jeudi 18 mai 2017

« Vacances romaines » (Roman Holiday) de William Wyler (1953)

    Un grand classique de la comédie romantique, qui doit tout à ses deux acteurs principaux, et notamment à la charmante Audrey Hepburn dans son premier grand rôle. Tout respire la joie de vivre et la fantaisie dans ce long métrage, avec en arrière plan une ville de Rome magnifiée par un noir et blanc et des cadrages de toute beauté. Tout concourt à en faire un film rafraichissant au possible, de la mise en scène sobre mais intelligente au scénario inventif, bien qu'il s'ancre dans les codes du genre. Mais l'âme de ce long métrage réside avant tout dans la jeune Audrey, avec un rôle qui semble taillé sur mesure pour elle. Effrontée, capricieuse mais aussi généreuse et amusante, rien ni personne ne lui résiste. Tous les ingrédients de la comédie romantique sont réunis, et si Capra a refusé de réaliser ce film, difficile de ne pas penser à l'une de ses œuvres, mètre-étalon du genre : « New York-Miami ». On retrouve le même état de grâce, avec en prime une complicité évidente entre Audrey Hepburn et Gregory Peck. Ce dernier n'est d'ailleurs pas en reste et joue à merveille le type faussement indifférent au charme de la demoiselle quelque peu délurée. Pas besoin d'en dire plus, ce film léger, fragile et euphorisant à la fois devrait vous faire fondre vous aussi !

[4/4]

samedi 13 mai 2017

« Taipei Story » (Qīngméi Zhúmǎ) de Edward Yang (1985)

    « Taipei Story » est un film davantage sociologique qu’à haute teneur artistique. Non pas qu’Edward Yang délaisse ici toute mise en scène. La qualité de la photographie, des cadrages, de l’ambiance, ne laisse aucun doute : ce long métrage est construit, finement poli, ouvragé. Mais Yang ne met pas l’accent sur l’esthétique, qui sert le propos et demeure assez convenue. Il ne met pas non plus l’accent sur un message particulier, « Taipei Story » est plutôt un film vaporeux, lent, qui dépeint le Taipei des années 80 par petites touches, que ce soit par des plans extérieurs de la vie urbaine ou par des personnages paumés et désabusés. A ce titre on a du mal à s’identifier à eux et à leurs choix pour le moins déconcertants. Mais là n’est sans doute pas le but d’Edward Yang. Ses personnages sont très réalistes, voire naturalistes. Des jeunes gens à l’avenir incertain et qui tentent de surnager dans un entre deux : une demie misère sociale et sentimentale, avec cependant dans les deux cas de quoi vivre (ou survivre). Rien de vraiment tranché. Les personnages hésitent : à s’engager, à partir vers les États-Unis et un monde qu’ils espèrent meilleur, à s’aimer… Hou Hsiao-Hsien est l’un des acteurs principaux de ce long métrage, et il se débrouille très bien. C’est aussi l’un des scénaristes, aux côtés d’Edward Yang, et on reconnaît sa patte : « Taipei Story » tient plus du constat, de la photographie d’une situation donnée. C’est sa force et sa faiblesse. Les scénaristes ne jugent pas les personnages. Mais ils en restent comme à la surface. Pas de recul, pas d’approfondissement de leur mal-être. Dès lors, comment ne pas y voir un simple objet visuel, à l’image de « Millenium Mambo » de Hou Hsiao-Hsien, qui poussera encore plus loin le truisme cinématographique ultra esthétisé ? Dommage que « Taipei Story » n’ait pas davantage de corps et d’intérêt… Quand on sait qu’Edward Yang a été capable de nous offrir la petite merveille qu’est « Yi Yi », on ne peut qu’être déçu par ce long métrage quelque peu brouillon. Un Yang mineur.

[2/4]

vendredi 12 mai 2017

« Colonel Blimp » (The Life and Death of Colonel Blimp) de Michael Powell et Emeric Pressburger (1943)

    J’ai dû m’y reprendre à plusieurs reprises pour venir à bout de ce film. Je l’ai regardé en quatre fois, et je comprends ceux qui n’ont pas été séduits par ce long métrage, qui semble durer plus longtemps qu’en réalité. Et pour cause, Powell et Pressburger refusent toute dramaturgie excessive : pas de suspense, pas de surprise, pas d’action véritable. Tout est subtil, et l’ellipse est souvent de mise. En réalité, les deux cinéastes se concentrent sur la vie de notre héros et plus encore sur ses sentiments. L’éponyme Colonel Blimp est à la base une caricature, une sorte de vieille baderne à moustaches de l’armée britannique. Mais par leur talent, Powell et Pressburger en font un hymne au sens de l’honneur et au flegme britanniques, loin du prosélytisme qu’on serait en droit d’attendre de ce film originellement réalisé à des fins de propagande. En effet, le major-général Wynne-Candy, ridiculisé au début de l’histoire, se révèle profondément touchant quand on en apprend davantage sur son histoire. Son histoire se mêle d’ailleurs à la grande Histoire du Royaume-Uni et des guerres qu’il a menées au XXème siècle, de la guerre des Boers, en passant par le Première puis la Seconde Guerre Mondiale. En parallèle, on assiste à l’amitié de Wynne-Candy pour un soldat allemand du nom de Kretschmar-Schuldorff, cet amitié se révélant indéfectible malgré les évènements fâcheux qui opposent leurs deux pays. Et pour finir, Deborah Kerr illumine de sa présence le long métrage, en jouant trois rôles séparés dans le temps, incarnant une femme mystérieuse, au charme envoûtant et au cœur d’une histoire d’amour ratée, qui rend définitivement ce film et ses personnages terriblement attachants. Beaucoup de finesse et de nostalgie dans ce long métrage qui à mon sens reste l’un des tous meilleurs réalisés outre-Manche. J’avoue ne pas avoir été vraiment sensible au charme suranné du « Narcisse Noir », mais pour le coup j’ai été emporté par cette histoire au souffle fragile et délicat. Un très beau film, au Technicolor flamboyant, à voir jusqu’au bout pour en saisir toute la subtilité et la profondeur.

[4/4]

dimanche 23 avril 2017

« Jules César » (Julius Caesar) de Joseph L. Mankiewicz (1953)

    Difficile de ne pas comparer ce « Jules César », adapté de Shakespeare, au fameux « Cléopâtre » du même réalisateur : ils sont comme les deux faces d’une même pièce. Le premier en noir et blanc, sobre, statique, le second en couleur, démesuré, chatoyant. Et je dois dire que c’est le second qui m’a le plus marqué. « Jules César », donc, est un modèle d’épure, mais à tel point qu’on frise l’ennui. Dans des décors ascétiques qui font très artificiel, les acteurs déclament leur texte, raides comme des piquets, sur un ton théâtral, et l’action est on ne peut plus distillée au compte-gouttes. En fait, il ne se passe rien à l’écran – si l’on peut dire – car l’action est hors champ. On ne sait rien des combats qui se trament dans l’arène, on observe les conspirateurs chuchoter dans les couloirs de l’amphithéâtre. On ne voit rien de l’ultime bataille, seulement les soldats meurtris à la fin, sur un champ de bataille dévasté. La seule scène d’action du film, et c’est peut-être là sa force, est celle que l’on attend dès le début, en la redoutant : l’assassinat de César. Et je dois dire qu’on atteint là un sommet de dramaturgie. A la différence de la série « Rome » complètement boursoufflée et vide à la fois, l’action, quand elle est représentée, est un modèle de suggestion et de retenue. Pas de César qui convulse de manière ridicule, un filet de bave à la bouche, sous les coups de couteaux des sénateurs. Mais quelque chose qui fait bien plus mal qu’une lame : la trahison d’un Brutus bien plus complexe que dans « Rome », encore une fois. Tout se joue dans un jeu de regard et des mots échangés. Voilà l’un des grands moments de ce film. L’autre morceau de bravoure revient à Marlon Brando, sous les traits d’un Marc-Antoine fiévreux : son discours à la population, en mémoire de César, est extraordinaire. Une fois de plus Brando crève l’écran, et sa déclamation vengeresse reste inoubliable. Dommage que tout le long métrage ne soit pas de cet acabit… Pour autant je préfère mille fois un tel film qu’une série comme « Rome » : comme quoi il n’y a pas besoin de faire étalage de sexe et de violence pour dépeindre une époque trouble, et plus encore pour maintenir le spectateur intéressé. Je peux dire que j’ai été plus impressionné par le Marc-Antoine de ce « Jules César » que par toute la saison 1 de « Rome ». Les Américains ont oublié leur passé cinématographique glorieux et préfèrent se complaire dans la médiocrité… C’est bien dommage. Pour l’heure, j’invite tous les amateurs d’histoire antique à se jeter sur ce long métrage. Il faut certes s’armer de patience pour en venir à bout, mais votre attente sera récompensée.

[3/4]