Lefranc est un héros typique de la bande
dessinée classique franco-belge, façon Journal de Tintin. C'est un
héros athlétique, jamais à court de ressources, courageux et droit. Je
dois dire qu'un tel héros, s'il peut sembler démodé aujourd'hui,
conserve une part d'intérêt et de saveur que l'on ne retrouve plus guère
dans les BD d'aujourd'hui, nombrilico-centrées sur la petite vie
d'auteurs en mal de psychanalyse et aux névroses envahissantes. A l'époque, on savait faire des bandes dessinées palpitantes, illustrées de main de maître, avec parfois même plusieurs niveaux de lecture, que ce soit dans le registre comique (Astérix en est le plus bel exemple) comme dramatique.
Je
concède en même temps que le côté propre sur lui de Lefranc, habile dans
les domaines les plus improbables qui soient et qui plus est un brin
arrogant lui donnent un côté agaçant. L'irrévérence d'un Corto Maltese
viendra nuancer d'une manière fort bienvenue ces héros en deux
dimensions d'un autre temps. Néanmoins je me répète, je trouve des
qualités au personnage de Lefranc.
L'une
d'entre elles notamment, due précisément à Jacques Martin, est sa
profession et l'époque à laquelle Lefranc l'exerce. Lefranc est en effet
journaliste, et il est frappant de noter que pendant longtemps, au XXème
siècle, le journaliste était perçu comme une sorte de héros des temps
modernes. Jacques Martin a su, en son temps, répondre à cette question qui me taraude :
comment donner naissance à un héros vivant des aventures à notre époque
contemporaine ? Comment rendre le quotidien dense et intéressant, sans
céder à la facilité de proposer un héros de l'Antiquité, du Moyen-Âge,
ou de toute autre époque passée convoyant son lot de fantasmes, de
mythes et de magie ?
On
pourra m'objecter que nous ne sommes plus tout à fait contemporains de
Lefranc, et que les années 50-60 étaient bien plus intéressantes
qu'aujourd'hui. Il y a une part de vrai dans cette affirmation, mais
n'exagérons rien : chaque époque a ses enjeux, la nôtre n'est finalement
pas si dénuée d'intérêt. Mais au milieu du XXème siècle, la profession
de journaliste était prisée par les auteurs en tous genres. Il n'y a
qu'à voir l'un des plus célèbres d'entre eux : Tintin, reporter au Petit
Vingtième.
Les auteurs de l'époque ont su percevoir tout le côté aventureux que pouvait comporter la vie de reporter, leur quête de vérité pouvant les mener aux quatre coins du monde, en affrontant les pires dangers, que ce soit dans des contrées reculées, aux côtés de policiers pour mener une enquête, ou sur le front en temps de guerre.
Le métier de journaliste a aujourd'hui un peu perdu de sa superbe, même si d'éminents représentants de cette profession lui font toujours honneur. Je me demande donc maintenant quelle profession mènerait un héros actuel... Je laisse volontairement cette question en suspens, car je n'ai pas la réponse... Même si j'ai ma petite idée.
[4/4]
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