jeudi 5 mai 2016

« Ratatouille » de Brad Bird (2007)

    Comment rester de marbre face à cette déclaration d'amour à Paris, à la France et à sa gastronomie ? Le studio Pixar signe là l'un de ses tous meilleurs longs métrages, mixant aventure, humour et romance avec un (gros) soupçon d'originalité et de fraicheur qui font du bien. Il fallait oser : réaliser un film ne parlant que de cuisine (ou presque), surtout quand on sait que les Etats-Unis sont la mère patrie de la malbouffe ! Pour autant, Brad Bird et son équipe réussissent à nous faire partager ce goût pour la bonne chair qui fait la renommée de notre pays, ce goût pour la confection de bons petits plats, et accessoirement pour la « haute cuisine ». Et qui plus est, il met en scène des personnages fort sympathiques, au premier rang desquels Rémy, petit rat apprenti cuisinier de son état, et maître dans l'art de marier les saveurs. Les clins d’œil à un Paris fantasmé sont légions et ne sont pas pour me déplaire. De plus, certaines trouvailles visuelles méritent des applaudissements (la maison d'Anton Ego). Et surtout, ce qui fait la force de ce long métrage, c'est sa cohérence, son atmosphère, son absence (ou quasi-absence) de fautes de goût qui le font lorgner du côté des grands classiques Disney (si si !). Je reste par contre plus circonspect sur le visuel des êtres humains, le principal défaut des dessins animés de synthèse (signés Pixar ou non d'ailleurs). Pour autant, on rit beaucoup, on est attendri par notre héros rongeur, et on se passionne pour sa quête improbable : devenir un vrai cuisinier, au même titre qu'un homme. Comme souvent chez les Américains et le studio Disney, « Ratatouille » a sa petite morale. Mais je dois dire qu'elle fait mouche : « tout le monde peut cuisiner », nous dit le grand chef Gusteau. C'est vrai, les bons plats de sa mère valent bien tout l'or du monde, et les menus des plus grands cuisiniers. Brad Bird l'illustre d'ailleurs par une très belle séquence. Bref, en ces temps de merchandising acharné, de « Captain America » ou « Avengers » 3, 4, 5, 10, dans cette ambiance artistique frileuse où la création est aux abonnés absents, dans un paysage cinématographique aux mains de financiers sans âme, un film comme « Ratatouille » détonne... et réjouit le cœur !

[3/4]

dimanche 24 avril 2016

« Vice-Versa » (Inside Out) de Pete Docter et Ronnie del Carmen (2015)

    « Vice-Versa » est peut-être le meilleur Pixar que j'aie vu à ce jour, par la richesse de son propos et l'inventivité permanente dont il fait preuve. Disney avait son « Alice au Pays des Merveilles », Ghibli avait son « Voyage de Chihiro », Pixar a désormais son « Vice-Versa ». Depuis plusieurs années, le studio américain était proche de jouer dans la cour des grands, sans toutefois y parvenir complètement, la faute à un certain académisme, malgré d'évidents signes d'originalité et d'irrévérence. Ici, l'humour fait toujours mouche, les situations improbables s'enchaînent, et surtout le traitement du sujet est très intelligent. Nous sommes en effet plongés au cœur du cerveau de la jeune héroïne, Riley, où siègent ses 5 émotions personnifiées : Joie, Tristesse, Dégoût, Colère et Peur. Ces 5 personnages ont tous leur caractère inhérent à leur nature émotive, mais si Joie mène indéniablement la troupe, on apprend peu à peu que toutes ces émotions ont leur importance. A ce titre, « Vice-Versa » est un film initiatique, un récit d'apprentissage. Riley va grandir, changer au gré de ses expériences, tout comme ses émotions, qui vont elles-aussi évoluer. Les niveaux de lecture sont donc nombreux, mais par dessus tout, c'est le visuel qui réserve des moments assez exceptionnels. Le passage dans l'incinérateur vaut à ce titre son pesant de cacahuètes ! De plus, on ne s'ennuie pas une seconde, et mieux encore, on est passionné par une histoire qui aurait pu n'être qu'un banal et laborieux exposé scientifique. Le suspense est même parfois intenable ! Très clairement, « Vice-Versa » est donc un dessin animé de grande qualité, qui fera date ne serait-ce que dans l'histoire de l'animation occidentale. Maintenant, je ne peux m'empêcher d'émettre quelques réserves, notamment sur un plan visuel : si le studio Pixar est passé maître dans l'art d'animer des personnages humanoïdes ou des décors luxuriants, il manque tout de même à leurs personnages humains un semblant de chair et d'âme. Surtout pour ce qui est de leur visage et de l'animation de leurs mouvements. Là, Ghibli demeure la référence indétrônable en la matière… Toutefois, mis à part ces quelques défauts, nous avons bien affaire là à une œuvre majeure, preuve que l'animation est capable de dépasser la qualité et l'intérêt de bien des films en prises de vue réelles. Un long métrage à ne pas manquer !

[3/4]

« The Social Network » de David Fincher (2010)

   « The Social Network » n'est pas un grand film. Par contre c'est un long métrage très intéressant, car il met en scène un acteur incontournable de notre monde contemporain : Mark Zuckerberg, créateur et PDG actuel de Facebook. Ce film raconte en effet la genèse du réseau social tentaculaire que nous connaissons tous, ne serait-ce que de nom. Nous apprenons ainsi – mais beaucoup d'entre nous s'en doutaient – qu'à l'origine de Facebook se trouve un vrai connard (n'ayons pas peur des mots). Oui, Mark Zuckerberg est un mufle, un « nerd » froid et sans états d'âme, qui est prêt à divulguer la vie intime de ses proches (ou moins proches) pour acquérir notoriété, puissance et surtout être aimé, même s'il n'en perçoit pas toute l'artificialité. Obsédé à l'idée de rentrer dans l'un des cercles étudiants de la prestigieuse université d'Harvard, dont il est à l'époque étudiant, Zuckerberg décide de créer son propre cercle, et il fait en sorte que ceux qui n'en font pas partie meurent d'envie de le rejoindre. Peu à peu le cercle s'agrandit, et Zuckerberg devient le milliardaire que l'on connaît. La force de ce long métrage signé David Fincher ne réside pas dans l'originalité de sa forme ni dans la sophistication d'une mise en scène tout ce qu'il y a de plus discrète (étonnant pour un film de Fincher). Non, tout son intérêt réside dans la peinture de ce monde de dupes et de frustrés qu'est le temps des études, surtout dans les établissements prestigieux. La vacuité des cercles (équivalent de certaines associations estudiantines de nos grandes écoles françaises) et leur bêtise insondable ne sont pas masquées. Et Fincher réalise une critique de plus du mode de vie occidental (qui n'est pas qu'Américain tant il s'exporte chez nous). Car Zuckerberg exploite cette soif de l'entre-soi, ce voyeurisme latent chez chacun de nous, ce goût pour le commérage et le besoin de reconnaissance sociale. Oui, Facebook flatte nos plus bas instincts car il a été pensé par un asocial frustré, un comble pour ce temple de la « sociabilité » (factice). Morale de l'histoire : mieux vaut être en dehors de Facebook qu'au dedans…

[3/4]

dimanche 10 avril 2016

« L'Extravagant Mr. Deeds » (Mr. Deeds Goes to Town) de Frank Capra (1936)

    Quel film ! « L'Extravagant Mr. Deeds » fait partie des plus grandes réussites de Frank Capra et plus simplement du cinéma de la première moitié du XXème siècle. Capra nous conte les déboires de Longfellow Deeds, un jeune homme solidement bâti, tout droit sorti de sa campagne, et qui hérite de la coquette somme de 20 millions de dollars (de l'époque) à la mort d'un oncle inconnu. Cet homme naïf, simple, franc, va quitter son village natal pour New York, et dans cette ville totalement inconnue pour lui, il va se voir entouré par des vautours de la pire espèce : avocats véreux, journalistes de caniveau, célébrités défraichies… Tous veulent sa perte. Et c'est là que le film prend une autre dimension, lorsqu'il nous dépeint la descente aux enfers de Deeds, bafoué, humilié, crucifié par ces gens avides. Sonné par l'hypocrisie de ceux qui l'entourent, par leur méchanceté, Deeds sombre dans le mutisme, et se voit même acculé par un procès, sous motif qu'il serait fou. Lui l'homme joyeux, généreux, spontané, a le défaut d'être entier, d'être un vivant au milieu des morts, ce qui semble intolérable pour certaines personnes. S'ensuit alors le défilé des accusations. Tout, et tous semblent l'accabler. Je ne vous en dirai pas plus sur le dénouement de l'histoire. Par ce film haletant, tant on s'identifie à ce pauvre Deeds, Capra représente le procès de l'honnêteté et de la bonté par la malveillance. Si Deeds peut sembler niais, n'est-il pas tout simplement humain ? Car faillible, imparfait, comme nous tous. Et c'est de ses failles, du revers de ses qualités, que veulent profiter les autres. Mais ces autres c'est aussi nous, face à l'ingénuité, à la faiblesse. Capra est friand de ces fables sociales, à l'image de « La Vie est belle » ou « Vous ne l'emporterez pas avec vous » (au titre éloquent). A travers ses films, il ne cesse d'interroger l'avidité des Américains de son temps et leur rapport à l'argent. Comme pour dire que l'argent corrompt tout s'il n'est pas utilisé à bon escient. Que l'essentiel n'est pas là, qu'il réside dans la foi en l'homme. En somme que la seule chose qui nous reste à la fin, c'est notre irréductible et si précieuse humanité.

[4/4]

samedi 9 avril 2016

« The Assassin » (Cìkè niè yǐnniáng) de Hou Hsiao-Hsien (2016)

    « The Assassin » est clairement un film de genre, plus précisément un Wu Xia Pian, soit un film historique d'art martial aérien, avec des combats défiant les lois de la gravité. Mais le Wu Xia Pian est un genre multiple, et surtout qui s'est réinventé ces dernières années, devant la caméra de réalisateurs à la sensibilité particulière. A mon sens, « Tigre et Dragon » d'Ang Lee fait partie des réussites, les films boursouflés de Zhang Yimou (« Hero », « Le Secret des poignards volants », « La Cité interdite ») des ratages complets. « The Grandmaster » de Wong Kar Wai demeure dans le ventre mou, pas complètement raté, mais pas spécialement réussi. Je classerais « The Assassin » dans la première catégorie, celle des réussites. Deux ingrédients me semblent nécessaires pour faire un bon Wu Xia Pian. D'abord qu'il ne se limite pas à son genre : que ce soit un film de qualité, avec un bon scénario, de bons acteurs et une belle réalisation. Deuxièmement, que les fameux combats chorégraphiés soient crédibles, plausibles, malgré leur invraisemblance inévitable : difficile équilibre à trouver, que je n'ai véritablement rencontré que chez Ang Lee. Maintenant parlons plus en détail de « The Assassin ». J'y ai trouvé les mêmes qualités et les même défauts que dans les autres film de Hou Hsiao-Hsien que j'ai déjà vus (Les Fleurs de Shanghai et Millenium Mambo). Visuellement, c'est un film époustouflant. Les cadrages sont parfaits, les couleurs chatoyantes, les prises de vues en extérieur révèlent une nature fougueuse, indomptée, sauvage. Du grand grand art. Le film reste sobre, notamment dans les quelques (et rares) combats qui émaillent le récit, tant mieux. Voilà pour les qualités. Pour ce qui est du principal défaut que j'ai relevé : il me semble qu'il y ait un problème de rythme. Le cinéaste taïwanais étire ses plans dans la durée jusqu'à ce que mort s'ensuive (ou presque). Exemple : plan américain sur un personnage qui regarde ailleurs pendant une minute, parle, puis se tait, et la caméra continue à filmer ce silence. C'est assez particulier… Et pour tout dire assez artificiel. Mais paradoxalement cela confère également au long métrage un caractère résolument contemplatif, qui tranche avec la violence (modérée) des combats. Donc si ça me semble être un défaut, qui empêche une immersion à 100% dans le film, ce n'est pas non plus rédhibitoire. Au total, « The Assassin » est un Wu Xian Pian d'auteur, si je puis dire. Un film original, qui brise les codes du genre pour mieux se les réapproprier. Et qui nous fait passer un agréable moment, dépaysant, pour qui ne s'est pas endormi sur place bien sûr. La première bonne surprise de cette année me concernant.

[3/4]

samedi 2 avril 2016

« Le Convoi des braves » (Wagon Master) de John Ford (1950)

    « Le Convoi des braves » (encore une traduction française pompeuse d'un titre original bien plus subtil pour un film de Ford) est très représentatif de l'art du cinéaste américain. A vrai dire, tout semble harmonieux et couler de source, à tel point que c'est peut-être l'un de ses films les plus réjouissants, l'air de rien. J'y repense encore plusieurs semaines après l'avoir vu. A première vue pourtant, le sujet n'est pas spécialement extraordinaire. Tout d'abord il met en scène des Mormons austères, partis en quête de la Terre promise. De plus, la majeure partie du film consiste à suivre leur exode, cette longue caravane de chariots, dans une nature hostile. Enfin, il n'y a pas à proprement parler de héros dans ce long métrage, plutôt une mosaïque de personnages, tous traités avec la même attention. Maintenant, examinons ces aspects plus en profondeur. Certes oui, c'est simplement « une histoire de Mormons ». Mais on s'en doute, dépeints par Ford, ils sont plus attachants à mesure que se déploie l'intrigue : untel jure comme un charretier, la grand-mère s'en donne à cœur joie quand elle joue de la trompe dès qu'il s'agit de remettre en marche la troupe, certains sont jaloux... Et qui plus est, d'autres personnages viennent pimenter le récit, dont une troupe de saltimbanques accueillis fraichement par nos Mormons puritains, qui les voient rejoindre leur périple d'un mauvais œil. Un aspect qui rappelle la prostituée de « La Chevauchée fantastique », elle aussi pointée du doigt par de vieilles dames inhospitalières... et inhumaines, malgré la foi qu'elles professaient. Parmi ces personnages additionnels (et non des moindres) signalons le fameux « wagon master » du titre américain, l'homme qui sert de guide à tous ces Mormons, après une scène de marchandage d'anthologie : un certain Travis Blue, excellemment interprété par Ben Johnson. Il joue en effet un jeune aventurier pas né de la dernière pluie, qui bien qu'aux manières rustiques et à première vue limité, connaît l'Ouest comme sa poche et ne manque pas de ressources face à l'imprévu. Il est accompagné d'un jeune « benêt » fort sympathique, incarné par un excellent - lui aussi - Harry Carey Jr. Comme toujours, Ford s'intéresse au choc des extrêmes, à la rencontre entre des personnalités opposées, matérialisées par ce trio : les Mormons, les deux aventuriers et les saltimbanques, chacun avec leur sens de l'honneur, leurs codes, leurs qualités et leurs défauts. Ainsi, le temps que passent ces personnages ensemble les humanise, ils apprennent à s'apprivoiser, et ressortent grandis de leurs péripéties. De tout cela ressort une galerie de personnages savoureuse, et l'on passe un fort agréable moment en leur compagnie. Sans oublier la colonne vertébrale de ce long métrage : la foi en un avenir meilleur, ce courage, cet allant qui pousse des familles, tant bien que mal, à traverser les États-Unis pour établir leur chez-soi à bien des kilomètres de leur foyer d'origine. Cet esprit de pionnier, Ford le retranscrit comme personne, et s'il le nuancera par la suite dans d'autres de ses films, c'est ici qu'il est peut-être le plus brillamment illustré. En bref, un film d'apparence modeste, qui figure à mon sens dans les grandes réussites de John Ford, ce qui n'est pas peu dire.

[4/4]

samedi 26 mars 2016

« Rendez-vous » (The Shop Around the Corner) d'Ernst Lubitsch (1940)

    « The Shop Around the Corner » (préférons ce titre plus éloquent au titre français bien fade...) est reconnu comme le chef-d’œuvre de Lubitsch. Et s'il n'est pas forcément le plus représentatif de son œuvre, c'est un film assez exceptionnel, notamment dans les thèmes qu'il brasse, et surtout dans la représentation de ses deux (anti-)héros. C'est en effet un des rares longs métrages à évoquer le chômage frontalement, dans un réalisme social louable et qui lui confère une intemporalité d'autant plus criante à notre époque où le travail se fait rare... Bien des situations de ce film parleront donc au spectateur d'aujourd'hui. Mais plus encore, ce qui fait son intemporalité et même son universalité, c'est ce couple interprété magistralement, tout en nuances et en finesse, par James Stewart et Margaret Sullavan. Car ces deux personnages principaux sont bourrés de petits défauts, comme tout être humain qui se respecte, loin des héros en deux dimensions que l'on nous sert trop souvent... Alfred Kralik (Stewart) est un jeune vendeur en chef un peu pédant, méticuleux, un peu grognon et surtout direct, très voire trop direct, que ce soit avec les femmes ou son patron. Klara Novak (Sullavan), quant à elle, est une jeune femme charmante mais assez irritante, tantôt fragile (lorsqu'elle cherche un nouvel emploi) tantôt un peu trop sûre d'elle, n'hésitant pas à taquiner les hommes, surtout ceux qui lui opposent de la résistance. Forcément, ces deux-là ne pouvaient qu'entrer en conflit. On assiste alors, la majeure partie du long métrage, à ce jeu de « je t'aime - moi non plus », à ces deux êtres qui semblent s'aimer comme chien et chat... Bien sûr on se doute dès le début de l'issue, c'est d'ailleurs ce qui nous fait accepter ces chamailleries tellement réalistes qu'elles en deviennent légèrement exaspérantes. Pour autant par bien des détails, incluant la galerie fort sympathique de personnages secondaires, tout aussi essentiels au récit et à l'atmosphère de l'ensemble, Lubitsch nous dépeint une humanité attachante car imparfaite. Chacun a ses petites manies, sa personnalité, mais quand ses qualités ressortent lors d'un évènement particulier, alors ce personnage est comme transfiguré. Tout cela fait de « The Shop Around the Corner » un film particulier, très original, loin des canons et des standards hollywoodiens, mais proche d'une humanité qui confère au spectateur une joie communicative. Cela en fait donc un long métrage fort recommandable !

[4/4]

dimanche 20 mars 2016

« Les Ailes du désir » (Der Himmel über Berlin) de Wim Wenders (1987)

    Une pure merveille, de la première à la dernière seconde. A la fois très poétique, bourré d'humanité et proche de l'avant-gardisme (nombreuses sont les expérimentations sonores et visuelles), « Les Ailes du Désir » constitue le sommet de l’œuvre de Wim Wenders. Toute son équipe était alors en état de grâce. La photographie d'Henri Alekan est au-dessus de tout éloge, sa participation au long métrage étant essentielle. On peut dire qu'il est véritablement l'âme du film tant il sublime la réalité : sa maîtrise est ahurissante, que ce soit pour les séquences en noir et blanc ou en couleurs. Bruno Ganz est lui aussi tout à fait remarquable. Malgré ou plutôt grâce à un jeu d'acteur très épuré, il lui suffit d'un regard, d'un sourire pour donner vie à l'émotion la plus franche. Je suis d'ailleurs longtemps resté marqué par son sourire, tant il incarne à merveille la bienveillance, d'une façon totalement désarmante. Les autres acteurs, de Peter Falk à Solveig Dommartin, sont tout autant dignes de louanges. Et puis Wim Wenders. Sa caméra virtuose est absolument incomparable. Sans compter tout ce qu'il a apporté au film, étant à l'origine du projet. Parler de Berlin, du mur, de l'Allemagne, de son histoire... mais aussi parler de lui, de son enfance,... et même de la vie, de l'humanité... Rien que ça. Pourtant tout se tient, ça marche, son film est d'une richesse, visuelle comme thématique, peu commune! Et ce sans jamais se départir de son humilité et de sa simplicité exemplaires, malgré l'audace de l'ensemble. On peut aussi évoquer la musique magnifique de Jürgen Knieper, le travail époustouflant sur la bande sonore, ou encore le génie des textes de Peter Handke et Rainer Maria Rilke (grande influence de Wenders). « Paris, Texas » était déjà un film exceptionnel, avec « Les Ailes du Désir » Wim Wenders a réussi à faire encore (et largement) mieux. Ça semblait impossible, et pourtant... Inutile de préciser combien il serait triste de passer à côté d'une telle splendeur. Un des plus grands chefs-d’œuvre des années 80. Et du 7ème art.

[4/4]

samedi 5 mars 2016

« Un merveilleux dimanche » (Subarashiki nichiyobi) d'Akira Kurosawa (1947)

    La Nouvelle Vague aurait-elle trouvé en Akira Kurosawa l'un de ses plus illustres prédécesseurs ? Car « Un Merveilleux Dimanche » annonce indéniablement par bien des aspects les films des « jeunes turcs » français : que ce soit par ses thèmes (le couple, l'errance, la société,...), son esthétique, tantôt expressionniste tantôt moderne (et même parfois surprenante d'audace !), toujours sublime, ou encore son traitement : la journée d'un couple fauché dans un Japon d'après guerre, tout simplement. Il faut dire que Kurosawa puise lui-même dans un autre héritage marquant de la Nouvelle Vague : le cinéma français des années 30, et plus particulièrement le « réalisme poétique ». Toutefois l'art de Kurosawa n'appartient qu'à lui, et il fait de ce long métrage qui ne paie pas de mine au premier abord un magnifique moment de poésie, affirmant une fois de plus le pouvoir de l'imaginaire humain (« Un Merveilleux Dimanche » anticipe en un sens « Dodes'kaden ») et même de sa mise en scène : une fois encore sa gestion du cadre, des mouvements, des corps est proprement impressionnante sans jamais alourdir le propos, simple mais touchant. Si la question financière délimite le cadre de l'action (comment passer un dimanche à Tokyo avec 35 yens en poche?), Kurosawa se focalise surtout sur le couple, ses hauts et ses bas, sur les responsabilités ou les enjeux moraux qu'il implique... tout en brossant en filigrane le tableau social d'une époque difficile, un peu dans la veine du néoréalisme italien, autre de ses grandes influences. Si ce long métrage a été longtemps introuvable, il bénéficie aujourd'hui d'une édition DVD digne de ce nom, et ce n'est que justice ! Car il mérite largement sa place au sein de la filmographie du cinéaste nippon : c'est tout sauf un film mineur. Une merveille de plus à mettre au crédit de Kurosawa, à voir absolument !

[3/4]

samedi 20 février 2016

« Painting With » d'Animal Collective (2016)

    La première écoute de « Painting With » déroute. Le son est dur, aride, et plein de bruits intempestifs gâchent le plaisir auditif. On les entend beaucoup, et même beaucoup trop : et pour cause, le « reste », ou plutôt l'important à mes yeux, à savoir les mélodies, ont disparu corps et biens... Je dirais même corps et âme... Ce qui ressort de cette première écoute, c'est un sentiment de mollesse mélodique, de vacuité, comme un essai vain, qui n'apporte pas grand chose au schmilblick. Tout comme certains groupes (Radiohead pour ne pas le citer), on commence depuis plusieurs albums à relever des tics récurrents de composition chez Animal Collective (mais aussi dans les albums solo d'Avey Tare et Panda Bear, chacun ayant les siens), et bien évidemment des tics de « mauvaise composition » si j'ose dire, des tics de facilité. Mais ce qui déconcerte le plus, c'est l'absence d'audace dans cet album. Il ne faut pas se fier aux apparences, la structure des morceaux est très convenue, tout comme les mélodies tristement banales, et la production au premier abord « expérimentale » n'est en réalité que poudre aux yeux, je vais y revenir. Car l'expérimentation au service d'un « beau mélodique » (j'y tiens) n'est hélas pas au rendez-vous. 

Et d'ailleurs les membres d'Animal Co ne me semblent pas au rendez-vous non plus, comme s'ils étaient fatigués, usés par le temps et leurs excursions en solo. Comme si l'album avait été sorti en urgence, comme s'ils ne savaient pas quoi en faire et voulaient s'en débarrasser. On sent comme un déséquilibre. Et de fait, « Painting With » est un peu ou prou un album de Panda Bear, Boys Latin servant de matrice à la plupart des morceaux du présent album. On se demande d'ailleurs où est passé le talent d'Avey Tare (si déterminant dans les productions signées conjointement sous le nom d'Animal Collective). La confrontation des deux têtes pensantes Avey Tare et Panda Bear avait jusque là (ou jusque « Centipede Hz ») fait des merveilles. Mais là ils semblent tourner à vide. Car oui la production est riche, très riche... mais trop riche, puisqu'aux dépens de la mélodie, du fond dirais-je (autant que je puisse exprimer avec des mots ce que je ressens). Animal Collective devient presque un groupe d'ambiant, là où leur force, à mon sens, résidait dans des mélodies très très belles, en creusant sous le vernis « foufou » auquel on les résume (et réduit) trop souvent. Cf. l'EP extraordinaire « Fall Be Kind » où chaque chanson est géniale, et surtout d'une grande beauté mélodique. Ici, le trop plein de production masque le manque d'inspiration me semble-t-il. 

Après le décevant « Centipede Hz », de la musique du groupe new-yorkais, il ne reste plus que les zigouigouis... Je dirais d'ailleurs la même chose du dernier Panda Bear. Où sont passées les mélodies « à la Panda Bear » (comme je les appelais il fut un temps qui me paraît loin, aux alentours de 2009 - 2011) ? Les Rosie Oh ? Les I Think I Can ? Les Screens ? La moitié de « Centipede Hz » était réussie, l'autre ratée. De tout « Painting With »... je ne retiens que On Delay, ou plus précisément le morceau à partir de 2 min... le moment où il décolle vraiment, avec un piano magnifique (gâché par un bruit inutile au passage)... et une envolée « à la Panda Bear ». Le mot est galvaudé, mais une envolée... magique. Alors certes, quelques chansons ici et là (Bagels in Kiev, FloriDada, Golden Gal) valent le détour, mais rien ne vaut ce passage... qui ne vaut pas un dixième de « Fall Be Kind » (ou des autres grands albums du groupe : « Feels »,  « Strawberry Jam », « Merriweather »...). 

Je commence à ne plus croire en ce groupe et en sa capacité à se renouveler, à produire encore de la musique de qualité, passionnante ou ne serait-ce qu'intéressante, et ça me fait bien de la peine de le dire...

Note: je n'ai écouté que 3-4 fois l'album, avec le temps mon avis évoluera peut-être en bien comme pour « Centipede Hz »... mais là ils partent de beaucoup plus loin (plus bas), donc pas sûr que je révise mon jugement...

[2/4]

samedi 6 février 2016

« Minuit à Paris » (Midnight in Paris) de Woody Allen (2011) – (2)

    Autant l'annoncer tout de suite : « Minuit à Paris » est la libre adaptation cinématographique de « Paris est une fête », ouvrage écrit par Ernest Hemingway. Au matériau d'origine, dont Woody Allen ne reprend que l'esprit et certains personnages, le réalisateur greffe ses thèmes de prédilection. Ce film est donc composite, tournant autour de deux grandes sensibilités : celle d'Hemingway et celle d'Allen. Et pour tout dire, seuls les passages inspirés par Hem' valent le coup, car pour le reste on a toujours le droit aux mêmes personnages névrosés, à cette figure conflictuelle du couple, à l'infantilité du personnage principal, anti-héros tout ce qu'il y a de plus « allenien », et tout ce qu'il y a de plus horripilant, à cette conception rabougrie de la vie qui me déplaît tant chez ce cinéaste pleurnichard. Si par contre on s'attarde sur ces passages fantasmés, sur ces moments ou l'écrivain joué par Owen Wilson s'aventure dans le Paris de l'entre-deux-guerres, on ne peut qu'être séduit par ces personnages hauts en couleur, et surtout brillamment brossés en quelques traits bien sentis. Adrian Brody en Dali vaut son pesant de cacahuètes, et si je dois bien reconnaître un seul mérite à Woody Allen, c'est de faire revivre avec talent ces personnalités d'alors, l'espace de quelques minutes, à l'image de cet Hemingway qui déclame ses tirades bravaches, droit dans les yeux du héros, comme si sa vie en dépendait, avec son style littéraire si particulier (ce fameux enchaînement de « et » dans ses phrases à rallonge). Gertrude Stein est bien jouée, tout comme Fitzgerald et sa femme Zelda. Et on finit même par se sentir galvanisé, porté par cette énergie créatrice, qui émane avant tout de l'ouvrage génial d'Hemingway. Car il faut bien le dire, « Paris est une fête » est si réjouissant et si puissant dans sa simplicité joyeuse qu'il peut bien donner lieu à des dizaines de films sans que l'on puisse épuiser sa force originelle ! Mais il faut aussi concéder à Woody Allen l'humour avec lequel il redonne vie aux personnages de l'époque. Pour le reste, passés ces moments, on retombe dans du Woody Allen tout ce qu'il y a de plus convenu : une mise en scène flasque, des problématiques d'adulescents, des enjeux maigrelets, une portée extrêmement limitée. Avec une dernière concession : le Paris d'aujourd'hui qui est filmé, même arrangé et grimé, est décidément d'une beauté… Peut-être l'un des meilleurs Allen, ce qui en fait un film moyen, mais agréable tout de même.

[2/4]

samedi 16 janvier 2016

« Paris est une fête » (A Moveable Feast) d'Ernest Hemingway (1964)

    La récente popularité de « Paris est une fête », avec ces tristes évènements de 2015 que l'on connaît tous, m'a, comme bien d'autres, poussé à me pencher sur son cas. Ne sachant pas à quoi m'attendre, je n'avais pas d'idées préconçues, si ce n'est que le titre me paraissait alléchant. Bien m'en a pris, car qui cherche une succession de scènes de fêtes et de réjouissances dans le Paris des années 20 serait déçu. La fête dont parle Hemingway est ailleurs. Paris est une fête car alors tout y semble simple, et Hemingway y vivait heureux avec sa femme. C'était d'ailleurs peut-être le moment le plus heureux de sa vie, avec la période qui a suivi, avec sa seconde femme, Pauline. Cet ouvrage est construit autour d'une collection de « vignettes parisiennes », chaque chapitre formant à peu près une histoire indépendante des autres, visant à illustrer tel ou tel aspect de la vie à Paris d'alors, ou le caractère et le comportement des nombreux personnages que Hemingway avait rencontrés, des plus illustres (Francis Scott Fitzgerald, Gertrude Stein, Ezra Pound…) aux plus humbles (des serveurs de cafés fort sympathiques, le chauffeur de voiture de Fitzgerald exaspéré par ses excentricités, un ex-soldat de la Grande Guerre truculent…). Outre la galerie de personnages sacrément haute en couleur, ce qui fait l'intérêt de ce livre, c'est la retranscription de « l'art de vivre » à la française. Dans un style presque journalistique, concis (ce qui donne d'autant plus de force au récit), Hemingway nous parle de ses repas plantureux, de ces vins fort appréciables, de ces terrasses de café, si belles, et qui nous sont si chères, jusqu'à en avoir coûté la vie à des gens qui profitaient simplement d'un bon moment avec leurs proches… Hemingway travaillait lui-même attablé à un café, la Closerie des Lilas, et il nous raconte avec précision ses sentiments d'alors, et même comment il écrivait, c'est-à-dire son processus d'écriture, sa ou ses méthodes de travail (fort simples au demeurant). Et cet aspect là de « Paris est une fête » est tout bonnement passionnant, on apprend beaucoup, mine de rien, sur ce sujet. Mais ce qui est touchant, c'est avant tout le portrait qu'il fait de sa femme et de son couple. Ils étaient très pauvres, mais aussi (était-ce lié ?) très heureux. Et comme certains passages le suggèrent, le véritable héros, ou plutôt la véritable héroïne de ce récit, c'est Hadley Richardson, sa première femme. Simple et joyeuse, il semble en effet qu'elle et Hemingway se soient beaucoup aimés, et je crois bien que toute sa vie, il garda beaucoup d'affection pour elle. De sorte, d'ailleurs, qu'elle figure en toute première place du dernier ouvrage qu'il ait écrit avant de mourir. Par bien des aspects, ce livre est réjouissant. Si je devais le résumer en quelques mots, je dirais qu'il s'agit d'une belle photographie, d'un bel instantané d'alors. Mais pas une photo sépia ou en noir et blanc : une photo en couleur, comme celles du musée Albert Kahn, prises au début du XXème siècle et qui nous donnent l'incroyable impression d'y être. Un instantané vivant, qui nous fait revivre cette époque, et par dessus tout combien Paris était une ville magnifique, la ville de tous les possibles. Oui, Paris était, et est toujours bien une fête.

[4/4]

dimanche 10 janvier 2016

« Les Huit Salopards » (The Hateful Eight) de Quentin Tarantino (2016)

    S'il y a quelque chose que je ne comprends pas avec Tarantino et ses adorateurs, c'est le fait de trouver jouissif des mecs qui gerbent du sang, qui se font exploser la tête ou couper le bras à coups de machette... Ou pire, de casser le nez et la mâchoire d'une femme à grands renforts de coups de coude ou de pied. Hilarant. Que ça choque, voire que ça fasse rire (jaune) tellement c'est excessif, à la limite... Mais trouver ça « super fun » ou « jouissif », non là ça me dépasse. Car que nous propose Tarantino ? Un petit jeu de massacre gratuit, bête et méchant, que seuls les sadiques en puissance sauront apprécier à sa juste valeur. Expert du copié collé, Tarantino pompe allègrement sur des vrais cinéastes : Kurosawa, Leone, Godard... qui eux, savaient raconter une histoire. Ici ça se traîne invraisemblablement : 2h47 de film, je veux bien si c'est « Les Sept Samouraïs », où chaque plan est à tomber, et pour le moins beau car travaillé (avec talent faut-il préciser, pour éviter tout malentendu et toute confusion avec le piètre faiseur bas du front qu'est Tarantino). Là on a des champs-contrechamps en veux-tu en voilà, des images sans intérêt, des cadrages mous, des objets qui parasitent les plans, bref une paresse honteuse, mal masquée par cet art si révéré de nos jours de la citation, et non plus de la création, car c'est has been de créer quand il suffit de flatter le spectateur et le critique en plaçant quelques références bien senties ici et là. Tarantino nous prend pour des buses et nous refait pour la huitième fois (car c'est son huitième film, on le saura : trop intelligent le mec, il a mis des huit partout. On m'a dit que c'était le double du nombre de ses neurones, ça doit donc être un signe) le coup du scénario en casse-tête chinois. Sauf que là il s'est pas trop cassé la tête, et qu'un flash back suffira à révéler le pourquoi du comment, sauf qu'en fait on s'en fout. Tout ça pour ça ? Je veux dire, un scénario à l'envers, est-ce là tout l'intérêt, toute la puissance de ce film et de Tarantino ? Un simple exercice de style (pour ne pas dire un effet de manche), est-ce que c'est ça le fameux « Hateful Eight » tant attendu ? Hélas oui, j'en ai bien peur. Un exercice de style vain et douteux (mais là je me répète, je dis ça de chacun de ses films). Des acteurs qui cabotinent à n'en plus finir, une pâle resucée de « Reservoir Dogs », qui avait au moins le mérite d'innover (il faut dire qu'à l'époque on découvrait Tarantino, il ne nous avait pas encore saoulé par sa connerie crasse). Et puis les dialogues, il faut en parler des dialogues. Des tirades de 20 minutes pour parler de la pluie et du beau temps, et accessoirement « chier des nègres » (sic, je cite le Grand Monsieur qu'est Tarantino). Jouissif. Trop jouissif. Le mec sort des blagues racistes à faire pâlir Le Pen toutes les 3 secondes ou nous parle de sa bite pendant un quart d'heure, ça c'est vraiment le summum du jouissif. Bref, je vais m'arrêter là de citer Taranticon pour notre bien à tous, et préfère vous prévenir : si vous avec plus de 15 ans d'âge mental, passez votre chemin.

[0/4]

mardi 5 janvier 2016

« Le Petit Prince » de Mark Osborne (2015)

    Je m'y attendais. La bande-annonce et l'affiche le laissaient entendre : l'adaptation du Petit Prince de Saint-Exupéry se ferait en deux techniques d'animation, en images de synthèse et en stop-motion (animation image par image, ici avec un rendu proche du papier crépon). Très vite la différence se faisait sentir dans ces premiers aperçus du rendu final, et s'est révélée conforme à ce que j'appréhendais lorsque j'ai vu le film : la partie en images de synthèse est très laide, notamment les personnages, qui sont fort disgracieux (sans doute pour ne pas trop faire artificiel s'est-on senti obligé de leur mettre un gros nez et des yeux de travers...). Par contre la partie en stop-motion est belle à pleurer. Ça fait très longtemps que je n'avais pas vu quelque chose d'aussi beau en animation, exceptées les dernières productions du studio Ghibli (et encore). Sans doute faut-il remonter à Youri Norstein, ce grand monsieur de l'animation image par image, hélas proche de la retraite. Oui je le répète, ces quelques moments, qui doivent bien composer le tiers du film, sont à tomber. D'autant que ce sont ces moments qui collent à l'histoire d'origine du Petit Prince, qui faut-il le rappeler, est génialement poétique et profonde. Car oui, j'ai oublié de vous le dire, l'autre partie du film (celle en images de synthèse...) brode autour du matériau originel pour former une autre histoire, sans doute plus proche de la réalité des jeunes enfants d'aujourd'hui. Et là je suis mitigé. D'un côté, la grande machine à « entertainment » anglo-saxonne a encore frappé : humour bancal, merveilleux « forcé » et de pacotille, simili-Ghibli (j'ai d'ailleurs cru voir des références à Chihiro) mais plus proche des défauts des Pixar et autres Dreamworks, fantastique et anticipation déjà vus... Bref, du pilotage automatique. D'un autre côté, cette partie plus actuelle met l'accent sur ce que dénonce à l'origine Saint-Ex dans son ouvrage phare : le désenchantement des adultes, et la prépondérance croissante de l'utilitarisme économique dans notre vie de tous les jours... On n'est pas loin de la fourmilière qu'il redoutait tant et dont il parlait dans d'autres de ses écrits... Donc là, sur ce point, je trouve ça assez bien vu. C'est bien plus grossier que la « vraie » histoire du Petit Prince, mais comparé à n'importe quel long métrage d'animation lambda, ça n'est pas si mal. On retrouve ainsi la dimension philosophique et adulte du Petit Prince tel que pensé par Saint-Exupéry. Pour conclure, je suis donc mitigé en ce qui concerne l'ensemble du long métrage, sorte de matériau composite mal amalgamé... mais conquis par ces passages en stop-motion de toute beauté ! 4/4 pour la partie stop-motion, 1/4 pour la partie en images de synthèse... en arrondissant on arrive à une moyenne de 2/4.

[2/4]