dimanche 10 juillet 2016

« Rio Bravo » de Howard Hawks (1959)

    « Rio Bravo » est un classique indéniable. De ceux qui vous font vous sentir chez vous dès les premières secondes. Le scénario est limpide comme de l'eau pure, les acteurs semblent plus vrais que nature, malgré la patine du Technicolor et un jeu millimétré, et la caméra sait se faire discrète, tout en rendant chaque plan évident. Tout cela permet de nous servir l'intrigue sur un plateau d'argent : un duel à mort entre un shérif consciencieux et une fratrie de riches personnages véreux. Chaque grande séquence est d'anthologie. Tout commence dans un bar : un homme dont on ne sait rien se fait humilier. Quelqu'un vient à son secours, hélas pour lui, car il se trouve dans le bar de son ennemi juré. Tout est dit en quelques regards, quelques gestes : une attitude arrogante, et l'on sait que l'on a affaire au pourri de l'histoire. Une attitude franche et courageuse, on sait qu'on a affaire au héros de l'histoire. Une attitude hésitante, meurtrie, mais là on ne sait pas encore qu'on a affaire à l'un des personnages principaux, déchiré, tiraillé entre un passé douloureux et un présent de rédemption. Hawks nous offre ainsi toute une galerie de personnages, aux personnalités plus ou moins tranchées, des plus fourbes aux plus héroïques. Si certains sont stéréotypiques, mais dans le bon sens du terme, comme dans un mythe (de l'Ouest), certains sont génialement complexes, à l'image du pistolero joué par Dean Martin, donc, ou de la jeune femme mystérieuse, récemment arrivée dans la ville. « Rio Bravo » est une sorte de western métaphysique, contemplatif, lent, qui privilégie la psychologie de personnages richement écrits à l'action, qui se fait rare et sèche, brève, incisive. « Rio Bravo » est une aventure humaine, une histoire d'amour et de camaraderie, une histoire de dépassement de soi dans l'épreuve, de pardon et de rachat. Une aventure tellement riche qu'un seul ou même plusieurs visionnages ne suffisent certainement pas à épuiser tout ce que contient ce film. Dans ces conditions, comment ne pas y voir un chef-d’œuvre ?

[4/4]

samedi 9 juillet 2016

« Frances Ha » de Noah Baumbach (2012)

    Cela faisait longtemps que je voulais voir ce film. Son affiche et sa bande-annonce m'intriguaient, et puis ce nom : Frances Ha, comme quelque chose d'insaisissable, de charmant et maladroit à la fois. A l'image de ce film, parfois profondément énervant, et parfois profondément touchant. « Frances Ha » c'est l'histoire de loosers magnifiques, aux premiers rangs desquels les deux héroïnes principales : Frances et sa meilleure amie Sophie. Incapables de grandir, approchant la trentaine, elles vivent ensemble en colocation et de manière complètement fusionnelle. Bien que très différentes, elles ont les mêmes « trips », le même goût pour des choses qui paraîtraient ridicules ou infantiles pour d'autres personnes de leur âge. Elles sont vraiment faites l'une pour l'autre, et leur « adulescence » semble vouée à durer toute leur vie... Jusqu'au jour où Sophie décide d'emménager avec une autre amie dans un quartier plus huppé. Frances vit cette décision comme une trahison, et alors que Sophie semble enfin prendre sa vie en main et devenir adulte, Frances, en comparaison, paraît s'enfoncer toujours plus dans l'infantilisme et rater sa vie, de malentendus en maladresses, de choix absurdes en amitiés passagères. Personne ne peut remplacer Sophie, et mieux comprendre Frances, ce qui la désespère vraiment. Pendant un certain moment, on assiste ainsi à l'errance de Frances, à sa vie qui part complètement à vau-l'eau, à un point tel que ça en devient agaçant. Le film devient un condensé de loosers, de moments de loose totale, de loose esthétisée pourrait-on dire. Mais deux choses viennent contrebalancer cet aspect pour le moins horripilant : la fin, lumineuse, et Greta Gerwig, l'actrice qui joue Frances. Son jeu très physique, plus vrai que nature, étonne et envoûte. Comment ne pas s'attendrir devant ses tentatives répétées – et ratées – de viser la lune ? Elle est vraiment l'âme de ce film, et le réalisateur ne s'y est pas trompé : tout tourne autour d'elle. L'esthétique et le ton du film, à la croisée de la Nouvelle Vague française, de Woody Allen et même de la tendre maladresse de « The Shop Around the Corner » de Lubitsch, viennent sublimer le personnage de Frances, et s'il y a beaucoup de pose mi-bobo mi-hipster, s'il y a un verni intello névrosé passablement agaçant, « Frances Ha » est au fond l'histoire d'une fille qui veut vivre ses rêves jusqu'au bout, mais pas une histoire de conte de fées ou de carte postale, juste une histoire humaine, terriblement humaine, joyeusement et bordéliquement humaine. Et qui, tout bien pesé, vaut le coup d'être suivie.

[3/4]

samedi 25 juin 2016

« Mulan » de Tony Bancroft et Barry Cook (1998)

    « Mulan » m'a agréablement surpris, sans doute parce que mes attentes n'étaient pas excessives. Autant le dire tout de suite, ce n'est pas un grand chef-d’œuvre Disney, mais je ne pense pas que ce soit son ambition d'ailleurs. Si l'animation est bonne (bien meilleure que dans « Le Roi lion »), elle n'est pas toujours du meilleur goût. Et les chansons sont complètement anecdotiques et ratées, sans aucun intérêt. Une fois dit cela, passons aux qualités, nombreuses, de ce long métrage. Tout d'abord l'histoire est très touchante. Mulan est une jeune fille maladroite que ses parents essaient de marier, sans succès. Un jour qu'un émissaire de l'empereur vient pour recruter les hommes de son village afin de combattre les envahisseurs Huns, Mulan décide de partir à la place de son père, infirme, pour la guerre. Elle le fait en cachette, et pour cause : son père l'en aurait empêchée. Mais pour cela elle doit se faire passer pour un homme, car si ça se savait qu'une femme prend les armes, elle encourrait la peine de mort, rien que ça ! Finalement, Mulan fera preuve d'un grand courage et d'une grande inventivité. Pour le coup, Disney se renouvelle par bien des aspects : l'héroïne est asiatique, tout comme l'intrigue. Beaucoup se plaignent de la vision occidentalisée de la firme dans ce long métrage, pour autant rien de choquant m'a-t-il semblé. J'y vois plutôt une sorte d'hommage à la culture et au public asiatiques. Par ailleurs, ce qui fait plaisir, c'est le caractère de l'héroïne, qui n'est pas une belle ingénue à la Cendrillon. Elle est imparfaite, doute d'elle-même, et d'autre part sait se montrer combative, au second sens du terme, face à l'adversité. Je reviens sur l'histoire, qui est question de piété et d'amour filial. La relation entre Mulan et son père est très bien écrite, très subtile et complexe à la fois. On sent que Mulan est peinée de ne pas faire la fierté de son père, et nous sommes attristés avec elle. Mais le sentiment qui étreint son père, lorsqu'il se rend compte qu'elle l'a remplacé pour partir à la guerre, est tout aussi fort. Un mélange de peur et de honte envers lui-même, de grande désolation. « Mulan » dénonce de surcroit le machisme de la culture de l'époque, et est une sorte de charge féministe bien trouvée. Autre qualité de ce film, et pas des moindres : l'humour ! S'il est parfois assez lourd, on rigole tout de même beaucoup et de bon cœur. Et l'intrigue possède son lot de suspense, si bien qu'on ne s'ennuie pas une seule seconde, et qu'on est finalement ému par cette héroïne différente, mais aux qualités indéniables. « Mulan » est donc à la fois un divertissement plaisant, mais aussi et surtout un film beaucoup plus profond qu'on ne pourrait le croire. Il vaut donc largement le coup d’œil !

[3/4]

dimanche 12 juin 2016

« Cendrillon » (Cinderella) de Clyde Geronimi, Wilfred Jackson et Hamilton Luske (1950)

    « Cendrillon » fait partie des classiques Disney que tout le monde ou presque a déjà vus, moi y compris, étant enfant. A ce titre nombre de scènes m'étaient restées en mémoire, et j'avais une certaine estime pour ce long métrage, malgré le fait qu'il soit plutôt destiné aux petites filles. Après l'avoir revu bien des années plus tard, je dois dire qu'il conserve une partie de son charme, mais qu'il me semble assez bancal. L'animation est de qualité, même si comme souvent chez Disney, les animaux sont bien mieux animés que les humains. Cette maladresse de l'animation a cependant un aspect « artisanal » touchant, et elle n'atteint pas les bas-fonds des années 1990, donc je ne ferai pas le difficile sur cet aspect. En revanche, aussi bien du point de vue du scénario que des décors, on sent que c'est un petit conte, une sorte de nouvelle, bref un matériau de moyen métrage, qui a été étiré autant que possible. En résultent pas mal de scènes de remplissage, et du point de vue visuel, des décors qui font parfois « vide ». Le conte est fort simple, et le studio a eu toute les difficultés du monde à en faire un vrai long métrage d'1h30. Quand on le compare à « Alice au Pays des Merveilles », développé en parallèle et sorti peu après, « Cendrillon » fait pâle figure. Quand il n'y a pas une seconde sans qu'il se passe quelque chose, le tout dans des décors luxuriants dans le premier, le second n'offre pas grand chose à se mettre sous la dent. Quelques séquences marquantes toutefois, avec des personnages secondaires (les souris !) amusants ou pleines d'un merveilleux un peu suranné, mais néanmoins qui fait mouche. Les « méchants », ou plutôt les méchantes sont réussies, détestables à souhait. Mais l'ensemble fait assez convenu, c'en est presque un cliché de l'univers Disney, tel qu'on se l'imagine aujourd'hui, alors qu'il masque des tous premiers longs métrages qui ont fait date dans l'histoire du cinéma, sans même parler de l'animation. J'ai donc passé un bon moment en revoyant ce « Cendrillon », mais je n'irai pas jusqu'à le qualifier de chef-d’œuvre, loin de là. Je préfère même vous renvoyer vers les deux courts métrages de Georges Méliès consacrés au célèbre conte, qui en quelques minutes donnent vie à un monde merveilleux profondément original et de toute beauté, avec un sens de l'humour et du détail qui leur donnent une saveur bien plus appréciable que le dessin animé de Disney.

[3/4]

jeudi 9 juin 2016

« Courrier sud » d'Antoine de Saint-Exupéry (1929)

    Premier roman de Saint-Exupéry, « Courrier sud » est peut-être aussi la plus mélancolique de ses œuvres. Récit kaléidoscopique de la vie de Jacques Bernis, pilote de l'aéropostale, c'est aussi une plongée dans le paradis perdu de l'enfance, dans un monde de souvenirs qui n'est plus. La frontière entre le monde des enfants et celui des adultes est perméable, et on ne sait jamais si ce sont les enfants qui grandissent trop vite ou les adultes qui ne le deviennent jamais complètement. Histoire terriblement humaine, de regrets, « Courrier sud » est également le récit d'une certaine nostalgie de l'idéal, de mondes irréconciliables : celui d'un homme et d'une femme que tout oppose. Jacques et Geneviève ont grandi ensemble aux côtés du narrateur. Le premier, de condition modeste, est devenu pilote ; la seconde, d'ascendance plus aisée semble-t-il, s'est mariée à un bourgeois vaniteux et cuistre, mariage de raison... ou folie ? Quand Jacques veut l'arracher à ce mari pesant, tout vacille... Alternant le temps de l'aviateur, dans son avion, ou de ses coéquipiers et amis, suivant à terre son périple, et le temps des souvenirs, les conversations avec Geneviève, les échappées le temps d'une escale, le narrateur nous perd quelque peu et tout se mélange. On est comme la tête emplie de pensées, entre l'ici et maintenant et l'ailleurs, le passé. Peu ou pas de futur, tout est nostalgie. En cela, « Courrier sud » est un roman tragique, le récit d'un manque, d'une paix impossible. Usant d'une langue riche et simple à la fois, Saint-Ex narre avec talent les aventures de ces personnages, cet homme et cette déesse inatteignable, lointains et proches à la fois. Notons l'acuité avec laquelle l'auteur dépeint des sentiments subtils et complexes, sans psychologisme de bas étage, avec une grâce et une profondeur sans pareils. Un très beau roman, très triste aussi.

[3/4]

« Les Aventures de Robin des Bois » (The Adventures of Robin Hood) de Michael Curtiz et William Keighley (1938)

    « Les Aventures de Robin des Bois » est une madeleine de Proust savoureuse, à l'image d'« Ivanhoé » de Richard Thorpe, que je regardais en boucle étant enfant. Je n'avais jamais vu en entier le film de Curtiz jusque là, mais nul doute que plus jeune je l'aurais adoré. Je me souvenais juste de la scène où Robin s'échappe d'un festin piégé dans un château gigantesque, scène particulièrement impressionnante par le nombre d'acteurs dirigés, de premiers et seconds plans soigneusement élaborés. Une scène à l'image de tout le film : pleine d'humour et de panache. On retrouve également dans ce film un Technicolor éclatant, des chevaliers aux parures chatoyantes dans un style impeccable, presque trop propret, des combats chorégraphiés au millimètre près, des coupes de cheveux improbables... Bref, tout cela est délicieusement suranné, et c'est ce qui fait le charme de ce long métrage, ce qui fait également qu'on lui pardonne les fautes de raccord, les effets spéciaux d'un autre âge, etc. etc. Bien sûr, ce film ne serait rien sans ses personnages, tous excellents du haut de l'affiche au dernier des seconds rôles. Tout d'abord Errol Flynn (Robin des Bois) est excellent, il nous refait le coup du jeune effronté enthousiaste, maniant le verbe et l'arc comme personne, sorte de Gentleman Jim du Moyen-Âge. Il forme un couple charmant avec la belle Olivia de Havilland (Lady Marian), qui joue la jeune femme en détresse comme personne, avec ce qu'il faut d'indignation feinte. Les méchants ensuite sont particulièrement détestables : le Prince Jean est fourbe à souhait, Claude Rains s'en donne à cœur joie pour interpréter le félon par excellence. Basil Rathbone ensuite, campe un Guy de Gisbourne arrogant et perfide comme il faut. Melville Cooper, enfin, joue un Shérif de Nottingham comique malgré lui, qui vient contrebalancer la noirceur de ses comparses malfaisants. Et puis toute la troupe de Robin est réjouissante, de Petit Jean à Frère Tuck. Ce film baigne dans une joie communicative : les rires un peu forcés fusent régulièrement (épinglés par Michel Hazanavicius dans ses « OSS 117 »), mais malgré ces maladresses, comment ne pas se réjouir des tours pendables de Robin, des combats d'épées endiablés, des réparties cinglantes du Sire de Locksley, des joyeuses ripailles, et j'en passe ? Ayant mieux traversé le temps que le film avec Kevin Costner, malgré les années qui les séparent, « Les Aventures de Robin des Bois » est ainsi un classique intemporel, sans doute la meilleure adaptation à ce jour de l'histoire de Robin Hood, un film qui fera rêver les (grands) enfants encore longtemps.

[3/4]

samedi 4 juin 2016

« Alice au pays des merveilles » (Alice in Wonderland) de Clyde Geronimi, Wilfred Jackson et Hamilton Luske (1951)

    Il semble difficile de croire que ce dessin animé ait été renié par ses créateurs, au premier rang desquels Walt Disney. Car il s'agit du plus riche et du plus créatif des longs métrages produits par la firme américaine. Difficile également de se dire que le film ne dure qu'1h15… Car dans ce laps de temps, un nombre incalculable de scènes toutes plus extravagantes les unes que les autres s'enchaînent, à un rythme soutenu, mais suffisamment bien dosé pour que l'on puisse s'attarder avec délice sur tel ou tel personnage saugrenu. Car ce qui fait aussi le charme de l'«Alice au Pays des Merveilles » version Disney, c'est cette galerie d'êtres étranges et loufoques. Je ne me risquerai pas à les énumérer, tant chacun est extraordinairement absurde et amusant à la fois. J'ai lu il y a longtemps le roman original de Lewis Carroll et ne m'en souviens plus trop, mais dans mes souvenirs, si la version de Disney est assez inquiétante, surtout pour les enfants, il me semble qu'elle l'est moins que l'ouvrage de l'écrivain britannique, relativement sombre. Ce qui fait que j'ai gardé un bon souvenir des fois où j'ai vu ce dessin animé enfant. Ce qui fait également que j'éprouve une grande tendresse pour ce long métrage et ses personnages attachants. Ainsi, on se perd avec bonheur dans ce labyrinthe onirique, où tous les rapports spatio-temporels et logiques sont abolis. Je ne pense pas qu'il faille chercher un quelconque sens ou une quelconque morale à ce long métrage. Par contre, il s'agit d'une peinture fidèle à la fois de l'imaginaire enfantin et du monde des rêves, où se perdent même les adultes dans leur sommeil. Et ce n'est pas rien ! Rares sont les œuvres à l'avoir fait avec autant de brio. A ce titre, « Alice au Pays des Merveilles » est un film universel, qui n'a pas pris une ride en plus de 50 ans, et c'est même l'un des très rares Disney qui ne me semble pas quasi exclusivement réservé aux enfants. Malgré l'exubérance qui baigne le dessin animé, je n'ai en outre pas noté une seule faute de goût. Nombreux sont les deuxièmes niveaux de lecture, sans parler d'autres véritables qualité : l'animation, parfaite, et la musique, charmante. Tout cela fait de ce dessin animé, à mon sens, la meilleure adaptation de l’œuvre de Lewis Carroll à ce jour, une version de référence indépassable.

[4/4]

« Le Roi lion » (The Lion King) de Roger Allers et Rob Minkoff (1994)

    Grosse déception que ce « Roi lion ». Ne l'ayant jamais vu en entier jusqu'alors, n'en connaissant que quelques passages « cultes » il est vrai, je m'attendais à quelque chose de plus abouti et d'une qualité supérieure vu l'engouement dont bénéficie ce long métrage. Hélas, hormis quelques passages choisis, ce film a mal traversé les années, et pourtant c'est un Disney plutôt récent... Tout d'abord que de niaiseries ! Certains Disney en sont quelque peu imprégnés, là ça déborde de partout ! En outre, difficile de s'attacher à Simba, ce lionceau tantôt sûr de lui à l'excès, tantôt pleurnichard, souvent insupportable… Et puis l'animation est assez déplorable… Pour le coup, le mauvais goût est souvent de mise, et franchement on ne peut pas dire que ce film soit des plus audacieux ou des plus originaux. Je sais qu'il est grandement inspiré d'une œuvre de Tezuka, « Le Roi Léo », mais n'ayant pas vu ce dessin animé, je m'arrêterai là dans la comparaison. Pour ce qui est du film de Disney, je ne retiens que deux ou trois chansons, les plus connues, et quelques personnages secondaires, Zazu en tête. Après il est vrai que certains passages tragiques sont forts et émouvants. Mais ils sont rares, et dans l'ensemble j'ai eu du mal à m'attacher aux personnages, bien trop fades pour la plupart. Même le méchant, Scar, a un visuel et un caractère qui le rendent presque ridicule, en tout cas guère menaçant. Pour moi, il s'agit donc d'un long métrage réservé aux enfants, qui peine à dépasser le stade de simple dessin animé. Oui je comprends son succès, mais je peine à croire qu'on puisse l'inclure dans un quelconque renouveau, ou Second Age d'Or des studios Disney… On est très très loin de la qualité des grandes productions Disney des années 40, 50 et 60.

[2/4]

« Le Livre de la jungle » (The Jungle Book) de Wolfgang Reitherman (1967)

    « Le Livre de la jungle » bénéficie auprès de moi d'un immense capital de sympathie. Il fait partie de ces longs métrages Disney… pas si longs que ça, mais tellement riches en séquences inoubliables, que l'on en conserve un souvenir attendri. Tous les personnages sont attachants, Baloo, Kaa et le Roi Louie en tête, notamment lors de chansons géniales. Qui ne connaît pas « Il en faut peu pour être heureux », et n'a jamais entonné ce refrain ? Moins connue, la chanson du roi des singes vaut également son pesant de cacahuètes, surtout dans la version originale chantée par Louis Prima, jazzman de talent. Et la deuxième chanson de Kaa : « Aie confiance », est excellente elle aussi. D'ailleurs ces personnages sont particulièrement bien trouvés et esquissés psychologiquement comme physiquement. Kaa, par exemple, claque de la mâchoire quand il croise Mowgli, peinant à cacher sa faim de prédateur. Ainsi, on trouve plein de petits détails savoureux en y prêtant attention. Et vraiment, ces trois personnages font tout le sel du film. Après, d'autres personnages ont aussi leur intérêt, Hathi par exemple, bien que les séquences des éléphants soient d'un humour parfois… « pachydermique ». Malgré tout on rit de bon cœur, et on comprend que Mowgli ne veuille pas quitter une jungle habitée par de si bons camarades. A propos, parlons de Mowgli : parfaitement animé, il manque un peu de saveur. Il est comme un témoin qui traverse les séquences sans trop savoir que faire, livré à l'exubérance des personnages qu'il croise sur son chemin. Ce qui n'est pas incohérent, mais peine à nous intéresser à son sort. Pour compléter les quelques critiques que j'aurais à émettre, je trouve que la séquence finale avec Shere Khan manque d'intensité par rapport à mon souvenir : c'est tout ? Difficile de comprendre pourquoi tout le monde le craint… Et enfin, je n'ai pas compris pourquoi une séquence était copiée collée plus loin dans le film : celle où Kaa se prend la queue dans une sorte de bambou. La première fois, elle fait rire aux éclats, la seconde fois elle laisse de marbre et déçoit : quoi, Disney en arrive même a réutiliser de façon évidente une séquence précédente… Le studio n'avait-il pas les moyens ou l'imagination pour faire autrement ? Passées ces quelques réserves, je reste sur une bonne impression : « Le Livre de la jungle » a traversé le temps sans trop en souffrir, et outre son statut de « classique » indéniable, il mérite selon moi le statut de film « culte », expression que j'utilise pourtant rarement.

[4/4]

« Les Aristochats » (The Aristocats) de Wolfgang Reitherman (1970)

    « Les Aristochats » est un long métrage savoureux, qui fait la part belle à un Paris des années 1910 à jamais perdu. J'apprécie particulièrement l'animation, qui y atteint des sommets, avec un style semi crayonné qui fait des merveilles. Animaux ou humains, tous sont animés avec talent, lors de séquences mémorables. D'ailleurs, nombreuses sont les scènes qui me semblaient familières, alors que je n'avais plus vu ce film depuis mon enfance. Les animaux sont attachants, et ce film bénéficie d'une atmosphère particulière, mi surannée mi jazzy, des plus savoureuses. En effet, les chansons, distillées avec parcimonie, sont fort sympathiques, et l'humour est même parfois excellent. Indéniablement, « Les Aristochats » mérite sont titre de « classique » Disney. Toutefois j'émettrais quelques réserves : plusieurs passages sont assez niais, et les personnages animaux principaux sont parfois agaçants, même si on leur pardonne aussitôt leur préciosité lors de la séquence d'après, tellement ils sont mignons (mention spéciale à la petite souris détective, à croquer !). Ce qui fait que ce long métrage reste surtout destiné aux enfants, même si les adultes auront sûrement du mal à ne pas s'attendrir devant un dessin animé que la plupart ont connu enfants, et qui conserve malgré tout de beaux restes.

[3/4]

mercredi 18 mai 2016

« Zootopie » (Zootopia) de Byron Howard et Rich Moore (2016)

    Incroyable ce sursaut créatif de Disney et Pixar, que l'on n'attendait plus ! Après le très réussi « Vice-Versa », le studio Disney, ici faisant cavalier seul, nous sort une véritable pépite avec « Zootopie ». Tout comme pour « Vice-Versa », les créateurs du film ont choisi de traiter un sujet adulte et profond, non plus les émotions et l'apprentissage de la vie, mais les différences humaines et sociales, cette fois par le biais d'animaux anthropomorphes. Dans un monde dénué d'humains où proies et prédateurs essaient de cohabiter, la ville de Zootopie, mégalopole démesurée, fait figure d'exemple et de symbole. Toutes les espèces animales y vivent dans une relative harmonie. Judy Hopps, lapine ambitieuse et un brin naïve, ambitionne de devenir flic dans cette ville... alors que jamais un si petit animal n'a tenté un tel métier. Étant la risée de tous, elle parvient tout de même à réaliser son rêve, et à rejoindre le commissariat de police du centre-ville de Zootopie. Mais là elle déchante devant une réalité bien plus contrastée que ce qu'elle pensait. Malgré tout de fil en aiguille, elle se met à la recherche d'une loutre qui a disparu, comme d'autres mammifères, dans des conditions mystérieuses. Le récit prend alors un tour plus inquiétant, et devient une sorte de fable philosophique sur le bien et le mal, la force et la faiblesse, avec une grande subtilité. Ce qui frappe d'emblée dès les débuts du long métrage, c'est une liberté de ton, une fraicheur, une originalité qu'on croyait perdues à jamais chez la firme américaine. Nul doute que Pixar a apporté une bouffée d'air frais, en témoigne la présence de John Lasseter au générique. Mais alors que Disney nous ressort des Avengers 5 ou des Star Wars 8, et même des Toy Story 4, nous avons ici affaire à une véritable création originale, et ça fait un bien fou ! Surtout que le film est baigné par un humour fin et omniprésent, ce qui rend la séance particulièrement agréable, car on réfléchit en s'amusant. Disney ose s'aventurer hors du cadre, et traiter des sujets tels que le rapport à l'autre et à l'étranger, ce qui n'est pas rien en ces temps où les extrémistes de tous poils progressent partout dans le monde. Vraiment je tire mon chapeau à l'équipe qui a fait naître « Zootopie », une sacrée réussite qui dépasse largement le cercle restreint de l'animation, comme tous les grands dessins animés dignes de ce nom.

[3/4]

dimanche 8 mai 2016

« Wadjda » de Haifaa al-Mansour (2013)

    « Wadjda » est le parfait témoignage de la situation des femmes au Moyen-Orient, plus précisément en Arabie Saoudite. Et pour cause, il a été réalisé par une femme, Haifaa al-Mansour, qui fait figure de pionnière du cinéma dans son pays (cf. les conditions de tournage de ce film). A partir d'une histoire simple, une sorte de fable à la Kiarostami, ce long métrage dresse un portrait sans concession de la société saoudienne, de son hypocrisie et de son caractère funeste, pour les femmes mais aussi pour les hommes ! Wadjda est une petite fille turbulente. Se moquant des règles imposées par le clergé et ses relais complaisants dans tous les établissements (ici la directrice et les professeurs de son école), elle n'hésite pas à jouer avec un garçon, ne porte pas le voile quand ça l'embête, et surtout… elle veut un vélo pour faire la course avec son ami Abdallah ! Or, le vélo est interdit pour les femmes en Arabie Saoudite. Toutes sortes de sottises courent à ce sujet, toutes plus invraisemblables les une que les autres… Mais c'est non, les parents de Wadjda ne veulent pas qu'elle ait un vélo, ce serait la honte assurée auprès de leurs proches et de leurs voisins. Lorsqu'un jour, un concours de récitation du Coran est organisé à l'école de Wadjda, avec à la clé un joli pactole à gagner. Quelle meilleure occasion pour s'acheter un vélo ? Ni une ni deux, Wadjda se met à apprendre le Coran par cœur, un comble pour cette petite fille qui visiblement n'a que faire de la religion et surtout de son carcan de règles sociales incompréhensibles pour un enfant… A ce stade, il est clair que mettre en scène une jeune fille intelligente et quelque peu rebelle, le tout avec humour et bienveillance, fait de ce long métrage une œuvre brillante, dénonçant avec force et douceur à la fois le wahhabisme. Mais « Wadjda » ne s'arrête pas là. Car l'autre personnage principal de ce film est la mère de Wadjda. Délaissée par un mari absent, qui préfère jouer à la console quand il rentre chez lui, elle personnifie un autre aspect de la vie des femmes dans ce pays. En effet, on comprend peu à peu qu'un drame intime se noue autour d'elle, et la chute qui rassemble Wadjda et sa mère dans une belle image donne au long métrage une dimension tout autre. De fable sociale, il devient un drame déchirant, non pas larmoyant (les personnages ici ont une dignité qui force le respect) mais un drame subtil, terriblement subtil. En somme, « Wadjda » constitue une charge contre la sclérose de la société saoudienne. Qu'un tel film ait pu voir le jour en ces temps difficiles, et qu'il ait pu venir jusqu'à nous, constitue un vrai miracle. Surtout quand on se rend compte de la qualité de ce film, qui se suffit à lui seul, loin d'être un « film à thèse ». Un grand bravo à sa réalisatrice et à son équipe de comédiens ! Voilà un film qui aurait dû recevoir la Palme d'Or… mais le jury n'avait manifestement pas suffisamment de cran...

[3/4]

jeudi 5 mai 2016

« Le train sifflera trois fois » (High Noon) de Fred Zinnemann (1952)

    « High Noon » est un western crépusculaire, serti dans un noir et blanc tout aussi ténébreux. Tout entier dirigé vers un affrontement final qu'on sait irrépressible, il parvient à nous tenir en haleine toute la durée du long métrage, dans une tension sourde et terrible. Le pitch est simple : le shérif vieillissant Will Kane (magistral Gary Cooper) part à la retraite le jour de son mariage, mais au moment où il quitte sa ville, il apprend que son ennemi juré, un bandit qu'il a jeté en prison, revient en ville, libéré par des juges complaisants, et ce pour se venger. Kane rebrousse chemin, et décide de faire face au terrible Frank Miller, qui est censé revenir par le train de midi. Kane s'efforce alors de monter une équipe de pistoleros pour faire face à Miller et ses sbires. Mais c'est là que le film prend toute sa dimension tragique : Kane a toutes les peines du monde à recruter des hommes prêts à se battre à ses côtés, pour lui en somme. C'est là également que le titre originel, « High Noon », prend tout son sens : plein midi, mais aussi et surtout... l'heure de vérité. Kane devra-t-il affronter seul Miller et ses trois acolytes ? Un à un Kane essaie de convaincre les habitants de la ville, mais il essuie refus sur refus, le renoncement des habitants qui lui doivent tant ressemble alors à un coup de poignard dans le dos, et nous assistons impuissants à la descente aux enfers de Will Kane, non sans rappeler un autre très grand rôle de Gary Cooper : « L'Extravagant Mr. Deeds », signé Capra. A vrai dire j'ai été étonné par la qualité et la force de ce film. Cooper porte le long métrage sur ses épaules avec un aplomb extraordinaire, et le pitch minimaliste sert de prétexte à dépeindre la nature humaine avec un tel brio qu'on ne voit pas le temps passer. Je craignais que le long métrage se limite à cet affrontement final, dans une linéarité rachitique, mais la richesse des personnages et de la mise en scène m'ont détrompé. A la fois génial film de genre et film universel, « High Noon » vaut largement le coup d’œil !

[4/4]

« Ratatouille » de Brad Bird (2007)

    Comment rester de marbre face à cette déclaration d'amour à Paris, à la France et à sa gastronomie ? Le studio Pixar signe là l'un de ses tous meilleurs longs métrages, mixant aventure, humour et romance avec un (gros) soupçon d'originalité et de fraicheur qui font du bien. Il fallait oser : réaliser un film ne parlant que de cuisine (ou presque), surtout quand on sait que les Etats-Unis sont la mère patrie de la malbouffe ! Pour autant, Brad Bird et son équipe réussissent à nous faire partager ce goût pour la bonne chair qui fait la renommée de notre pays, ce goût pour la confection de bons petits plats, et accessoirement pour la « haute cuisine ». Et qui plus est, il met en scène des personnages fort sympathiques, au premier rang desquels Rémy, petit rat apprenti cuisinier de son état, et maître dans l'art de marier les saveurs. Les clins d’œil à un Paris fantasmé sont légions et ne sont pas pour me déplaire. De plus, certaines trouvailles visuelles méritent des applaudissements (la maison d'Anton Ego). Et surtout, ce qui fait la force de ce long métrage, c'est sa cohérence, son atmosphère, son absence (ou quasi-absence) de fautes de goût qui le font lorgner du côté des grands classiques Disney (si si !). Je reste par contre plus circonspect sur le visuel des êtres humains, le principal défaut des dessins animés de synthèse (signés Pixar ou non d'ailleurs). Pour autant, on rit beaucoup, on est attendri par notre héros rongeur, et on se passionne pour sa quête improbable : devenir un vrai cuisinier, au même titre qu'un homme. Comme souvent chez les Américains et le studio Disney, « Ratatouille » a sa petite morale. Mais je dois dire qu'elle fait mouche : « tout le monde peut cuisiner », nous dit le grand chef Gusteau. C'est vrai, les bons plats de sa mère valent bien tout l'or du monde, et les menus des plus grands cuisiniers. Brad Bird l'illustre d'ailleurs par une très belle séquence. Bref, en ces temps de merchandising acharné, de « Captain America » ou « Avengers » 3, 4, 5, 10, dans cette ambiance artistique frileuse où la création est aux abonnés absents, dans un paysage cinématographique aux mains de financiers sans âme, un film comme « Ratatouille » détonne... et réjouit le cœur !

[3/4]

dimanche 24 avril 2016

« Vice-Versa » (Inside Out) de Pete Docter et Ronnie del Carmen (2015)

    « Vice-Versa » est peut-être le meilleur Pixar que j'aie vu à ce jour, par la richesse de son propos et l'inventivité permanente dont il fait preuve. Disney avait son « Alice au Pays des Merveilles », Ghibli avait son « Voyage de Chihiro », Pixar a désormais son « Vice-Versa ». Depuis plusieurs années, le studio américain était proche de jouer dans la cour des grands, sans toutefois y parvenir complètement, la faute à un certain académisme, malgré d'évidents signes d'originalité et d'irrévérence. Ici, l'humour fait toujours mouche, les situations improbables s'enchaînent, et surtout le traitement du sujet est très intelligent. Nous sommes en effet plongés au cœur du cerveau de la jeune héroïne, Riley, où siègent ses 5 émotions personnifiées : Joie, Tristesse, Dégoût, Colère et Peur. Ces 5 personnages ont tous leur caractère inhérent à leur nature émotive, mais si Joie mène indéniablement la troupe, on apprend peu à peu que toutes ces émotions ont leur importance. A ce titre, « Vice-Versa » est un film initiatique, un récit d'apprentissage. Riley va grandir, changer au gré de ses expériences, tout comme ses émotions, qui vont elles-aussi évoluer. Les niveaux de lecture sont donc nombreux, mais par dessus tout, c'est le visuel qui réserve des moments assez exceptionnels. Le passage dans l'incinérateur vaut à ce titre son pesant de cacahuètes ! De plus, on ne s'ennuie pas une seconde, et mieux encore, on est passionné par une histoire qui aurait pu n'être qu'un banal et laborieux exposé scientifique. Le suspense est même parfois intenable ! Très clairement, « Vice-Versa » est donc un dessin animé de grande qualité, qui fera date ne serait-ce que dans l'histoire de l'animation occidentale. Maintenant, je ne peux m'empêcher d'émettre quelques réserves, notamment sur un plan visuel : si le studio Pixar est passé maître dans l'art d'animer des personnages humanoïdes ou des décors luxuriants, il manque tout de même à leurs personnages humains un semblant de chair et d'âme. Surtout pour ce qui est de leur visage et de l'animation de leurs mouvements. Là, Ghibli demeure la référence indétrônable en la matière… Toutefois, mis à part ces quelques défauts, nous avons bien affaire là à une œuvre majeure, preuve que l'animation est capable de dépasser la qualité et l'intérêt de bien des films en prises de vue réelles. Un long métrage à ne pas manquer !

[3/4]

« The Social Network » de David Fincher (2010)

   « The Social Network » n'est pas un grand film. Par contre c'est un long métrage très intéressant, car il met en scène un acteur incontournable de notre monde contemporain : Mark Zuckerberg, créateur et PDG actuel de Facebook. Ce film raconte en effet la genèse du réseau social tentaculaire que nous connaissons tous, ne serait-ce que de nom. Nous apprenons ainsi – mais beaucoup d'entre nous s'en doutaient – qu'à l'origine de Facebook se trouve un vrai connard (n'ayons pas peur des mots). Oui, Mark Zuckerberg est un mufle, un « nerd » froid et sans états d'âme, qui est prêt à divulguer la vie intime de ses proches (ou moins proches) pour acquérir notoriété, puissance et surtout être aimé, même s'il n'en perçoit pas toute l'artificialité. Obsédé à l'idée de rentrer dans l'un des cercles étudiants de la prestigieuse université d'Harvard, dont il est à l'époque étudiant, Zuckerberg décide de créer son propre cercle, et il fait en sorte que ceux qui n'en font pas partie meurent d'envie de le rejoindre. Peu à peu le cercle s'agrandit, et Zuckerberg devient le milliardaire que l'on connaît. La force de ce long métrage signé David Fincher ne réside pas dans l'originalité de sa forme ni dans la sophistication d'une mise en scène tout ce qu'il y a de plus discrète (étonnant pour un film de Fincher). Non, tout son intérêt réside dans la peinture de ce monde de dupes et de frustrés qu'est le temps des études, surtout dans les établissements prestigieux. La vacuité des cercles (équivalent de certaines associations estudiantines de nos grandes écoles françaises) et leur bêtise insondable ne sont pas masquées. Et Fincher réalise une critique de plus du mode de vie occidental (qui n'est pas qu'Américain tant il s'exporte chez nous). Car Zuckerberg exploite cette soif de l'entre-soi, ce voyeurisme latent chez chacun de nous, ce goût pour le commérage et le besoin de reconnaissance sociale. Oui, Facebook flatte nos plus bas instincts car il a été pensé par un asocial frustré, un comble pour ce temple de la « sociabilité » (factice). Morale de l'histoire : mieux vaut être en dehors de Facebook qu'au dedans…

[3/4]

dimanche 10 avril 2016

« L'Extravagant Mr. Deeds » (Mr. Deeds Goes to Town) de Frank Capra (1936)

    Quel film ! « L'Extravagant Mr. Deeds » fait partie des plus grandes réussites de Frank Capra et plus simplement du cinéma de la première moitié du XXème siècle. Capra nous conte les déboires de Longfellow Deeds, un jeune homme solidement bâti, tout droit sorti de sa campagne, et qui hérite de la coquette somme de 20 millions de dollars (de l'époque) à la mort d'un oncle inconnu. Cet homme naïf, simple, franc, va quitter son village natal pour New York, et dans cette ville totalement inconnue pour lui, il va se voir entouré par des vautours de la pire espèce : avocats véreux, journalistes de caniveau, célébrités défraichies… Tous veulent sa perte. Et c'est là que le film prend une autre dimension, lorsqu'il nous dépeint la descente aux enfers de Deeds, bafoué, humilié, crucifié par ces gens avides. Sonné par l'hypocrisie de ceux qui l'entourent, par leur méchanceté, Deeds sombre dans le mutisme, et se voit même acculé par un procès, sous motif qu'il serait fou. Lui l'homme joyeux, généreux, spontané, a le défaut d'être entier, d'être un vivant au milieu des morts, ce qui semble intolérable pour certaines personnes. S'ensuit alors le défilé des accusations. Tout, et tous semblent l'accabler. Je ne vous en dirai pas plus sur le dénouement de l'histoire. Par ce film haletant, tant on s'identifie à ce pauvre Deeds, Capra représente le procès de l'honnêteté et de la bonté par la malveillance. Si Deeds peut sembler niais, n'est-il pas tout simplement humain ? Car faillible, imparfait, comme nous tous. Et c'est de ses failles, du revers de ses qualités, que veulent profiter les autres. Mais ces autres c'est aussi nous, face à l'ingénuité, à la faiblesse. Capra est friand de ces fables sociales, à l'image de « La Vie est belle » ou « Vous ne l'emporterez pas avec vous » (au titre éloquent). A travers ses films, il ne cesse d'interroger l'avidité des Américains de son temps et leur rapport à l'argent. Comme pour dire que l'argent corrompt tout s'il n'est pas utilisé à bon escient. Que l'essentiel n'est pas là, qu'il réside dans la foi en l'homme. En somme que la seule chose qui nous reste à la fin, c'est notre irréductible et si précieuse humanité.

[4/4]

samedi 9 avril 2016

« The Assassin » (Cìkè niè yǐnniáng) de Hou Hsiao-Hsien (2016)

    « The Assassin » est clairement un film de genre, plus précisément un Wu Xia Pian, soit un film historique d'art martial aérien, avec des combats défiant les lois de la gravité. Mais le Wu Xia Pian est un genre multiple, et surtout qui s'est réinventé ces dernières années, devant la caméra de réalisateurs à la sensibilité particulière. A mon sens, « Tigre et Dragon » d'Ang Lee fait partie des réussites, les films boursouflés de Zhang Yimou (« Hero », « Le Secret des poignards volants », « La Cité interdite ») des ratages complets. « The Grandmaster » de Wong Kar Wai demeure dans le ventre mou, pas complètement raté, mais pas spécialement réussi. Je classerais « The Assassin » dans la première catégorie, celle des réussites. Deux ingrédients me semblent nécessaires pour faire un bon Wu Xia Pian. D'abord qu'il ne se limite pas à son genre : que ce soit un film de qualité, avec un bon scénario, de bons acteurs et une belle réalisation. Deuxièmement, que les fameux combats chorégraphiés soient crédibles, plausibles, malgré leur invraisemblance inévitable : difficile équilibre à trouver, que je n'ai véritablement rencontré que chez Ang Lee. Maintenant parlons plus en détail de « The Assassin ». J'y ai trouvé les mêmes qualités et les même défauts que dans les autres film de Hou Hsiao-Hsien que j'ai déjà vus (Les Fleurs de Shanghai et Millenium Mambo). Visuellement, c'est un film époustouflant. Les cadrages sont parfaits, les couleurs chatoyantes, les prises de vues en extérieur révèlent une nature fougueuse, indomptée, sauvage. Du grand grand art. Le film reste sobre, notamment dans les quelques (et rares) combats qui émaillent le récit, tant mieux. Voilà pour les qualités. Pour ce qui est du principal défaut que j'ai relevé : il me semble qu'il y ait un problème de rythme. Le cinéaste taïwanais étire ses plans dans la durée jusqu'à ce que mort s'ensuive (ou presque). Exemple : plan américain sur un personnage qui regarde ailleurs pendant une minute, parle, puis se tait, et la caméra continue à filmer ce silence. C'est assez particulier… Et pour tout dire assez artificiel. Mais paradoxalement cela confère également au long métrage un caractère résolument contemplatif, qui tranche avec la violence (modérée) des combats. Donc si ça me semble être un défaut, qui empêche une immersion à 100% dans le film, ce n'est pas non plus rédhibitoire. Au total, « The Assassin » est un Wu Xian Pian d'auteur, si je puis dire. Un film original, qui brise les codes du genre pour mieux se les réapproprier. Et qui nous fait passer un agréable moment, dépaysant, pour qui ne s'est pas endormi sur place bien sûr. La première bonne surprise de cette année me concernant.

[3/4]

samedi 2 avril 2016

« Le Convoi des braves » (Wagon Master) de John Ford (1950)

    « Le Convoi des braves » (encore une traduction française pompeuse d'un titre original bien plus subtil pour un film de Ford) est très représentatif de l'art du cinéaste américain. A vrai dire, tout semble harmonieux et couler de source, à tel point que c'est peut-être l'un de ses films les plus réjouissants, l'air de rien. J'y repense encore plusieurs semaines après l'avoir vu. A première vue pourtant, le sujet n'est pas spécialement extraordinaire. Tout d'abord il met en scène des Mormons austères, partis en quête de la Terre promise. De plus, la majeure partie du film consiste à suivre leur exode, cette longue caravane de chariots, dans une nature hostile. Enfin, il n'y a pas à proprement parler de héros dans ce long métrage, plutôt une mosaïque de personnages, tous traités avec la même attention. Maintenant, examinons ces aspects plus en profondeur. Certes oui, c'est simplement « une histoire de Mormons ». Mais on s'en doute, dépeints par Ford, ils sont plus attachants à mesure que se déploie l'intrigue : untel jure comme un charretier, la grand-mère s'en donne à cœur joie quand elle joue de la trompe dès qu'il s'agit de remettre en marche la troupe, certains sont jaloux... Et qui plus est, d'autres personnages viennent pimenter le récit, dont une troupe de saltimbanques accueillis fraichement par nos Mormons puritains, qui les voient rejoindre leur périple d'un mauvais œil. Un aspect qui rappelle la prostituée de « La Chevauchée fantastique », elle aussi pointée du doigt par de vieilles dames inhospitalières... et inhumaines, malgré la foi qu'elles professaient. Parmi ces personnages additionnels (et non des moindres) signalons le fameux « wagon master » du titre américain, l'homme qui sert de guide à tous ces Mormons, après une scène de marchandage d'anthologie : un certain Travis Blue, excellemment interprété par Ben Johnson. Il joue en effet un jeune aventurier pas né de la dernière pluie, qui bien qu'aux manières rustiques et à première vue limité, connaît l'Ouest comme sa poche et ne manque pas de ressources face à l'imprévu. Il est accompagné d'un jeune « benêt » fort sympathique, incarné par un excellent - lui aussi - Harry Carey Jr. Comme toujours, Ford s'intéresse au choc des extrêmes, à la rencontre entre des personnalités opposées, matérialisées par ce trio : les Mormons, les deux aventuriers et les saltimbanques, chacun avec leur sens de l'honneur, leurs codes, leurs qualités et leurs défauts. Ainsi, le temps que passent ces personnages ensemble les humanise, ils apprennent à s'apprivoiser, et ressortent grandis de leurs péripéties. De tout cela ressort une galerie de personnages savoureuse, et l'on passe un fort agréable moment en leur compagnie. Sans oublier la colonne vertébrale de ce long métrage : la foi en un avenir meilleur, ce courage, cet allant qui pousse des familles, tant bien que mal, à traverser les États-Unis pour établir leur chez-soi à bien des kilomètres de leur foyer d'origine. Cet esprit de pionnier, Ford le retranscrit comme personne, et s'il le nuancera par la suite dans d'autres de ses films, c'est ici qu'il est peut-être le plus brillamment illustré. En bref, un film d'apparence modeste, qui figure à mon sens dans les grandes réussites de John Ford, ce qui n'est pas peu dire.

[4/4]

samedi 26 mars 2016

« Rendez-vous » (The Shop Around the Corner) d'Ernst Lubitsch (1940)

    « The Shop Around the Corner » (préférons ce titre plus éloquent au titre français bien fade...) est reconnu comme le chef-d’œuvre de Lubitsch. Et s'il n'est pas forcément le plus représentatif de son œuvre, c'est un film assez exceptionnel, notamment dans les thèmes qu'il brasse, et surtout dans la représentation de ses deux (anti-)héros. C'est en effet un des rares longs métrages à évoquer le chômage frontalement, dans un réalisme social louable et qui lui confère une intemporalité d'autant plus criante à notre époque où le travail se fait rare... Bien des situations de ce film parleront donc au spectateur d'aujourd'hui. Mais plus encore, ce qui fait son intemporalité et même son universalité, c'est ce couple interprété magistralement, tout en nuances et en finesse, par James Stewart et Margaret Sullavan. Car ces deux personnages principaux sont bourrés de petits défauts, comme tout être humain qui se respecte, loin des héros en deux dimensions que l'on nous sert trop souvent... Alfred Kralik (Stewart) est un jeune vendeur en chef un peu pédant, méticuleux, un peu grognon et surtout direct, très voire trop direct, que ce soit avec les femmes ou son patron. Klara Novak (Sullavan), quant à elle, est une jeune femme charmante mais assez irritante, tantôt fragile (lorsqu'elle cherche un nouvel emploi) tantôt un peu trop sûre d'elle, n'hésitant pas à taquiner les hommes, surtout ceux qui lui opposent de la résistance. Forcément, ces deux-là ne pouvaient qu'entrer en conflit. On assiste alors, la majeure partie du long métrage, à ce jeu de « je t'aime - moi non plus », à ces deux êtres qui semblent s'aimer comme chien et chat... Bien sûr on se doute dès le début de l'issue, c'est d'ailleurs ce qui nous fait accepter ces chamailleries tellement réalistes qu'elles en deviennent légèrement exaspérantes. Pour autant par bien des détails, incluant la galerie fort sympathique de personnages secondaires, tout aussi essentiels au récit et à l'atmosphère de l'ensemble, Lubitsch nous dépeint une humanité attachante car imparfaite. Chacun a ses petites manies, sa personnalité, mais quand ses qualités ressortent lors d'un évènement particulier, alors ce personnage est comme transfiguré. Tout cela fait de « The Shop Around the Corner » un film particulier, très original, loin des canons et des standards hollywoodiens, mais proche d'une humanité qui confère au spectateur une joie communicative. Cela en fait donc un long métrage fort recommandable !

[4/4]

dimanche 20 mars 2016

« Les Ailes du désir » (Der Himmel über Berlin) de Wim Wenders (1987)

    Une pure merveille, de la première à la dernière seconde. A la fois très poétique, bourré d'humanité et proche de l'avant-gardisme (nombreuses sont les expérimentations sonores et visuelles), « Les Ailes du Désir » constitue le sommet de l’œuvre de Wim Wenders. Toute son équipe était alors en état de grâce. La photographie d'Henri Alekan est au-dessus de tout éloge, sa participation au long métrage étant essentielle. On peut dire qu'il est véritablement l'âme du film tant il sublime la réalité : sa maîtrise est ahurissante, que ce soit pour les séquences en noir et blanc ou en couleurs. Bruno Ganz est lui aussi tout à fait remarquable. Malgré ou plutôt grâce à un jeu d'acteur très épuré, il lui suffit d'un regard, d'un sourire pour donner vie à l'émotion la plus franche. Je suis d'ailleurs longtemps resté marqué par son sourire, tant il incarne à merveille la bienveillance, d'une façon totalement désarmante. Les autres acteurs, de Peter Falk à Solveig Dommartin, sont tout autant dignes de louanges. Et puis Wim Wenders. Sa caméra virtuose est absolument incomparable. Sans compter tout ce qu'il a apporté au film, étant à l'origine du projet. Parler de Berlin, du mur, de l'Allemagne, de son histoire... mais aussi parler de lui, de son enfance,... et même de la vie, de l'humanité... Rien que ça. Pourtant tout se tient, ça marche, son film est d'une richesse, visuelle comme thématique, peu commune! Et ce sans jamais se départir de son humilité et de sa simplicité exemplaires, malgré l'audace de l'ensemble. On peut aussi évoquer la musique magnifique de Jürgen Knieper, le travail époustouflant sur la bande sonore, ou encore le génie des textes de Peter Handke et Rainer Maria Rilke (grande influence de Wenders). « Paris, Texas » était déjà un film exceptionnel, avec « Les Ailes du Désir » Wim Wenders a réussi à faire encore (et largement) mieux. Ça semblait impossible, et pourtant... Inutile de préciser combien il serait triste de passer à côté d'une telle splendeur. Un des plus grands chefs-d’œuvre des années 80. Et du 7ème art.

[4/4]

samedi 5 mars 2016

« Un merveilleux dimanche » (Subarashiki nichiyobi) d'Akira Kurosawa (1947)

    La Nouvelle Vague aurait-elle trouvé en Akira Kurosawa l'un de ses plus illustres prédécesseurs ? Car « Un Merveilleux Dimanche » annonce indéniablement par bien des aspects les films des « jeunes turcs » français : que ce soit par ses thèmes (le couple, l'errance, la société,...), son esthétique, tantôt expressionniste tantôt moderne (et même parfois surprenante d'audace !), toujours sublime, ou encore son traitement : la journée d'un couple fauché dans un Japon d'après guerre, tout simplement. Il faut dire que Kurosawa puise lui-même dans un autre héritage marquant de la Nouvelle Vague : le cinéma français des années 30, et plus particulièrement le « réalisme poétique ». Toutefois l'art de Kurosawa n'appartient qu'à lui, et il fait de ce long métrage qui ne paie pas de mine au premier abord un magnifique moment de poésie, affirmant une fois de plus le pouvoir de l'imaginaire humain (« Un Merveilleux Dimanche » anticipe en un sens « Dodes'kaden ») et même de sa mise en scène : une fois encore sa gestion du cadre, des mouvements, des corps est proprement impressionnante sans jamais alourdir le propos, simple mais touchant. Si la question financière délimite le cadre de l'action (comment passer un dimanche à Tokyo avec 35 yens en poche?), Kurosawa se focalise surtout sur le couple, ses hauts et ses bas, sur les responsabilités ou les enjeux moraux qu'il implique... tout en brossant en filigrane le tableau social d'une époque difficile, un peu dans la veine du néoréalisme italien, autre de ses grandes influences. Si ce long métrage a été longtemps introuvable, il bénéficie aujourd'hui d'une édition DVD digne de ce nom, et ce n'est que justice ! Car il mérite largement sa place au sein de la filmographie du cinéaste nippon : c'est tout sauf un film mineur. Une merveille de plus à mettre au crédit de Kurosawa, à voir absolument !

[3/4]

samedi 20 février 2016

« Painting With » d'Animal Collective (2016)

    La première écoute de « Painting With » déroute. Le son est dur, aride, et plein de bruits intempestifs gâchent le plaisir auditif. On les entend beaucoup, et même beaucoup trop : et pour cause, le « reste », ou plutôt l'important à mes yeux, à savoir les mélodies, ont disparu corps et biens... Je dirais même corps et âme... Ce qui ressort de cette première écoute, c'est un sentiment de mollesse mélodique, de vacuité, comme un essai vain, qui n'apporte pas grand chose au schmilblick. Tout comme certains groupes (Radiohead pour ne pas le citer), on commence depuis plusieurs albums à relever des tics récurrents de composition chez Animal Collective (mais aussi dans les albums solo d'Avey Tare et Panda Bear, chacun ayant les siens), et bien évidemment des tics de « mauvaise composition » si j'ose dire, des tics de facilité. Mais ce qui déconcerte le plus, c'est l'absence d'audace dans cet album. Il ne faut pas se fier aux apparences, la structure des morceaux est très convenue, tout comme les mélodies tristement banales, et la production au premier abord « expérimentale » n'est en réalité que poudre aux yeux, je vais y revenir. Car l'expérimentation au service d'un « beau mélodique » (j'y tiens) n'est hélas pas au rendez-vous. 

Et d'ailleurs les membres d'Animal Co ne me semblent pas au rendez-vous non plus, comme s'ils étaient fatigués, usés par le temps et leurs excursions en solo. Comme si l'album avait été sorti en urgence, comme s'ils ne savaient pas quoi en faire et voulaient s'en débarrasser. On sent comme un déséquilibre. Et de fait, « Painting With » est un peu ou prou un album de Panda Bear, Boys Latin servant de matrice à la plupart des morceaux du présent album. On se demande d'ailleurs où est passé le talent d'Avey Tare (si déterminant dans les productions signées conjointement sous le nom d'Animal Collective). La confrontation des deux têtes pensantes Avey Tare et Panda Bear avait jusque là (ou jusque « Centipede Hz ») fait des merveilles. Mais là ils semblent tourner à vide. Car oui la production est riche, très riche... mais trop riche, puisqu'aux dépens de la mélodie, du fond dirais-je (autant que je puisse exprimer avec des mots ce que je ressens). Animal Collective devient presque un groupe d'ambiant, là où leur force, à mon sens, résidait dans des mélodies très très belles, en creusant sous le vernis « foufou » auquel on les résume (et réduit) trop souvent. Cf. l'EP extraordinaire « Fall Be Kind » où chaque chanson est géniale, et surtout d'une grande beauté mélodique. Ici, le trop plein de production masque le manque d'inspiration me semble-t-il. 

Après le décevant « Centipede Hz », de la musique du groupe new-yorkais, il ne reste plus que les zigouigouis... Je dirais d'ailleurs la même chose du dernier Panda Bear. Où sont passées les mélodies « à la Panda Bear » (comme je les appelais il fut un temps qui me paraît loin, aux alentours de 2009 - 2011) ? Les Rosie Oh ? Les I Think I Can ? Les Screens ? La moitié de « Centipede Hz » était réussie, l'autre ratée. De tout « Painting With »... je ne retiens que On Delay, ou plus précisément le morceau à partir de 2 min... le moment où il décolle vraiment, avec un piano magnifique (gâché par un bruit inutile au passage)... et une envolée « à la Panda Bear ». Le mot est galvaudé, mais une envolée... magique. Alors certes, quelques chansons ici et là (Bagels in Kiev, FloriDada, Golden Gal) valent le détour, mais rien ne vaut ce passage... qui ne vaut pas un dixième de « Fall Be Kind » (ou des autres grands albums du groupe : « Feels »,  « Strawberry Jam », « Merriweather »...). 

Je commence à ne plus croire en ce groupe et en sa capacité à se renouveler, à produire encore de la musique de qualité, passionnante ou ne serait-ce qu'intéressante, et ça me fait bien de la peine de le dire...

Note: je n'ai écouté que 3-4 fois l'album, avec le temps mon avis évoluera peut-être en bien comme pour « Centipede Hz »... mais là ils partent de beaucoup plus loin (plus bas), donc pas sûr que je révise mon jugement...

[2/4]

samedi 6 février 2016

« Minuit à Paris » (Midnight in Paris) de Woody Allen (2011) – (2)

    Autant l'annoncer tout de suite : « Minuit à Paris » est la libre adaptation cinématographique de « Paris est une fête », ouvrage écrit par Ernest Hemingway. Au matériau d'origine, dont Woody Allen ne reprend que l'esprit et certains personnages, le réalisateur greffe ses thèmes de prédilection. Ce film est donc composite, tournant autour de deux grandes sensibilités : celle d'Hemingway et celle d'Allen. Et pour tout dire, seuls les passages inspirés par Hem' valent le coup, car pour le reste on a toujours le droit aux mêmes personnages névrosés, à cette figure conflictuelle du couple, à l'infantilité du personnage principal, anti-héros tout ce qu'il y a de plus « allenien », et tout ce qu'il y a de plus horripilant, à cette conception rabougrie de la vie qui me déplaît tant chez ce cinéaste pleurnichard. Si par contre on s'attarde sur ces passages fantasmés, sur ces moments ou l'écrivain joué par Owen Wilson s'aventure dans le Paris de l'entre-deux-guerres, on ne peut qu'être séduit par ces personnages hauts en couleur, et surtout brillamment brossés en quelques traits bien sentis. Adrian Brody en Dali vaut son pesant de cacahuètes, et si je dois bien reconnaître un seul mérite à Woody Allen, c'est de faire revivre avec talent ces personnalités d'alors, l'espace de quelques minutes, à l'image de cet Hemingway qui déclame ses tirades bravaches, droit dans les yeux du héros, comme si sa vie en dépendait, avec son style littéraire si particulier (ce fameux enchaînement de « et » dans ses phrases à rallonge). Gertrude Stein est bien jouée, tout comme Fitzgerald et sa femme Zelda. Et on finit même par se sentir galvanisé, porté par cette énergie créatrice, qui émane avant tout de l'ouvrage génial d'Hemingway. Car il faut bien le dire, « Paris est une fête » est si réjouissant et si puissant dans sa simplicité joyeuse qu'il peut bien donner lieu à des dizaines de films sans que l'on puisse épuiser sa force originelle ! Mais il faut aussi concéder à Woody Allen l'humour avec lequel il redonne vie aux personnages de l'époque. Pour le reste, passés ces moments, on retombe dans du Woody Allen tout ce qu'il y a de plus convenu : une mise en scène flasque, des problématiques d'adulescents, des enjeux maigrelets, une portée extrêmement limitée. Avec une dernière concession : le Paris d'aujourd'hui qui est filmé, même arrangé et grimé, est décidément d'une beauté… Peut-être l'un des meilleurs Allen, ce qui en fait un film moyen, mais agréable tout de même.

[2/4]

samedi 16 janvier 2016

« Paris est une fête » (A Moveable Feast) d'Ernest Hemingway (1964)

    La récente popularité de « Paris est une fête », avec ces tristes évènements de 2015 que l'on connaît tous, m'a, comme bien d'autres, poussé à me pencher sur son cas. Ne sachant pas à quoi m'attendre, je n'avais pas d'idées préconçues, si ce n'est que le titre me paraissait alléchant. Bien m'en a pris, car qui cherche une succession de scènes de fêtes et de réjouissances dans le Paris des années 20 serait déçu. La fête dont parle Hemingway est ailleurs. Paris est une fête car alors tout y semble simple, et Hemingway y vivait heureux avec sa femme. C'était d'ailleurs peut-être le moment le plus heureux de sa vie, avec la période qui a suivi, avec sa seconde femme, Pauline. Cet ouvrage est construit autour d'une collection de « vignettes parisiennes », chaque chapitre formant à peu près une histoire indépendante des autres, visant à illustrer tel ou tel aspect de la vie à Paris d'alors, ou le caractère et le comportement des nombreux personnages que Hemingway avait rencontrés, des plus illustres (Francis Scott Fitzgerald, Gertrude Stein, Ezra Pound…) aux plus humbles (des serveurs de cafés fort sympathiques, le chauffeur de voiture de Fitzgerald exaspéré par ses excentricités, un ex-soldat de la Grande Guerre truculent…). Outre la galerie de personnages sacrément haute en couleur, ce qui fait l'intérêt de ce livre, c'est la retranscription de « l'art de vivre » à la française. Dans un style presque journalistique, concis (ce qui donne d'autant plus de force au récit), Hemingway nous parle de ses repas plantureux, de ces vins fort appréciables, de ces terrasses de café, si belles, et qui nous sont si chères, jusqu'à en avoir coûté la vie à des gens qui profitaient simplement d'un bon moment avec leurs proches… Hemingway travaillait lui-même attablé à un café, la Closerie des Lilas, et il nous raconte avec précision ses sentiments d'alors, et même comment il écrivait, c'est-à-dire son processus d'écriture, sa ou ses méthodes de travail (fort simples au demeurant). Et cet aspect là de « Paris est une fête » est tout bonnement passionnant, on apprend beaucoup, mine de rien, sur ce sujet. Mais ce qui est touchant, c'est avant tout le portrait qu'il fait de sa femme et de son couple. Ils étaient très pauvres, mais aussi (était-ce lié ?) très heureux. Et comme certains passages le suggèrent, le véritable héros, ou plutôt la véritable héroïne de ce récit, c'est Hadley Richardson, sa première femme. Simple et joyeuse, il semble en effet qu'elle et Hemingway se soient beaucoup aimés, et je crois bien que toute sa vie, il garda beaucoup d'affection pour elle. De sorte, d'ailleurs, qu'elle figure en toute première place du dernier ouvrage qu'il ait écrit avant de mourir. Par bien des aspects, ce livre est réjouissant. Si je devais le résumer en quelques mots, je dirais qu'il s'agit d'une belle photographie, d'un bel instantané d'alors. Mais pas une photo sépia ou en noir et blanc : une photo en couleur, comme celles du musée Albert Kahn, prises au début du XXème siècle et qui nous donnent l'incroyable impression d'y être. Un instantané vivant, qui nous fait revivre cette époque, et par dessus tout combien Paris était une ville magnifique, la ville de tous les possibles. Oui, Paris était, et est toujours bien une fête.

[4/4]

dimanche 10 janvier 2016

« Les Huit Salopards » (The Hateful Eight) de Quentin Tarantino (2016)

    S'il y a quelque chose que je ne comprends pas avec Tarantino et ses adorateurs, c'est le fait de trouver jouissif des mecs qui gerbent du sang, qui se font exploser la tête ou couper le bras à coups de machette... Ou pire, de casser le nez et la mâchoire d'une femme à grands renforts de coups de coude ou de pied. Hilarant. Que ça choque, voire que ça fasse rire (jaune) tellement c'est excessif, à la limite... Mais trouver ça « super fun » ou « jouissif », non là ça me dépasse. Car que nous propose Tarantino ? Un petit jeu de massacre gratuit, bête et méchant, que seuls les sadiques en puissance sauront apprécier à sa juste valeur. Expert du copié collé, Tarantino pompe allègrement sur des vrais cinéastes : Kurosawa, Leone, Godard... qui eux, savaient raconter une histoire. Ici ça se traîne invraisemblablement : 2h47 de film, je veux bien si c'est « Les Sept Samouraïs », où chaque plan est à tomber, et pour le moins beau car travaillé (avec talent faut-il préciser, pour éviter tout malentendu et toute confusion avec le piètre faiseur bas du front qu'est Tarantino). Là on a des champs-contrechamps en veux-tu en voilà, des images sans intérêt, des cadrages mous, des objets qui parasitent les plans, bref une paresse honteuse, mal masquée par cet art si révéré de nos jours de la citation, et non plus de la création, car c'est has been de créer quand il suffit de flatter le spectateur et le critique en plaçant quelques références bien senties ici et là. Tarantino nous prend pour des buses et nous refait pour la huitième fois (car c'est son huitième film, on le saura : trop intelligent le mec, il a mis des huit partout. On m'a dit que c'était le double du nombre de ses neurones, ça doit donc être un signe) le coup du scénario en casse-tête chinois. Sauf que là il s'est pas trop cassé la tête, et qu'un flash back suffira à révéler le pourquoi du comment, sauf qu'en fait on s'en fout. Tout ça pour ça ? Je veux dire, un scénario à l'envers, est-ce là tout l'intérêt, toute la puissance de ce film et de Tarantino ? Un simple exercice de style (pour ne pas dire un effet de manche), est-ce que c'est ça le fameux « Hateful Eight » tant attendu ? Hélas oui, j'en ai bien peur. Un exercice de style vain et douteux (mais là je me répète, je dis ça de chacun de ses films). Des acteurs qui cabotinent à n'en plus finir, une pâle resucée de « Reservoir Dogs », qui avait au moins le mérite d'innover (il faut dire qu'à l'époque on découvrait Tarantino, il ne nous avait pas encore saoulé par sa connerie crasse). Et puis les dialogues, il faut en parler des dialogues. Des tirades de 20 minutes pour parler de la pluie et du beau temps, et accessoirement « chier des nègres » (sic, je cite le Grand Monsieur qu'est Tarantino). Jouissif. Trop jouissif. Le mec sort des blagues racistes à faire pâlir Le Pen toutes les 3 secondes ou nous parle de sa bite pendant un quart d'heure, ça c'est vraiment le summum du jouissif. Bref, je vais m'arrêter là de citer Taranticon pour notre bien à tous, et préfère vous prévenir : si vous avec plus de 15 ans d'âge mental, passez votre chemin.

[0/4]

mardi 5 janvier 2016

« Le Petit Prince » de Mark Osborne (2015)

    Je m'y attendais. La bande-annonce et l'affiche le laissaient entendre : l'adaptation du Petit Prince de Saint-Exupéry se ferait en deux techniques d'animation, en images de synthèse et en stop-motion (animation image par image, ici avec un rendu proche du papier crépon). Très vite la différence se faisait sentir dans ces premiers aperçus du rendu final, et s'est révélée conforme à ce que j'appréhendais lorsque j'ai vu le film : la partie en images de synthèse est très laide, notamment les personnages, qui sont fort disgracieux (sans doute pour ne pas trop faire artificiel s'est-on senti obligé de leur mettre un gros nez et des yeux de travers...). Par contre la partie en stop-motion est belle à pleurer. Ça fait très longtemps que je n'avais pas vu quelque chose d'aussi beau en animation, exceptées les dernières productions du studio Ghibli (et encore). Sans doute faut-il remonter à Youri Norstein, ce grand monsieur de l'animation image par image, hélas proche de la retraite. Oui je le répète, ces quelques moments, qui doivent bien composer le tiers du film, sont à tomber. D'autant que ce sont ces moments qui collent à l'histoire d'origine du Petit Prince, qui faut-il le rappeler, est génialement poétique et profonde. Car oui, j'ai oublié de vous le dire, l'autre partie du film (celle en images de synthèse...) brode autour du matériau originel pour former une autre histoire, sans doute plus proche de la réalité des jeunes enfants d'aujourd'hui. Et là je suis mitigé. D'un côté, la grande machine à « entertainment » anglo-saxonne a encore frappé : humour bancal, merveilleux « forcé » et de pacotille, simili-Ghibli (j'ai d'ailleurs cru voir des références à Chihiro) mais plus proche des défauts des Pixar et autres Dreamworks, fantastique et anticipation déjà vus... Bref, du pilotage automatique. D'un autre côté, cette partie plus actuelle met l'accent sur ce que dénonce à l'origine Saint-Ex dans son ouvrage phare : le désenchantement des adultes, et la prépondérance croissante de l'utilitarisme économique dans notre vie de tous les jours... On n'est pas loin de la fourmilière qu'il redoutait tant et dont il parlait dans d'autres de ses écrits... Donc là, sur ce point, je trouve ça assez bien vu. C'est bien plus grossier que la « vraie » histoire du Petit Prince, mais comparé à n'importe quel long métrage d'animation lambda, ça n'est pas si mal. On retrouve ainsi la dimension philosophique et adulte du Petit Prince tel que pensé par Saint-Exupéry. Pour conclure, je suis donc mitigé en ce qui concerne l'ensemble du long métrage, sorte de matériau composite mal amalgamé... mais conquis par ces passages en stop-motion de toute beauté ! 4/4 pour la partie stop-motion, 1/4 pour la partie en images de synthèse... en arrondissant on arrive à une moyenne de 2/4.

[2/4]

mercredi 30 décembre 2015

« Star Wars, épisode VII : Le Réveil de la Force » (Star Wars Episode VII: The Force Awakens) de J. J. Abrams

    Je n'attendais pas grand chose de ce Star Wars là. A vrai dire, Star Wars est pour moi un souvenir de jeunesse, qui m'enthousiasmait à l'époque, mais plus tellement maintenant. J'ai vu plusieurs fois les épisodes 4, 5 et 6, mais il y a longtemps de cela. Plus récemment, j'avais vu les épisodes 1, 2 et 3 à leur sortie. Cela fait donc un moment tout de même. Dans mon souvenir, les épisodes 4, 5 et 6 faisaient la part belle à l'aventure et à l'humour, avec un scénario assez brillant je dois le dire, mais souffraient d'un visuel assez dépassé. Ce point a été plus ou moins corrigé avec les épisodes 1, 2 et 3, qui malgré une avalanche d'effets spéciaux un peu indigeste réussissaient à redonner un coup de jeune à la saga. Par contre, si le paquet a été mis sur le visuel pour ces 3 épisodes, ça s'est fait aux dépens du scénario. L'épisode 1 était intéressant (sans doute le meilleur des 3), le 2 était haletant quoique bancal, mais le 3 ne servait qu'à donner naissance à Dark Vador, et n'est plus ou moins qu'une coquille vide. Parlons maintenant des acteurs. Harrison Ford était très sympathique, en baroudeur galactique. Mark Hamill s'en sortait pas trop mal, et Carrie Fisher non plus. Et bien sûr, Dark Vador avait une présence très forte malgré (ou grâce à) son célèbre masque. Voilà pour les épisodes 4, 5 et 6. Hélas, le casting fut à moitié raté pour les épisodes 1, 2 et 3. Liam Neeson et Ewan McGregor étaient excellent. Mais Natalie Portman m'a déçu. Bien dans le 1, mais franchement pas terrible dans les épisodes 2 et 3. Et le pire : Anakin Skywalker adulescent dans les épisodes 2 et 3. Hayden Christensen avait le charisme d'une huître ou plutôt d'un Justin Bieber échevelé et mal peigné… Par conséquent, difficile pour lui de porter un rôle si important…

Bien. Une fois fait cet inventaire, attardons nous sur cet épisode 7. Le début commence bien. L'histoire de Finn est intéressante et originale : un héros qui se démarque des autres, bien vu. Celle de Rey est par contre déjà vue (ce qui va sonner comme un refrain) : la pauvresse perdue sur une planète désertique et abandonnée par ses parents… Tiens mais ça n'est pas déjà dans l'épisode 4 ? A ce moment là je commence à me dire que c'est louche. Et puis quoi, la Résistance (les gentils) est aux prises avec le Premier Ordre (les méchants)… Ça ne vous rappelle rien ? Et bien sûr les méchants ont construits une Etoile de la Mort bis… Ah non, on me dit dans l'oreillette qu'elle est plus grosse. Original n'est-ce pas ? Et que vont faire nos gentils ? Attendez je revisionne l'épisode 4 : ils vont tenter de la détruire, non ? Bien vu, tout pareil dans l'épisode 7… Alors faisons les comptes. Plus de 2h pour voir un film dont on connaît à l'avance ce qui va se passer, ne nous offrant pas grand chose de neuf sous la dent. C'est ça le nouveau Star Wars ? Et oui… Heureusement, le casting n'est pas trop mal. Je dis pas trop mal parce que les deux acteurs principaux, Daisy Ridley (Rey) et John Boyega (Finn) incarnent plutôt bien leur rôle, et malgré quelques réserves au moment de leur apparition, on finit par vouloir connaître la suite de leurs aventures. Pas trop mal, je souligne mal, parce que les deux méchants, Voldemort et son bras droit boutonneux ne sont pas crédibles et n'impressionnent pas… Difficile d'égaler Dark Vador et Palpatine, je le reconnais, mais là ils n'arrivent pas à leur cheville. Bref, heureusement qu'il y a un minimum d'humour pour faire passer la pilule !

Car ce qui ressort finalement, au sortir de ce film, c'est une impression de vide intersidéral. Certes le long métrage est plaisant et divertissant (on ne s'ennuie pas une seconde), mais il ne surprend pas non plus, il déroule sa trame en pilotage automatique, de sorte à ne plus ressembler qu'à un joujou purement visuel et sans grande saveur, bourré d'auto-références… Si bien que je trouve les épisodes 1, 2 et 3 nettement plus inventifs que ce tant attendu épisode 7… Deux fautifs pour moi. Premièrement J. J. Abrams, qui bien que je le connaisse peu, me semble avoir des références cinématographiques et artistiques superficielles (Lucas et Spielberg et on ne va pas chercher plus loin), et ne sait manifestement pas écrire un scénario de long métrage digne de ce nom, avec un minimum de densité et non des scènes d'actions sans grand intérêt à n'en plus finir. Et deuxièmement, surtout les studios Disney, qui avec une des licences les plus puissantes du monde cinématographique avaient les coudées franches pour oser, et qui ont préféré jouer les rentiers, se contentant d'un service minimum qui certes ne dénature pas fondamentalement l'univers Star Wars, mais qui ne satisfait même pas le non fan de la saga que je suis… C'est dire la qualité pour le moins relative de cet opus. Maintenant, il ne reste plus qu'à attendre la suite. Je le dis franchement, j'ai hâte de voir les 2 prochains épisodes. Et j'attendrai la fin de cette trilogie pour porter un jugement définitif : ou l'épisode 7 est un peu un brouillon qui inaugure de grands épisodes, ou il reflète la qualité de la trilogie à venir, et dans ce cas, ça risque d'être une cruelle déception… Sauf pour Disney, bien sûr, qui une fois de plus a réussi à mettre en place une machine à sous de rêve (cf. les nombreux articles dans la presse économique) pour compenser un déficit inquiétant de savoir-faire et de créativité…

[2/4]

lundi 28 décembre 2015

« Sous le soleil de minuit » de Juan Díaz Canales et Rubén Pellejero (2015)

    Non, je dis non. Pas comme ça. Faire renaître Corto Maltese n'était pas une mauvaise idée, mais c'est peu dire que l'attente était grande, car il ne s'agit pas de n'importe quelle série : ses sommets sont de grands moments de poésie et d'aventure, dignes de Conrad ou Stevenson, servis par un coup de crayon exceptionnel car très original. Et là, que nous offre-t-on ? Une bouillasse infâme, un mélange d'humour scolaire, de semblant d'aventure sans aucun souffle, le tout dessiné avec les pieds, même s'agissant de Corto... Il y a bien deux genres d'albums de reprise, ceux qui osent et qui font quasiment jeu égal avec les albums d'origine, pour notre bonheur à tous, et les pompes à fric, ceux qui sucent ce qu'il y avait de meilleur dans la série pour accoucher d'une souris. Clairement, « Sous le soleil de minuit » fait partie de la funeste seconde catégorie... Par où commencer ? Eh bien par les premières pages. Qu'est-ce que c'est que ces ellipses à répétition (et malvenues) ? Corto et Raspoutine discutent, ils sont en Arctique. Puis ils continuent à discuter, mais au Mexique où dans un autre endroit aussi chaud. Soit. Comment sont-ils arrivés là ? On ne sait pas. Puis l'histoire commence, et là une fois de plus rien à voir, autres lieux, autres personnages. A quoi servait l'introduction avec Raspoutine, que nous ne reverrons plus jamais durant l'album ? A rien, si ce n'est à servir de teaser menteur dans les pages du Figaro... Et tout l'album est de cet acabit. Les ellipses brutales s'enchaînent, le scénario est haché... à la hache, et surtout, l'histoire est très décevante. Où est l'aventure ? Où sont les personnages complexes et hauts en couleur ? Ici il n'y a que des frustrés qui deviennent méchants... à grands renforts d'explications sur comment ils sont devenus méchants, avec flash-back sur leur enfance... Sans que ça serve le moins du monde le propos. Les morts s’empilent, mais aucun souffle, rien, tout reste cruellement artificiel, cousu de fil blanc. Et que dire du dessin ? Le visage de Corto est réussi deux fois sur trois (et encore), certes, mais son corps ? Souvent de travers, esquissant un mouvement maladroit... Et les personnages secondaires, c'est-à-dire tous les autres personnages sauf Corto ? Ratés. Rien à voir avec le trait d'Hugo Pratt. Je veux bien avoir affaire à quelque chose de neuf comme avec Ted Benoît ou André Juillard pour Blake et Mortimer, mais là, c'est franchement moche... Et que dire des décors, à peu de choses près du foutage de gueule : on esquisse le bord des arbres et on griffonne un peu, et voilà, on ne se foule pas trop ! Vraiment, quelle déception que cet album annoncé à grands renforts de publicité tonitruante... Je ne retrouve pas du tout l'esprit de la série, juste des clichés et un semblant d'histoire bâclée, sans âme... Hélas, Corto Maltese est bien mort...

[1/4]

« Le Papyrus de César » de Didier Conrad et Jean-Yves Ferri (2015)

    2015. Des affiches fleurissent dans les gares et dans les villes : un nouvel Astérix et Obélix sort, intitulé « Le Papyrus de César ». Curieusement je trouve que l'humour de ces affiches fait mouche, ridiculisant César et son papyrus. Mais que raconte cette histoire ? Et que dit ce fameux papyrus ? L'envie d'en savoir plus se fait insistante. Maintenant que j'ai fini de lire cette bande dessinée, je peux dire qu'elle est à la hauteur de l'attente. Oh, rien d'extraordinaire, mais oui l'humour est toujours aussi bon que dans « Astérix chez les Pictes », si pas meilleur, et les auteurs prennent davantage de liberté, osent vraiment proposer quelque chose de neuf tout en restant dans le cadre créé par Goscinny et Uderzo. Pour moi c'est la marque des bons « albums de reprise », ces albums reprenant des personnages ultra connus après la mort ou la défection de leurs créateurs. Des albums qui savent créer quelque chose d'original, tout en gardant le charme de la série, sans dénaturer leur esprit, comme si l'album était publié par le ou les créateurs en personne. On dirait même que les auteurs ont pris du plaisir à le réaliser, un plaisir communicatif ! Conrad et Ferri continuent donc sur leur lancée, et nous offrent de nouveau un album qui égale, voire qui dépasse les tous meilleurs albums solo d'Uderzo. Et j'ose le dire, on est pas bien loin de Goscinny. Nombreux sont les moments où j'ai bien rit, et le trait de Conrad rend décidément un bien bel hommage aux personnages dessinés originellement par Uderzo. En outre, une fois de plus, on a le droit à une véritable histoire, qui part d'un trait d'humour très bien vu. Alors oui, quelques maladresses demeurent, pourtant elles me semblent bien rares, et il faut le dire, l'album est fluide aussi bien du point de vue du scénario et des gags que du dessin. Franchement, et je me répète, c'est bluffant. J'attends donc avec impatience la suite des aventures de nos chers gaulois et de notre duo à l’œuvre !

[3/4]

« Wild » de Jean-Marc Vallée (2015)

    Road-movie existentiel, « Wild » touche plus par l'aventure humaine qui se déroule à l'écran que par des paysages pourtant somptueux. En effet, il s'agit de l'histoire vraie de Cheryl Strayed (tirée de son roman éponyme) qui après une vie d'errance et d'addiction à la drogue décide de parcourir le Pacific Crest Trail, le long de la côte ouest américaine, sur plus de 4 200 km. Livrée à elle-même, seule et sans la moindre expérience de la randonnée, elle avance au début lentement et difficilement... Mais au gré des rencontres et des conseils donnés, elle finit par trouver son rythme, et surtout après des jours de franche solitude, elle parvient peu à peu à se pardonner et à se sentir apaisée. Quand on assiste à cette aventure, on prend toute la mesure de l'exploit réalisé par Cheryl... Mais plus encore, ce qui est émouvant, c'est la relation qui la lie à sa mère, une femme modeste mais rayonnante, une battante qui pense qu'il vaut mieux prendre la vie du bon côté quoiqu'il arrive. A ce titre, Laura Dern est vraiment excellente. Reese Witherspoon s'en sort plutôt bien quant à elle, elle parvient à nous faire croire qu'un petit bout de femme a réussi à parcourir une telle distance sur des chemins difficiles par la seule force de sa volonté. En effet, même des randonneurs (masculins) plus aguerris finiront par abandonner... Pas elle. Ce qui est touchant aussi, c'est que l'auteure de cette histoire, la vraie Cheryl Strayed, a été fortement associée au long métrage, si bien qu'elle et son mari y jouent le rôle de figurants, et que leur fille joue l'héroïne quand elle était plus jeune. Surtout, cela permet que le film garde une fraicheur et une sincérité qui font mouche : si l'héroïne ne paraît pas toujours sous son meilleur jour, l'exploit qu'elle a accomplit n'en devient que plus fort, d'autant plus quand on connaît son haut degré de non préparation... Bref, sans toucher à mon sens à la grâce et à la profondeur de « The Way », « Wild » est une réussite sur le thème si galvaudé des road-movies qui a fleuri ces dernières années.

[3/4]