samedi 4 août 2018

« Memories of Murder » (Salinui chueok) de Bong Joon-ho (2003)

    J'ai vu pour la première fois « Memories of Murder » il y a presque 10 ans. Et à l'époque ce fut un choc. Je l'ai revu il y a peu, et si je craignais que le long métrage se soit émoussé, il n'a en réalité rien perdu de sa force. Film étendard du cinéma coréen, c'est avec ce long métrage que bien des personnes ont commencé à s'intéresser au cinéma du Pays du Matin Calme, un peu comme « Rashômon » en son temps pour le cinéma japonais. Et pour cause, « Memories of Murder » contient tous les ingrédients qui font la spécificité du cinéma coréen : hyperréaliste, violent, drôle, et surtout totalement imprévisible, avec des ruptures de ton incessantes qui retournent complètement le spectateur.

En effet, « Memories of Murder » est le récit tragicomique d'une enquête policière qui vire à la débandade totale. Bonh Joon-ho nous raconte l'histoire du premier tueur en série sud-coréen dans les années 80. Et c'est peu dire que la police de l'époque était loin de posséder les moyens de mener une enquête efficace et l'organisation appropriée. Scènes de crimes malencontreusement saccagées par les badauds du coin, suspects considérés comme coupables sans raison valable et aussitôt maltraités, interrogatoires qui virent à la torture, faux témoignages, chamanisme... Tout est bon pour retrouver le meurtrier, mais son adresse dépasse de loin les compétences de la police locale, et même de l'inspecteur venu de Séoul exprès pour tenter de résoudre cette enquête.

Fait inattendu à l'époque où est sorti ce film, on assiste alors à l'impuissance de nos (anti-)héros... Ils cherchent, trouvent des indices, semblent avancer... Mais quand ils approchent du but, le tueur leur échappe. On souffre avec les personnages principaux de tourner en rond, d'avancer d'un pas pour en reculer de trois, et on comprend que leur exaspération finisse par tourner à l'aigre.

« Memories of Murder » est ainsi un thriller en tension constante, qui refuse les effets de manche qu'on voit venir longtemps à l'avance pour proposer de nombreux micro-retournements de situation. On est comme aux montagnes russes, on alterne moments de franche rigolade, et moments d'inquiétude voire d'effroi. Les évènements s'enchainent et on est pris par le tourbillon de cette enquête improbable et proprement incroyable, hallucinante et hallucinée. Impossible de rester impassible sur son siège en somme...

« Memories of Murder » c'est donc un scénario en or massif et une réalisation efficace, à la fois sobre et surprenante. Mais c'est aussi et surtout un formidable numéro d'acteurs. Il faut citer en premier Song Kang-ho, véritable histrion imprévisible qui porte presque le film à lui seul. Mais Kim Sang-kyeong n'est pas en reste et vient contrebalancer par son sérieux la folie douce de son coéquipier. Et puis toute la galerie des personnages secondaires est tout aussi digne d'éloges, des policiers véreux aux suspects un peu trop louches pour sembler innocents.

Pour finir, il faut aussi citer les quelques plans de poésie pure, magnifiques (notamment des champs et de la nature environnante), qui émaillent le film, pour apporter une respiration bienvenue au long métrage et contrebalancer sa noirceur. Et puis cette musique, à tomber, notamment celle du générique de fin. D'autant plus poignante après que l'on ait assisté à tant d'épreuves...

En résumé, si ce film n'est pas à mettre entre toutes les mains car il est dur et quelque peu sordide, il possède d'indéniables qualités : un rythme trépidant, un scénario riche et imprévisible, des acteurs bigger than life, une réalisation qui sert le propos, bref il promet un grand moment de cinéma. C'est d'ailleurs un long métrage qui a occasionné de nombreux suiveurs en Corée ou ailleurs... Et même Bong Joon-ho n'est pas arrivé à réaliser un film aussi bon par la suite. En bref, un film déjà culte.

[4/4]

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