mercredi 28 décembre 2016

« Chris Colorado » de Thibaut Chatel, Frank Bertrand et Jacqueline Monsigny (2000)

    « Chris Colorado » est une série animée qui a marqué mon enfance, notamment par son intrigue complexe et ses personnages mystérieux, au premier rang desquels Thanatos, despote tyrannique régnant sur un monde en ruine après qu'une météorite ait ravagé la Terre dans un futur proche. Son personnage est en effet au centre de l'histoire de cette série animée, éclipsant quelque peu le héros éponyme, un brin classique et convenu. Ce dernier cherche ce qu'il est advenu de ses parents, officiellement disparus dans un accident d'avion. S'en suit une quête d'identité qui mènera Chris Colorado là où il ne s'y attendait pas. La grande force de cette série tient dans ses révélations au compte goutte : dès le premier épisode on tient à savoir ce qu'il est advenu de la famille de notre héros ! L'animation n'est pas exceptionnelle mais « fait le job », les qualités de « Chris Colorado » résidant davantage dans son scénario fourni et intelligent, digne d'une série « live » d'aujourd'hui ou même d'un film digne de ce nom, ainsi que dans un accompagnement musical de grande qualité, qui facilite l'immersion. Car si l'image a quelque peu vieilli, trop rigide et simpliste à mon goût, l'histoire m'a autant passionné (si pas plus) qu'il y a bien 15 ans de cela ! Je n'en dirai pas plus pour ne pas dévoiler le cœur de l'intrigue. Par contre, les trois derniers épisodes sont épouvantablement mauvais : les révélations basculent dans le grand n'importe quoi, et à force de vouloir tout expliquer les scénaristes ôtent toute magie et tout mystère à la série... Qui en devient platement banale et franchement décevante... Mis à part ces trois derniers épisodes, donc, la série est hautement recommandable !

[3/4]

samedi 10 décembre 2016

« Vent de sable » de Joseph Kessel (1929)

    « Vent de sable » de Joseph Kessel est le pendant des « Vol de nuit » et « Terre des hommes » de Saint-Exupéry. Peut-être moins poétique et merveilleux, mais tout aussi prenant et poignant. Il nous conte l'aventure humaine, et même surhumaine, des pionniers de l'aéropostale. Tout comme chez Saint-Ex, ce n'est pas la technique, l'aviation en elle-même qui intéresse Kessel, mais les hommes qui font la ligne Toulouse-Casablanca-Dakar. Ces hommes qui, au péril de leur vie, s'élancent tous les jours, même de nuit, pour porter le courrier au-delà des frontières physiques les plus menaçantes (montagnes, mers, océans, déserts...). On sent l'admiration de Kessel pour ces héros des temps modernes, mais aussi la grande sympathie qu'il a pour eux. Toute une galerie de personnages, plus ou moins connus, fait l'objet de ce récit haletant, qui nous mène aux confins du désert, dans des lieux tous plus inhospitaliers les uns que les autres. Et malgré tout, malgré l'aridité, la solitudes de ces endroits perdus, Kessel nous parle de la chaleur humaine qui y régnait, notamment grâce à la présence de ces aviateurs qui savaient profiter de chaque instant, sachant que leur vie pouvait s'achever du jour en lendemain en vol ou même au sol... Certains furent tout de même brûlés physiquement et mentalement par ce désert fascinant, presque hypnotique (à l'image de certains personnages des « Scorpions du Désert » d'Hugo Pratt). Difficile pour eux en effet d'oublier leurs aventures, même leur captivité par les hommes du désert. Ce désert qui, à perte de vue, semble être un monde à lui seul. Dans un style presque journalistique mais néanmoins riche (plus que chez un Hemingway), Joseph Kessel, en témoin de premier plan, nous fait revivre toute une époque, tout un univers qui semble incroyable aujourd'hui. Un univers extraordinaire dans sa simplicité, son âpreté... et sa beauté.

[4/4]

samedi 26 novembre 2016

« Le Livre de la jungle » (The Jungle book) de Rudyard Kipling (1894)

    « Le Livre de la jungle » possède un charme certain pour moi. Il a en effet bercé mon enfance, dans le cadre du scoutisme, qui pioche allègrement dans ses personnages et l’esprit d’aventure qui le baigne. Je me suis rendu compte que cet ouvrage est fort éloigné de ses adaptations, notamment du dessin animé Disney. En fait, il est bien plus riche, même si hélas Mowgli et ses amis n’apparaissent que dans trois chapitres : trois nouvelles plutôt. Car « Le Livre de la jungle » est en réalité construit comme un ensemble de nouvelles séparées, sans lien entre elles, sauf pour ce qui est des trois premières. Cela confère nécessairement un caractère inégal à l’ouvrage, car certaines nouvelles sont bien plus passionnantes que d’autres. Néanmoins on retrouve dans chacune un mélange heureux d’audace, d’humour, de panache, avec toujours ce fond moraliste – mais non moralisateur ! Car Kipling est l’égal d’un Jean de La Fontaine : ses personnages animaux lui permettent de dépeindre toute une palette de comportements et sentiments humains, et de donner chair à des principes universels, dont son célèbre poème « If… » est un magnifique exemple. Certains passages sont à ce titre des fables morales savoureuses, comme le passage sur les Bandar-Logs, ces singes stupides et indisciplinés, qui ne sont pas sans rappeler les pires travers de l’espèce humaine. Et ce que j’apprécie particulièrement chez l’auteur britannique, c’est qu’il sait joindre « l’utile à l’agréable ». Il sait faire passer son message humaniste et plein d’espérance avec une plume subtile et délicate, tout en sachant ménager un rythme continu. Les aventures de ses héros sont menées tambour battant : le fond comme la forme permettent donc de passer un très agréable moment de lecture en dévorant les pages de son ouvrage. Et puis le caractère exotique de ces péripéties du bout du monde est rafraichissant. Clairement il s’agit là d’un grand classique de la littérature, que je recommande particulièrement !

[4/4]

« Demain » de Cyril Dion et Mélanie Laurent (2015)

    « Demain » part d’une bonne intention, et même d’une intention louable : redonner de l’espoir en l’avenir, en donnant la parole à des acteurs d’un monde plus juste, plus humain, plus durable. Et de fait, ce documentaire regorge d’initiatives sympathiques, qui poussent même à la réflexion. Toutefois assez rapidement on ressent comme un malaise. Peu ou pas de contradictions, tout paraît simple, évident… Et il suffit au réalisateur d’interroger ses interlocuteurs pour avoir la réponse aux plus grands problèmes de l’humanité (semble-t-il). Ils répondent, et ce qu’ils disent est forcément vrai. Du moins c’est ce que laissent entendre Mélanie Laurent et Cyril Dion puisqu’ils ne posent pas (ou peu) de questions, et prennent ce qu’on leur dit pour argent comptant. Nos « héros » des lendemains meilleurs deviennent alors des sortes de gourous... En fait la réalité est bien plus complexe. Les spécialistes savent que les éoliennes ne sont pas rentables, notamment car il faut un entretien régulier pour qu’elles fonctionnent à plein régime. Mais qui a déjà vu les éoliennes se faire entretenir ? Ne parlons pas des éoliennes offshore, en pleine mer ! La monnaie locale ne manque pas d’intérêt, mais comme les intervenants le disent sans détour, elle ne peut constituer qu’un complément au système financier actuel. Si on est passé du Moyen-Âge et de sa multitude de monnaies aux fluctuations plus que variables à des systèmes centralisés, ce n’est pas pour rien ! Idem pour l’agriculture de proximité et urbaine, elle ne remplacera pas de sitôt l’agriculture de masse, tout aussi néfaste qu’elle puisse être à long terme. De fil en aiguille, on a donc l’impression qu’on nous égrène des propositions homéopathiques, agréables en apparence mais sans grand effet. Plein d’idées finalement naïves, parfois réellement originales et intelligentes (faire pousser des légumes dans les espaces délaissés d’une petite ville), mais dont on peine à croire qu’elles puissent réellement bouleverser le monde. Pire encore, on reste à la surface des problèmes, et nos réalisateurs ne poussent pas la réflexion aussi loin que ce que j’aurais espéré. C’est comme s’ils mettaient du sparadrap pour boucher les trous d’un cargo de plusieurs tonnes en train de couler… L’un des problèmes réside notamment dans le fait qu’ils semblent totalement novices pour aborder ces sujets de poids et de fond. Manifestement Cyril Dion ne connaît pas grand chose à l’économie, ne parlons pas de Mélanie Laurent ! Je leur concède toutefois une chose, c’est que leur film procure une certaine envie de faire bouger les choses à son niveau, de ne pas se résigner les bras croisés. En somme, et je me répète, un film sympathique mais qui sera vite oublié…

[2/4]