La bande annonce me l'avait très clairement fait
comprendre. Je savais que ce serait nul. Mais je m’étais dit que ça ferait une
sortie sympa entre amis. Et puis je comptais voir ce film un jour, donc autant
aller le voir sur grand écran. Or c'est encore plus mauvais que ce que
j'imaginais... Le long métrage de Ridley Scott consiste en une mise en image
très scolaire et très pauvre de la vie de Napoléon, avec des personnages ultra
schématiques et binaires, Napoléon en tête. Il y a une absence totale d'angle,
malgré la tentative ratée de faire défiler la vie de Bonaparte sous le prisme
de sa relation avec Joséphine. Scott balaie en 2h40 l’existence de Napoléon, du
siège de Toulon à son décès à Sainte-Hélène, en illustrant platement (et
bêtement) le tout. Autant dire que sans parti pris, ce projet était mort-né. Et
effectivement, c’est un désastre. Et de ce que j’ai entendu dire, la version
longue / Director’s cut qui nous est promise plus tard ne mettra que des
rustines, mais n’inversera pas la tendance.
Par où commencer devant cette accumulation de
mauvais choix ? Peut-être par ceux que l’on voit tout au long de ces 2h40.
Les deux acteurs principaux, Joaquin Phoenix et Vanessa Kirby sont très mauvais
et très mal dirigés. Phoenix est très sûr de lui-même, se sent un grand acteur
pénétré de génie, croyant incarner son personnage de façon fusionnelle… Mais à
aucun moment je n’ai vu Napoléon, je n’ai vu que Joaquin Phoenix jouer un petit
mec frustré à l’œil sombre et cabotiner à mort. Je n’ai pas cru une seule
seconde à son personnage. Quant à Vanessa Kirby, ce n’est guère mieux.
Plusieurs fois les personnages mentionnent son intelligence et son esprit. A
aucun moment je ne l’ai vu en faire usage, les dialogues étant d’une indigence
sans nom. Et puis pour un film construit sur l’amour entre Napoléon et Joséphine,
à aucun moment on ne sent une alchimie entre eux et encore moins de
l'attachement pour eux.
Il faut dire que le scénario et les dialogues
sont d'une rare médiocrité. La période révolutionnaire et napoléonienne fut
l'une des plus complexes et des plus passionnantes de l'Histoire. Ici tout est
expédié, les nombreux personnages historiques n'ont pas le temps d'exister à
l'écran, et sont de toute façon écrits à la truelle, comme tout Américain bas
du front le ferait en s'emparant de l'histoire de France pour s'adresser à un
public gavé de Marvel, « Barbie » et autres « Mario Bros. »
Aucune, je dis bien aucune intelligence dans l'écriture. C'est fou, quand on
connaît les traits d'esprit des grands personnages de ce temps... Quand on
connaît les personnalités extraordinaires des protagonistes de cette époque,
quel que soit leur camp…
Et puis rien sur les institutions créées par
Napoléon, qui ont traversé plusieurs siècles jusqu'à aujourd'hui, partout en Europe, pas seulement
en France. Rien sur son génie militaire. Rien sur son charisme et son aura, qui
ont entraîné des millions d'hommes à sa suite, même dans le camp adverse, où,
bien qu'haï il était admiré, voire parfois passionnément révéré. Rien non plus
sur ses zones d'ombres comme le rétablissement de l'esclavage. Pensez-vous :
trop complexe, pas assez binaire pour le public...
Alors est-ce que la mise en scène sauve Ridley le
Petit de la catastrophe ? Eh bien non. Avec le temps, les film d'Uncle Ridley
sont de plus en plus laids et de moins en moins inspirés. « Napoléon »
est l'un des films les plus moches qu'il ait réalisés. La mise en scène est
d'une paresse et d'une platitude sans nom. Aucun plan ne reste en tête. On
aurait dit un débutant qui découvre le cinématographe... Une docufiction de France
Télévisions aurait fait aussi bien visuellement, et sans doute beaucoup mieux
sur le fond. Il y a de la CGI dégueulasse partout, des filtres hideux, des
décors auxquels on ne croit pas, des effets spéciaux fauchés, trois pelés en
guise de figurants...
Plus jeune j’admirais Ridley Scott. Mais j’ai
fini assez vite par comprendre qu’il est toujours resté un chef opérateur, un
visuel, un habile faiseur d’images. Il n’a jamais été un auteur, un penseur, un
grand artiste. Film après film il nous l’a prouvé, réussissant, on ne sait
comment, à réaliser une poignée de chefs-d’œuvre dans sa carrière, brillants
sur la forme (mais assez vides sur le fond, déjà à l’époque). Et à côté de ça,
il nous a pondu une flopée de trucs bancals et de francs navets. Je n’ai pas
encore vu tous ses longs métrages, mais celui-ci est le pire qu’il m’ait été
donné de découvrir, et de loin. Déjà, parce qu’il est tout simplement raté sur
tous les aspects possibles. Mais en plus car il a l’ambition folle de traiter
un personnage et une époque éminemment complexes, en le faisant avec la
croyance qu’il va y apporter un regard nouveau, voire corrosif, avec une
écriture aussi peu travaillée. Alors que c’est d’une bêtise et d’une vulgarité
pitoyables…
Ce film est une débâcle totale... On sait que le
personnage de Napoléon est une montagne à gravir. Ridley s'est arrêté en
(morne) plaine, alourdi par son égo démesuré, incapable d'arriver au doigt de
pied de l'homme que fut Napoléon. Mais bon, pouvait-on en attendre autrement d’un
Britannique, et encore plus d’un réalisateur devenu aussi lamentable que Ridley
Scott ?
Ce qui est triste, c’est que beaucoup de
personnes dans le monde et notamment en France vont prendre ce film pour argent
comptant, vont boire les bonnes paroles de Tonton Ridley et s’arrêter là, en se
disant qu’ils ont bien compris qui fut Napoléon et ce que fut cette époque… Or
là, non seulement Ridley a une fois de plus tordu l’Histoire pour en faire son
jouet, mais en plus de ça il s’essuie les pieds sur Napoléon et la France.
Il ose dénombrer les morts « causés par Napoléon ».
Mais il oublie de dire que Napoléon a d’abord défendu la France, que l’Angleterre,
qui n’a jamais été rassasiée par son île, voulait écraser, avec l’aide des
autres nations européennes. En écrasant par la même occasion la République. Ce
qui gênait les Anglais, ce n’était pas Napoléon, mais la France, qu’ils ont
toujours voulu assujettir, ainsi que cette République qui osait montrer une alternative
à la monarchie. De plus, Napoléon a d’abord voulu négocier la paix (ce que
montre d’ailleurs Ridley dans le film), mais les Anglais lui ont rit au nez.
Ils ont voulu la guerre, ils l’ont eue… Même si bien sûr, on sait que Napoléon
n’a pas su s’arrêter à temps et a été rattrapé par son hubris…
Donc si vous voulez voir un film mal écrit, mal
joué, mal mis en scène, qui viole l’histoire, notamment celle de notre pays,
allez voir le « Napoléon » de Ridley Scott. Mais si vous voulez voir
un vrai bon film sur cette période, il y en plein d’autres !
Tout d’abord le « Napoléon » (1927) d’Abel
Gance, légendaire fresque en cours de restauration, qui devrait ressortir en
salles en milieu d’année prochaine, ou son « Austerlitz » (1960). « Guerre
et Paix » (1966) de Sergueï Bondartchouk, énorme film de 8h qui ressort en
ce moment en salles de cinéma, grâce à l’excellent distributeur et éditeur
Potemkine, et qui permet de voir le point de vue adverse. Ne le manquez surtout
pas ! Ce même réalisateur a également réalisé un « Waterloo » (1970)
paraît-il excellent. Le « Napoléon » (1955) de Sacha Guitry est
apparemment une version pleine de verve qui mérite aussi le coup d’œil. J’ai
même entendu dire que la mini-série télévisée « Napoléon » (2002) d’Yves
Simoneau, avec Christian Clavier dans le rôle-titre, est plutôt réussie, et
paraît même un chef-d’œuvre à côté de la version de Ridley Scott…
Donc vous voyez qu’il existe de vraies œuvres cinématographiques
dignes de ce nom sur Napoléon, qui méritent bien mieux d’être connues que ce
triste spectacle… Un conseil d’ami : n’allez pas gâcher votre esprit, vos
yeux, votre temps et votre argent devant ce film. Sinon, je vous aurais prévenu…
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