«Judex» est un film hommage de
Georges Franju au sérial muet du même nom réalisé un demi siècle plus tôt par
Louis Feuillade. Franju cherche à traduire un certain esprit du feuilleton
muet, mais le cinéaste peine à donner de l’intérêt à sa démarche. Par exemple,
pour nous rappeler qu’il réalise un hommage à un film muet, Franju glisse dans
son film quelques cartons complètement inutiles et superflus… Le cinéaste n’a
donc pas de plus riches idées de mise en scène? L’hommage de Franju n’apporte
rien, ne sert à rien (à part peut-être au cinéaste à se faire plaisir),
celui-ci se contentant de citer bêtement, en pastichant. Très vite, passée
l’illusion de la scène du bal, on en vient à vouloir couper le film pour
retourner à la source originale, déjà un peu faiblarde et qui était marquée par
une légèreté de ton qui faisait perdre sa complexité au cinéaste de la série
«Les Vampires»,... Malgré tout, la petite ritournelle de Maurice Jarre, le
visage angélique d’Edith Scob qui nous rappelle que Franju est le réalisateur
du très beau «Les yeux sans visage», et puis le jeu absolument ridicule des
comédiens, qui nous décroche deux ou trois sourires, maintiennent suffisamment
éveillée notre curiosité pour tenir jusqu’au bout. Mais que ce film est
anecdotique!... Je vais encore recevoir les foudres de ceux qui considèrent
Franju comme un incontournable artiste du cinéma français, mais «Judex» n’est
pour moi rien de plus qu’une petite comédie franchouillarde, à peine divertissante.
Le scénario se résume au combat manichéen entre un gentil justicier (campé par
un improbable Franck Dubosc américain, lisse comme un fond de lavabo) et une
méchante "catwoman" avec, au milieu, une angélique jeune femme à la robe
immaculée (Edith Scob, donc). Jamais les personnages ne font preuve de la
moindre épaisseur ou de la moindre complexité. Ils sont désincarnés,
caricaturaux, ridicules. Alors je sais, on va me répondre que ce n’est pas
l’intérêt de ce film, qui joue uniquement sur la succession haletante des
rebondissements, et doit se regarder comme un épisode de James Bond. Mais
personne ne prétend que les aventures de 007 sont des chefs d’œuvres du cinéma,
des grands films représentatifs d’une haute vision artistique du 7ème
art! Alors pourquoi en est-il différemment de Franju? Ca reste pour moi une
énigme (encore une fois, si on excepte «Les yeux sans visage», qui apparaît
finalement comme un accident dans la filmographie du cinéaste). On ne retiendra
qu’une scène de ce «Judex» qui fonctionne vraiment : celle du bal, débutant
par ce plan étrange et poétique sur le masque de volatile du justicier, fort
réussi (bravo au costumier), et s’achevant par la mort mystérieuse du banquier
Favraux. Il y a là un mélange d’ingrédients (la musique de Maurice Jarre,
l’étrangeté de ces masques inquiétants, la tension dramatique, la magie
inexpliquée de la mort du banquier, etc…) qui en font un moment réellement
beau. Mais une scène ne fait pas un film. La suite ne sera que succession
absurde de rebondissements improbables, entre la comédie de Louis de Funès, le
petit nanar d’espionnage (ah, les bruitages lors de l’ouverture des passages
secrets! Dignes de «La soupe au chou»!) et les aventures de Fantômette… Un
mélange kitch explosif qui atteindra la quintessence du ridicule dans le
dernier film du cinéaste, un nanar de haute couture, «Nuits rouges». Non,
décidément, Franju, ce n’est pas pour moi.
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