mercredi 19 octobre 2022

« La Machine de Turing » de Benoît Solès (2018)

 

    J'avais un peu entendu parler de cette pièce mais de très loin, sans compter que je suis tout sauf un grand connaisseur du monde du théâtre, donc mes attentes n'étaient pas particulièrement élevées. Étant donné qu'elle se joue actuellement au Théâtre du Palais Royal, où se joue également « Edmond » d'Alexis Michalik, que j'ai vu récemment, je m'attendais à quelque chose du même ordre.

Et en effet, c'est très similaire. Du « boulevard plutôt qualitatif ». Mais du boulevard avant tout. C'est-à-dire des personnages et des dialogues très stéréotypés et caricaturaux. De l'humour bien lourd pour bien faire rire la salle en même temps... Avec, heureusement, une mise en scène qui fait le job. Rien de transcendant, mais la scène et les décors sont utilisés de façon astucieuse. Et une séquence émotion à la fin, touchante, certes, mais un peu forcée...

Avec un ami, on s'étonnait des affiches indiquant que la pièce a gagné 4 Molières, dont celui du Meilleur spectacle Théâtre Privé et d'Auteur francophone vivant ! Si c'est le summum du théâtre privé, il y a de quoi s'inquiéter un peu...

Alors certes, les deux comédiens se démènent, notamment celui qui joue Alan Turing, qui donne vraiment de sa personne et ne s'économise pas pendant la pièce. Je dois dire que même s'il en fait des caisses, j'admire l'énergie qu'il insuffle à son personnage pendant 1h30.

Mais la vie d'Alan Turing me semble plus complexe, plus intéressante et plus subtile que ce qu'en a fait l'auteur de cette pièce, Benoît Solès... Je précise que je n'ai pas vu le film « The Imitation Game », qui me tentait moyennement. Au moins cette pièce m'aura donné envie de le voir, pour en apprendre plus sur Turing et espérer découvrir une œuvre (je l'espère) à la hauteur de sa vie...

[2/4]

samedi 15 octobre 2022

« L’Ange exterminateur » de François Corteggiani et Lele Vianello (2022)

 

    Une belle BD de plus à mettre au crédit de Lele Vianello ! Scénarisée par François Corteggiani (dont je viens d’apprendre le décès récent…), elle est toutefois un peu plus mineure à mon sens que les autres albums édités chez Mosquito de l’ancien assistant d’Hugo Pratt.

Pour une fois, nous avons le droit à un album de Vianello en couleur, ce qui est assez surprenant. Les teintes sont vraiment belles, sans doute en couleurs directes (on voit les traces de crayon papier). Je regrette un peu le noir et blanc prattien... En même temps, les nuances automnales magnifient les paysages canadiens et je suis ravi que Vianello tente autre chose.

Pour ce qui est de l'histoire, elle est solide et nous emmène une fois de plus dans l'Amérique des Amérindiens, au 19e siècle, sujet cher à Pratt et plus largement aux grands auteurs italiens et sud-américains de bande dessinée. Elle est tout de même peut-être un peu trop rapide et prévisible pour m'enthousiasmer pleinement, mais j'apprécie beaucoup le classicisme (dans le bon sens du terme) de l'ensemble.

A ce titre, le personnage principal, le Sergent Keller, est un héros comme je les aime : intègre, rusé... et non dénué d'humour. Pratt ne l'aurait sans doute pas renié, notamment dans sa grande période plus classique, avant sa série phare, même si Keller fait preuve également d'un flegme à la Corto Maltese. En tout cas, on sent que Vianello et Corteggiani ont du métier, c'est vraiment agréable.

Au total, il s'agit d'une bande dessinée réussie. Si elle ne figure pas tout à fait dans ce que ses auteurs ont fait de mieux, elle dispose de suffisamment de qualités pour mériter la lecture. Et elle confirme un peu plus combien Lele Vianello est un des meilleurs auteurs et dessinateurs de bande dessinée d'aujourd'hui. Sans doute l'un des derniers représentants de l'âge d'or du neuvième art...

[3/4]

dimanche 2 octobre 2022

« Fossora » de Björk (2022)

 


    Björk continue sur sa lancée et nous offre une fois encore un album avant-gardiste et audacieux, au risque de nous perdre un peu plus dans les méandres de son inspiration tourmentée... Son refus obstiné de la mélodie depuis au moins 3 albums, sinon depuis « Medúlla », m'a quelque peu tenu à distance de sa carrière au fil des années. « Medúlla » est un de mes albums préférés, et j'ai beaucoup d'estime pour « Volta » et « Biophilia ». Mais aucun des albums suivants n'est parvenu à réellement me convaincre...

A mon sens, elle est allée trop loin, depuis « Vulnicura », dans l'abstraction et la déconstruction de sa musique. Des sons, c'est bien, mais personnellement je préfère des mélodies, même (et surtout) si elles sont sophistiquées. Ici, c'est tellement déstructuré qu'on ne peut se raccrocher à rien, et pire, qu'on prend bien peu de plaisir à écouter cet album. Je note un mieux par rapport au précédent, « Utopia », qu'il faut tout de même que je réécoute. Je me demande même si cette exigence affichée n'est pas aussi un moyen de masquer un manque d'inspiration et de parachèvement de ses derniers essais...

Mais de toute façon, cela fait un moment que j'ai fait le deuil de cette artiste, sa musique n'est plus trop pour moi... J'étais allé la voir en concert à la Seine Musicale cette année, où elle chantait accompagnée d'un orchestre. Les seules chansons que j'ai appréciées... étaient ses grands classiques. Les autres m'ont complètement décontenancé et je comptais les minutes avec impatience...

J'accueille donc « Fossora » avec une indifférence polie, saluant l'exigence de Björk, mais de loin, comme pour quelqu'un avec qui on n'aurait plus grand chose à partager. Ce qui m'attriste, car il y a un peu plus de 10 ans (déjà), elle faisait encore partie de mes 10 ou 15 artistes musicaux préférés…

[2/4]

vendredi 16 septembre 2022

« Adieu les cons » d'Albert Dupontel (2020)

 

    Je découvre Albert Dupontel (en tant que cinéaste, et même acteur je crois) avec ce film. Au vu des critiques que j'ai pu lire ici et là, je ne pense pas que ce soit un long métrage tout à fait représentatif de son style. Je pars donc peut-être avec un biais, mais je me lance.

Je regrette que tout soit aussi schématique et caricatural, esthétiquement comme scénaristiquement. Tout d'abord, les personnages sont à peine esquissés, à grands traits psychologiques et en termes de background, ce qui fait qu'il y a beaucoup d'invraisemblances dans leur actions et réactions, qu'on peine à s'identifier vraiment à eux et à éprouver de l'empathie pour eux... Heureusement que Virginie Efira et Abert Dupontel sont suffisamment talentueux, car il est vrai qu'on s'attache quand même à leurs deux personnages, même s'ils nous laissent vraiment sur notre faim...

Sur la forme, tout est too much, limite grotesque (comme le scénario et les personnages d'ailleurs). Peut-être que c'est le style de Dupontel, personnellement ça m'a un peu sorti du film tout du long... La photographie est assez vulgaire et grossière, très saturée comme chez Jeunet, et Dupontel use d'effets de mise en scène parfois inventifs, mais parfois aussi franchement vieillots et déjà vus, qui n'apportent pas toujours quelque chose...

Pourtant à côté de ces défauts un peu rédhibitoires, ce film possède de réels atouts. Il aborde des thématiques intéressantes, ses deux acteurs principaux sont brillants (Efira et Dupontel), il y a de façon générale un côté touchant, de vraies questions de société sont posées... Et puis il y a un angle d'approche qui est bien vu.

Rien que ce titre, « Adieu les cons », est savoureux et employé à bon escient. Dupontel pointe l'absurdité de notre monde ultra moderne et sa déshumanisation galopante... Ceux qui ont une faille, qui ont une maladie, qui sont trop passionnés, trop perfectionnistes, ou toute autre caractéristique qui ne correspond pas au moule de la société (peut-être tout être humain en fait ?), sont voués à en être limite bannis, ou du moins mis au bord de la route, si ce n'est au rebut... Ce qui amène au ras-le-bol – bien compréhensible – de nos deux héros.

Dommage que ce soit gâché par des seconds rôles parfois très caricaturaux et lourdingues (l'aveugle...), une vision du monde elle aussi parfois excessive (la représentation de la police...) et par un manque général de parachèvement, notamment dans les nombreux thèmes brassés et dans l'écriture des personnages... Car il y a des séquences très réussies, mais trop rares.

Au total, malgré d'indéniables et de nombreuses maladresses (qui en un sens font aussi son charme), le positif l'emporte sur le négatif pour moi, même si c'est un peu de justesse... « Adieu les cons » dispose tout de même de vraies qualités, qui en font un film attachant et qui m'incitent à approfondir la filmographie de Dupontel... et celle de Virgine Efira, qui est décidément une actrice fascinante.

[2/4]