samedi 10 février 2018

La Vie rêvée de Walter Mitty (The Secret Life of Walter Mitty) de Ben Stiller (2013)

    « La Vie rêvée de Walter Mitty » est un film sympathique, dans l'air du temps en ce qu'il questionne sur le sens de la vie, à travers le récit de l'existence morne et solitaire du héros éponyme, employé au service négatifs du magazine Life. Le magazine en question prône le dépassement de soi, la découverte de nouveaux horizons, une vie vraiment vécue... celle de Walter Mitty est à l'exact opposé : il n'est personne, et la restructuration du magazine n'arrange pas les choses. En effet, une nouvelle équipe arrive aux manettes, notamment un petit chef détestable au possible. Mais Walter a pour particularité d'être un rêveur très imaginatif, et nous assistons à ses rêves éveillés avec bonheur, surtout lorsqu'il s'agit de remettre le chefaillon en question à sa place.

Toutefois, la vie de Walter Mitty semble être condamnée à la vexation et à la frustration... lorsqu'un évènement va tout bouleverser. Sean O'Connell, un reporter star, lui envoie une série de photographies, dont l'une d'entre elles, particulièrement réussie, doit faire la une du dernier numéro papier du magazine, avant qu'il ne devienne exclusivement numérique. Problème : Walter a bien reçu la pellicule, il manque juste une photo... justement celle qui doit faire la couverture ! Or la pression est immense : le nouveau management tient à faire de ce dernier numéro papier un moment exceptionnel, ce doit être l'aboutissement de leur démarche, la réussite du magazine numérique à venir y est directement liée. Mais rien n'y fait, la photo est introuvable...

Walter décide alors de partir à la recherche d'O'Connell, fameux baroudeur qui l'emmènera à sa suite aux quatre coins du monde. L'air de rien, Walter commence alors à mener la vie d'aventures dont il a toujours rêvé. Et l'histoire se finit en beauté, avec une dernière séquence touchante. « La Vie rêvée de Walter Mitty » est ainsi un long métrage cohérent qui réserve même certains passages émouvants, et pose la question de ce qui fait une vie digne de ce nom : que demander de plus ?

Pourtant, devant des qualités certaines, pourquoi ne lui ai-je pas attribué une note plus élevée ? La raison est que du début à la fin, le film baigne dans une sorte de conformisme visuel et scénaristique qui l'empêche de prétendre, à mon sens, au titre de réel chef-d’œuvre, si tant est que ce fut son ambition. La vision de la vie « idéale » qu'il dépeint, faite de voyages façon National Geographic, est presque de l'ordre du cliché et peine à percer derrière la surface de ce qui devient comme une injonction aujourd'hui : si tu n'as pas fait le tour du monde (en parfait touriste la plupart du temps), tu as raté ta vie... Une vision un peu étriquée de l'existence humaine il me semble... Toutefois, je le répète : la fin du film vient lui donner une dimension supplémentaire et enfin cette pincée d'âme qui lui faisait tant défaut tout du long. Et tout compte fait, à défaut de grand film, nous avons affaire ici à un bon long métrage. Je suis tout de même curieux de découvrir la version de 1947, elle-même également tirée de la nouvelle éponyme d'origine !

[3/4]

dimanche 14 janvier 2018

« A Voix Haute : La Force de la parole » de Stéphane de Freitas et Ladj Ly (2017)

    « A Voix Haute » est un excellent documentaire, à la fois sur l’éloquence, sur la force de la parole comme son sous-titre l'indique, mais aussi et surtout sur une bande de jeunes de Seine Saint-Denis, qui malgré les épreuves de leur courte existence se tiennent debout, la tête – et la voix – hautes. Dans une démarche assez classique, le réalisateur nous conte l’itinéraire d’une trentaine de jeunes s’étant inscrits au concours Eloquentia, et bénéficiant d’un accompagnement dans plusieurs domaines pour le préparer et tenter de le gagner. Nous découvrons des jeunes attachants, aux personnalités riches dans leur diversité et aux histoires personnelles qui forcent le respect. Ils sont entourés par des coachs bienveillants, parfois rudes, mais qui les poussent à donner le meilleur d’eux-mêmes. « A Voix Haute » est un film très simple, un documentaire qui délaisse les effets de manche douteux, à la caméra discrète, au service de ces jeunes, pour mieux livrer leur témoignage revigorant. Le long métrage nous fait passer du rire aux larmes le plus simplement du monde, avec beaucoup de franchise et de pudeur. On se met à suivre avec attention leur parcours au sein du concours, et on se prend à espérer qu’ils aillent jusqu’au bout, pour le gagner. Il s’agit d’un bel éloge de la parole et de la jeunesse, une jeunesse non pas centrée sur elle-même, comme on nous la montre trop souvent depuis des décennies, mais une jeunesse qui sort d’elle-même, exprimant la justice et le beau, une jeunesse au service d’idéaux qui la dépassent, et qui se forge au gré du chemin vers la maturité. Vraiment je ne peux que saluer ce film rafraichissant et touchant, réservant un moment de cinéma simple et émouvant, une très belle réussite qui se démarque du paysage audiovisuel français contemporain, plus volontiers tourné vers la médiocrité et l’auto-complaisance que vers la profondeur et l’humanité du propos.

[3/4]