lundi 10 février 2014

« Toni » de Jean Renoir (1935)

    Est-il long métrage plus beau, plus simple, plus déchirant que « Toni » pour conter les espoirs les plus vifs comme les affres de l'immigration ? Tant de choses sont dites en moins d'une heure et demie... Il est vrai que chez Renoir, l'image a une force tellurique. Il y a une sorte de beauté primitive dans ses films. C'est comme s'il était le premier à utiliser le cinématographe, redécouvrant la beauté physique mais aussi intérieure des femmes et des hommes. Il y a beaucoup de maladresses, mais elles sont à l'image de l'art de Renoir : humaines. Tout simplement. Et l'on comprend vite que l'intérêt des longs métrages du cinéaste français ne réside pas dans leur rigueur formelle, pourtant bien plus manifeste qu'on ne pourrait le croire au premier abord, car Renoir est un fin dramaturge, et qui plus est un brillant metteur en scène (notons par exemple ces chanteurs italiens qui ponctuent magnifiquement bien le récit, à la manière des chœurs grecs antiques). Non, l'intérêt des films de Renoir, outre leur splendeur visuelle (inouïe)... ce sont ses personnages. Malgré leur malheur, Renoir a une véritable tendresse pour ses personnages, incarnés avec maladresse (ô combien touchante), une fois encore, mais avec tellement de vérité et de sincérité ! Lorsque Josepha se joue de Toni, par exemple, quand ils sont seuls sur un chemin désert, elle est ainsi irrésistible. Mais les hommes et les femmes ont bien du mal à s'aimer vraiment d'un amour réciproque. Alors, tristement, ils scellent leur destin par des actes désespérés. Mais « Toni » ce n'est pas seulement une tragédie amoureuse, c'est aussi un drame sur l'immigration. Le film débute sur des immigrés fraichement venus par le train, heureux de rejoindre la France, sans oublier toutefois leur pays. Et c'est ainsi que se clôt le long métrage : de nouveaux arrivants reprennent les mêmes chansons mi-joyeuses mi-nostalgiques, la routine des arrivées nouvelles ravalant l'histoire de Toni au rang de simple fait divers... Il y a une grande mélancolie chez Renoir. L'amour y est rarement récompensé, au risque de demeurer trop brûlant, trop intense pour une vie humaine. C'est alors dans l'amitié, dans la bonté, que les êtres humains soignent leur blessures, et trouvent la force pour vivre. Il faut donc louer la richesse du fond comme de la forme de l’œuvre de Jean Renoir. Rarement justesse d'interprétation, beauté visuelle et profondeur du propos ne se sont rencontrées avec autant d'élégance (et d'évidence) dans l'histoire du septième art que chez Renoir.

[4/4]

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