lundi 13 janvier 2014

« Margin Call » de J. C. Chandor (2011)

    Jeffrey C. Chandor fait partie de ceux qui ont traversé les grands évènements au plus près de leur épicentre. Fils de trader, il connaît la réalité sèche de ce métier. C'est donc tout naturellement que son premier long métrage est, à ma connaissance et de loin, le meilleur film de fiction réalisé et sur la Bourse, et sur la crise financière de 2007. Le ton de son long métrage est assez remarquable : il sonne juste. Oui, les traders de Wall Street et de la planète, ont perdu la tête. Mais oui, ils sont des hommes et des femmes comme vous et moi. Oui, la finance est passée de servante à prédatrice en 40 ans. Et oui, en raison de l'avidité décérébrée des épargnants du monde entier. C'est-à-dire, à peu de choses près... nous tous. Chandor ne voile ni pudiquement les responsabilités des acteurs de la finance, ni n'est fasciné par la déchéance morale de certains de leurs représentants (à la différence d'un Oliver Stone ou d'un Martin Scorsese). Il met ses personnages, interprétés efficacement par un casting de choix et travaillant à différents échelons des départements d'une grande banque américaine d'envergure internationale (allez... disons Merrill Lynch, mais ça aurait pu être Lehman Brothers, voire Goldman Sachs) face à leur devoir. Être de bons professionnels ou des truands malhonnêtes et vénaux ? Sauver leur entreprise, ou mettre le monde à genoux ? Sauver des milliers, des millions, des milliards de foyers... ou aucun d'entre eux ? Sachant que leur choix, quel qu'il soit, sonnera de toute façon la ruine de millions de personnes, tellement la situation de leur banque est critique. « Margin Call » est ainsi une intense dénonciation de l'irresponsabilité humaine, qui a mené tout droit le monde à la catastrophe et à la crise économique la plus importante depuis 1929. Et tous sont responsables, du simple citoyen qui exige un taux d'intérêt invraisemblable à son banquier ou à sa caisse de retraite en fermant les yeux sur la façon dont un tel taux est atteint, aux financiers funestement ambitieux, immatures et égoïstes, en passant par leurs chefs incompétents, ou les banques systémiques, dont la chute peut faire sombrer plusieurs états du monde. Le constat est dénué de pathos, mais implacable. Que chacun regarde la poutre qui est dans son œil avant de juger, semble nous dire Chandor.

[2/4]

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