Une quinquagénaire suicidaire, mariée à un homme pour lequel elle n’éprouve visiblement plus grand chose, tente de combler son ennui existentiel abyssal et son manque cruel d’amour et d’affection en se laissant embarquer dans une relation charnelle sans lendemain avec un jeune étudiant en art. Celui-ci, de son côté, cherche un sens à donner à sa vie, tente de se sentir vivant dans ce type d’aventure sexuelle, et essaie vainement de décoller de sa triste réalité en s’adonnant aux drogues, sans y trouver le plaisir recherché. Au cours d’un déplacement en Italie, il rencontre un architecte torturé, ex soixante-huitard ravagé par les désillusions (amoureuses et politiques), dont la femme s’est tuée et qui cherche à se donner la mort… Chez Garrel, c’est bien connu, on ne rigole pas beaucoup. Mais avec «Le vent de la nuit», on atteint de tels sommets dans le caractère dépressif de son cinéma qu’on en viendrait presque à s’inquiéter pour la vie du cinéaste, un survivant dans une génération de suicidés. On retrouve ici les thématiques habituelles de Garrel : la rupture sentimentale, la drogue, la jeunesse perdue, la fin des utopies politiques, la nostalgie d’une révolution manquée… Mais la froideur de la mise en scène (que ne parviendra pas à réchauffer cette Porsche rouge un peu trop grossièrement symbolique) et l’aridité du propos recouvrent le tout d’un impénétrable voile de désespoir. On peine à s’intéresser à ces personnages caricaturaux, déjà morts, et on n’éprouve que peu d’empathie à l’égard de leur souffrance. Toute cette neurasthénie, qui traduit principalement un refus de vieillir, peut paraître au final bien futile, d’autant que Garrel assomme son film sous une gravité et un sérieux trop solennels pour générer une quelconque émotion. Alors certes, émerge de cette résignation totale et sans issue, de cette usure des personnages, une certaine impression neo-romantique, une mélancolie de la nostalgie et du désespoir qui peut ne pas laisser totalement indifférent. Mais ce sentiment est purement mortifère, ne débouche sur rien, ne dit rien, reste l’affaire personnelle de personnages qui ne me concernent pas. Là où Eustache balayait la question du suicide par une pirouette dans «La maman et la putain» (c’est trop sérieux pour qu’on en parle), Garrel ose s’y confronter et met en image son désespoir. Mais il se complaît peut-être un peu trop dans sa souffrance... On peut souhaiter que «Le vent de la nuit» ait eu une vertu thérapeutique pour son auteur mais en tant que spectateur, on reste grandement extérieur à ce malaise. A force de nous marteler que la vie est triste et ne vaut peut-être pas la peine d’être vécue, on finit par se dire que ce film ne vaut peut-être pas la peine d’être vu.
[1/4]
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