connue, la chanson du roi des singes vaut également son pesant de cacahuètes, surtout dans la version originale chantée par Louis Prima, jazzman de talent. Et la deuxième chanson de Kaa : « Aie confiance », est excellente elle aussi. D'ailleurs ces personnages sont particulièrement bien trouvés et esquissés psychologiquement comme physiquement. Kaa, par exemple, claque de la mâchoire quand il croise Mowgli, peinant à cacher sa faim de prédateur. Ainsi, on trouve plein de petits détails savoureux en y prêtant attention. Et vraiment, ces trois personnages font tout le sel du film. Après, d'autres personnages ont aussi leur intérêt, Hathi par exemple, bien que les séquences des éléphants soient d'un humour parfois… « pachydermique ». Malgré tout on rit de bon cœur, et on comprend que Mowgli ne veuille pas quitter une jungle habitée par de si bons camarades. A propos, parlons de Mowgli : parfaitement animé, il manque un peu de saveur. Il est comme un témoin qui traverse les séquences sans trop savoir que faire, livré à l'exubérance des personnages qu'il croise sur son chemin. Ce qui n'est pas incohérent, mais peine à nous intéresser à son sort. Pour compléter les quelques critiques que j'aurais à émettre, je trouve que la séquence finale avec Shere Khan manque d'intensité par rapport à mon souvenir : c'est tout ? Difficile de comprendre pourquoi tout le monde le craint… Et enfin, je n'ai pas compris pourquoi une séquence était copiée collée plus loin dans le film : celle où Kaa se prend la queue dans une sorte de bambou. La première fois, elle fait rire aux éclats, la seconde fois elle laisse de marbre et déçoit : quoi, Disney en arrive même a réutiliser de façon évidente une séquence précédente… Le studio n'avait-il pas les moyens ou l'imagination pour faire autrement ? Passées ces quelques réserves, je reste sur une bonne impression : « Le Livre de la jungle » a traversé le temps sans trop en souffrir, et outre son statut de « classique » indéniable, il mérite selon moi le statut de film « culte », expression que j'utilise pourtant rarement.

[4/4]

« Les Aristochats » (The Aristocats) de Wolfgang Reitherman (1970)

    « Les Aristochats » est un long métrage savoureux, qui fait la part belle à un Paris des années 1910 à jamais perdu. J'apprécie particulièrement l'animation, qui y atteint des sommets, avec un style semi crayonné qui fait des merveilles. Animaux ou humains, tous sont animés avec talent, lors de séquences mémorables. D'ailleurs, nombreuses sont les scènes qui me semblaient familières, alors que je n'avais plus vu ce film depuis mon enfance. Les animaux sont attachants, et ce film bénéficie d'une atmosphère particulière, mi surannée mi jazzy, des plus savoureuses. En effet, les chansons, distillées avec parcimonie, sont fort sympathiques, et l'humour est même parfois excellent. Indéniablement, « Les Aristochats » mérite sont titre de « classique » Disney. Toutefois j'émettrais quelques réserves : plusieurs passages sont assez niais, et les personnages animaux principaux sont parfois agaçants, même si on leur pardonne aussitôt leur préciosité lors de la séquence d'après, tellement ils sont mignons (mention spéciale à la petite souris détective, à croquer !). Ce qui fait que ce long métrage reste surtout destiné aux enfants, même si les adultes auront sûrement du mal à ne pas s'attendrir devant un dessin animé que la plupart ont connu enfants, et qui conserve malgré tout de beaux restes.

[3/4]

mercredi 18 mai 2016

« Zootopie » (Zootopia) de Byron Howard et Rich Moore (2016)

    Incroyable ce sursaut créatif de Disney et Pixar, que l'on n'attendait plus ! Après le très réussi « Vice-Versa », le studio Disney, ici faisant cavalier seul, nous sort une véritable pépite avec « Zootopie ». Tout comme pour « Vice-Versa », les créateurs du film ont choisi de traiter un sujet adulte et profond, non plus les émotions et l'apprentissage de la vie, mais les différences humaines et sociales, cette fois par le biais d'animaux anthropomorphes. Dans un monde dénué d'humains où proies et prédateurs essaient de cohabiter, la ville de Zootopie, mégalopole démesurée, fait figure d'exemple et de symbole. Toutes les espèces animales y vivent dans une relative harmonie. Judy Hopps, lapine ambitieuse et un brin naïve, ambitionne de devenir flic dans cette ville... alors que jamais un si petit animal n'a tenté un tel métier. Étant la risée de tous, elle parvient tout de même à réaliser son rêve, et à rejoindre le commissariat de police du centre-ville de Zootopie. Mais là elle déchante devant une réalité bien plus contrastée que ce qu'elle pensait. Malgré tout de fil en aiguille, elle se met à la recherche d'une loutre qui a disparu, comme d'autres mammifères, dans des conditions mystérieuses. Le récit prend alors un tour plus inquiétant, et devient une sorte de fable philosophique sur le bien et le mal, la force et la faiblesse, avec une grande subtilité. Ce qui frappe d'emblée dès les débuts du long métrage, c'est une liberté de ton, une fraicheur, une originalité qu'on croyait perdues à jamais chez la firme américaine. Nul doute que Pixar a apporté une bouffée d'air frais, en témoigne la présence de John Lasseter au générique. Mais alors que Disney nous ressort des Avengers 5 ou des Star Wars 8, et même des Toy Story 4, nous avons ici affaire à une véritable création originale, et ça fait un bien fou ! Surtout que le film est baigné par un humour fin et omniprésent, ce qui rend la séance particulièrement agréable, car on réfléchit en s'amusant. Disney ose s'aventurer hors du cadre, et traiter des sujets tels que le rapport à l'autre et à l'étranger, ce qui n'est pas rien en ces temps où les extrémistes de tous poils progressent partout dans le monde. Vraiment je tire mon chapeau à l'équipe qui a fait naître « Zootopie », une sacrée réussite qui dépasse largement le cercle restreint de l'animation, comme tous les grands dessins animés dignes de ce nom.

[3/4]

dimanche 8 mai 2016

« Wadjda » de Haifaa al-Mansour (2013)

    « Wadjda » est le parfait témoignage de la situation des femmes au Moyen-Orient, plus précisément en Arabie Saoudite. Et pour cause, il a été réalisé par une femme, Haifaa al-Mansour, qui fait figure de pionnière du cinéma dans son pays (cf. les conditions de tournage de ce film). A partir d'une histoire simple, une sorte de fable à la Kiarostami, ce long métrage dresse un portrait sans concession de la société saoudienne, de son hypocrisie et de son caractère funeste, pour les femmes mais aussi pour les hommes ! Wadjda est une petite fille turbulente. Se moquant des règles imposées par le clergé et ses relais complaisants dans tous les établissements (ici la directrice et les professeurs de son école), elle n'hésite pas à jouer avec un garçon, ne porte pas le voile quand ça l'embête, et surtout… elle veut un vélo pour faire la course avec son ami Abdallah ! Or, le vélo est interdit pour les femmes en Arabie Saoudite. Toutes sortes de sottises courent à ce sujet, toutes plus invraisemblables les une que les autres… Mais c'est non, les parents de Wadjda ne veulent pas qu'elle ait un vélo, ce serait la honte assurée auprès de leurs proches et de leurs voisins. Lorsqu'un jour, un concours de récitation du Coran est organisé à l'école de Wadjda, avec à la clé un joli pactole à gagner. Quelle meilleure occasion pour s'acheter un vélo ? Ni une ni deux, Wadjda se met à apprendre le Coran par cœur, un comble pour cette petite fille qui visiblement n'a que faire de la religion et surtout de son carcan de règles sociales incompréhensibles pour un enfant… A ce stade, il est clair que mettre en scène une jeune fille intelligente et quelque peu rebelle, le tout avec humour et bienveillance, fait de ce long métrage une œuvre brillante, dénonçant avec force et douceur à la fois le wahhabisme. Mais « Wadjda » ne s'arrête pas là. Car l'autre personnage principal de ce film est la mère de Wadjda. Délaissée par un mari absent, qui préfère jouer à la console quand il rentre chez lui, elle personnifie un autre aspect de la vie des femmes dans ce pays. En effet, on comprend peu à peu qu'un drame intime se noue autour d'elle, et la chute qui rassemble Wadjda et sa mère dans une belle image donne au long métrage une dimension tout autre. De fable sociale, il devient un drame déchirant, non pas larmoyant (les personnages ici ont une dignité qui force le respect) mais un drame subtil, terriblement subtil. En somme, « Wadjda » constitue une charge contre la sclérose de la société saoudienne. Qu'un tel film ait pu voir le jour en ces temps difficiles, et qu'il ait pu venir jusqu'à nous, constitue un vrai miracle. Surtout quand on se rend compte de la qualité de ce film, qui se suffit à lui seul, loin d'être un « film à thèse ». Un grand bravo à sa réalisatrice et à son équipe de comédiens ! Voilà un film qui aurait dû recevoir la Palme d'Or… mais le jury n'avait manifestement pas suffisamment de cran...

[3/4]

jeudi 5 mai 2016

« Le train sifflera trois fois » (High Noon) de Fred Zinnemann (1952)

    « High Noon » est un western crépusculaire, serti dans un noir et blanc tout aussi ténébreux. Tout entier dirigé vers un affrontement final qu'on sait irrépressible, il parvient à nous tenir en haleine toute la durée du long métrage, dans une tension sourde et terrible. Le pitch est simple : le shérif vieillissant Will Kane (magistral Gary Cooper) part à la retraite le jour de son mariage, mais au moment où il quitte sa ville, il apprend que son ennemi juré, un bandit qu'il a jeté en prison, revient en ville, libéré par des juges complaisants, et ce pour se venger. Kane rebrousse chemin, et décide de faire face au terrible Frank Miller, qui est censé revenir par le train de midi. Kane s'efforce alors de monter une équipe de pistoleros pour faire face à Miller et ses sbires. Mais c'est là que le film prend toute sa dimension tragique : Kane a toutes les peines du monde à recruter des hommes prêts à se battre à ses côtés, pour lui en somme. C'est là également que le titre originel, « High Noon », prend tout son sens : plein midi, mais aussi et surtout... l'heure de vérité. Kane devra-t-il affronter seul Miller et ses trois acolytes ? Un à un Kane essaie de convaincre les habitants de la ville, mais il essuie refus sur refus, le renoncement des habitants qui lui doivent tant ressemble alors à un coup de poignard dans le dos, et nous assistons impuissants à la descente aux enfers de Will Kane, non sans rappeler un autre très grand rôle de Gary Cooper : « L'Extravagant Mr. Deeds », signé Capra. A vrai dire j'ai été étonné par la qualité et la force de ce film. Cooper porte le long métrage sur ses épaules avec un aplomb extraordinaire, et le pitch minimaliste sert de prétexte à dépeindre la nature humaine avec un tel brio qu'on ne voit pas le temps passer. Je craignais que le long métrage se limite à cet affrontement final, dans une linéarité rachitique, mais la richesse des personnages et de la mise en scène m'ont détrompé. A la fois génial film de genre et film universel, « High Noon » vaut largement le coup d’œil !

[4/4]

« Ratatouille » de Brad Bird (2007)

    Comment rester de marbre face à cette déclaration d'amour à Paris, à la France et à sa gastronomie ? Le studio Pixar signe là l'un de ses tous meilleurs longs métrages, mixant aventure, humour et romance avec un (gros) soupçon d'originalité et de fraicheur qui font du bien. Il fallait oser : réaliser un film ne parlant que de cuisine (ou presque), surtout quand on sait que les Etats-Unis sont la mère patrie de la malbouffe ! Pour autant, Brad Bird et son équipe réussissent à nous faire partager ce goût pour la bonne chair qui fait la renommée de notre pays, ce goût pour la confection de bons petits plats, et accessoirement pour la « haute cuisine ». Et qui plus est, il met en scène des personnages fort sympathiques, au premier rang desquels Rémy, petit rat apprenti cuisinier de son état, et maître dans l'art de marier les saveurs. Les clins d’œil à un Paris fantasmé sont légions et ne sont pas pour me déplaire. De plus, certaines trouvailles visuelles méritent des applaudissements (la maison d'Anton Ego). Et surtout, ce qui fait la force de ce long métrage, c'est sa cohérence, son atmosphère, son absence (ou quasi-absence) de fautes de goût qui le font lorgner du côté des grands classiques Disney (si si !). Je reste par contre plus circonspect sur le visuel des êtres humains, le principal défaut des dessins animés de synthèse (signés Pixar ou non d'ailleurs). Pour autant, on rit beaucoup, on est attendri par notre héros rongeur, et on se passionne pour sa quête improbable : devenir un vrai cuisinier, au même titre qu'un homme. Comme souvent chez les Américains et le studio Disney, « Ratatouille » a sa petite morale. Mais je dois dire qu'elle fait mouche : « tout le monde peut cuisiner », nous dit le grand chef Gusteau. C'est vrai, les bons plats de sa mère valent bien tout l'or du monde, et les menus des plus grands cuisiniers. Brad Bird l'illustre d'ailleurs par une très belle séquence. Bref, en ces temps de merchandising acharné, de « Captain America » ou « Avengers » 3, 4, 5, 10, dans cette ambiance artistique frileuse où la création est aux abonnés absents, dans un paysage cinématographique aux mains de financiers sans âme, un film comme « Ratatouille » détonne... et réjouit le cœur !

[3/4]

dimanche 24 avril 2016

« Vice-Versa » (Inside Out) de Pete Docter et Ronnie del Carmen (2015)

    « Vice-Versa » est peut-être le meilleur Pixar que j'aie vu à ce jour, par la richesse de son propos et l'inventivité permanente dont il fait preuve. Disney avait son « Alice au Pays des Merveilles », Ghibli avait son « Voyage de Chihiro », Pixar a désormais son « Vice-Versa ». Depuis plusieurs années, le studio américain était proche de jouer dans la cour des grands, sans toutefois y parvenir complètement, la faute à un certain académisme, malgré d'évidents signes d'originalité et d'irrévérence. Ici, l'humour fait toujours mouche, les situations improbables s'enchaînent, et surtout le traitement du sujet est très intelligent. Nous sommes en effet plongés au cœur du cerveau de la jeune héroïne, Riley, où siègent ses 5 émotions personnifiées : Joie, Tristesse, Dégoût, Colère et Peur. Ces 5 personnages ont tous leur caractère inhérent à leur nature émotive, mais si Joie mène indéniablement la troupe, on apprend peu à peu que toutes ces émotions ont leur importance. A ce titre, « Vice-Versa » est un film initiatique, un récit d'apprentissage. Riley va grandir, changer au gré de ses expériences, tout comme ses émotions, qui vont elles-aussi évoluer. Les niveaux de lecture sont donc nombreux, mais par dessus tout, c'est le visuel qui réserve des moments assez exceptionnels. Le passage dans l'incinérateur vaut à ce titre son pesant de cacahuètes ! De plus, on ne s'ennuie pas une seconde, et mieux encore, on est passionné par une histoire qui aurait pu n'être qu'un banal et laborieux exposé scientifique. Le suspense est même parfois intenable ! Très clairement, « Vice-Versa » est donc un dessin animé de grande qualité, qui fera date ne serait-ce que dans l'histoire de l'animation occidentale. Maintenant, je ne peux m'empêcher d'émettre quelques réserves, notamment sur un plan visuel : si le studio Pixar est passé maître dans l'art d'animer des personnages humanoïdes ou des décors luxuriants, il manque tout de même à leurs personnages humains un semblant de chair et d'âme. Surtout pour ce qui est de leur visage et de l'animation de leurs mouvements. Là, Ghibli demeure la référence indétrônable en la matière… Toutefois, mis à part ces quelques défauts, nous avons bien affaire là à une œuvre majeure, preuve que l'animation est capable de dépasser la qualité et l'intérêt de bien des films en prises de vue réelles. Un long métrage à ne pas manquer !

[3/4]

« The Social Network » de David Fincher (2010)

   « The Social Network » n'est pas un grand film. Par contre c'est un long métrage très intéressant, car il met en scène un acteur incontournable de notre monde contemporain : Mark Zuckerberg, créateur et PDG actuel de Facebook. Ce film raconte en effet la genèse du réseau social tentaculaire que nous connaissons tous, ne serait-ce que de nom. Nous apprenons ainsi – mais beaucoup d'entre nous s'en doutaient – qu'à l'origine de Facebook se trouve un vrai connard (n'ayons pas peur des mots). Oui, Mark Zuckerberg est un mufle, un « nerd » froid et sans états d'âme, qui est prêt à divulguer la vie intime de ses proches (ou moins proches) pour acquérir notoriété, puissance et surtout être aimé, même s'il n'en perçoit pas toute l'artificialité. Obsédé à l'idée de rentrer dans l'un des cercles étudiants de la prestigieuse université d'Harvard, dont il est à l'époque étudiant, Zuckerberg décide de créer son propre cercle, et il fait en sorte que ceux qui n'en font pas partie meurent d'envie de le rejoindre. Peu à peu le cercle s'agrandit, et Zuckerberg devient le milliardaire que l'on connaît. La force de ce long métrage signé David Fincher ne réside pas dans l'originalité de sa forme ni dans la sophistication d'une mise en scène tout ce qu'il y a de plus discrète (étonnant pour un film de Fincher). Non, tout son intérêt réside dans la peinture de ce monde de dupes et de frustrés qu'est le temps des études, surtout dans les établissements prestigieux. La vacuité des cercles (équivalent de certaines associations estudiantines de nos grandes écoles françaises) et leur bêtise insondable ne sont pas masquées. Et Fincher réalise une critique de plus du mode de vie occidental (qui n'est pas qu'Américain tant il s'exporte chez nous). Car Zuckerberg exploite cette soif de l'entre-soi, ce voyeurisme latent chez chacun de nous, ce goût pour le commérage et le besoin de reconnaissance sociale. Oui, Facebook flatte nos plus bas instincts car il a été pensé par un asocial frustré, un comble pour ce temple de la « sociabilité » (factice). Morale de l'histoire : mieux vaut être en dehors de Facebook qu'au dedans…

[3/4]

dimanche 10 avril 2016

« L'Extravagant Mr. Deeds » (Mr. Deeds Goes to Town) de Frank Capra (1936)

    Quel film ! « L'Extravagant Mr. Deeds » fait partie des plus grandes réussites de Frank Capra et plus simplement du cinéma de la première moitié du XXème siècle. Capra nous conte les déboires de Longfellow Deeds, un jeune homme solidement bâti, tout droit sorti de sa campagne, et qui hérite de la coquette somme de 20 millions de dollars (de l'époque) à la mort d'un oncle inconnu. Cet homme naïf, simple, franc, va quitter son village natal pour New York, et dans cette ville totalement inconnue pour lui, il va se voir entouré par des vautours de la pire espèce : avocats véreux, journalistes de caniveau, célébrités défraichies… Tous veulent sa perte. Et c'est là que le film prend une autre dimension, lorsqu'il nous dépeint la descente aux enfers de Deeds, bafoué, humilié, crucifié par ces gens avides. Sonné par l'hypocrisie de ceux qui l'entourent, par leur méchanceté, Deeds sombre dans le mutisme, et se voit même acculé par un procès, sous motif qu'il serait fou. Lui l'homme joyeux, généreux, spontané, a le défaut d'être entier, d'être un vivant au milieu des morts, ce qui semble intolérable pour certaines personnes. S'ensuit alors le défilé des accusations. Tout, et tous semblent l'accabler. Je ne vous en dirai pas plus sur le dénouement de l'histoire. Par ce film haletant, tant on s'identifie à ce pauvre Deeds, Capra représente le procès de l'honnêteté et de la bonté par la malveillance. Si Deeds peut sembler niais, n'est-il pas tout simplement humain ? Car faillible, imparfait, comme nous tous. Et c'est de ses failles, du revers de ses qualités, que veulent profiter les autres. Mais ces autres c'est aussi nous, face à l'ingénuité, à la faiblesse. Capra est friand de ces fables sociales, à l'image de « La Vie est belle » ou « Vous ne l'emporterez pas avec vous » (au titre éloquent). A travers ses films, il ne cesse d'interroger l'avidité des Américains de son temps et leur rapport à l'argent. Comme pour dire que l'argent corrompt tout s'il n'est pas utilisé à bon escient. Que l'essentiel n'est pas là, qu'il réside dans la foi en l'homme. En somme que la seule chose qui nous reste à la fin, c'est notre irréductible et si précieuse humanité.

[4/4]