lundi 14 mars 2011

« L'Esprit de la Ruche » (El Espiritu de la Colmena) de Victor Erice (1973)

    « L'Esprit de la Ruche » est de ces films où la forme sied parfaitement au fond, où ce qu'il dit passe par sa matière même et non par une prose descriptive et explicative, ce qui le place au rang clairsemé des œuvres artistiques dignes de ce nom. Ce subtil long métrage parvient à nous replonger dans l'enfance et son monde tantôt merveilleux, tantôt inquiétant, cet âge où l'enfant interprète ce qu'il voit et entend, ce qu'il sent, à l'aide de son imagination foisonnante. Victor Erice filme les choses le plus simplement possible, mais avec cette poésie presque imperceptible qui les rend tout autres pour celui qui s'abandonne totalement à ses sens, l'esprit en effervescence, comme la petite héroïne du long métrage. « L'Esprit de la Ruche » est un curieux jeu de mises en abîme, en premier lieu certes car il provoque en nous, spectateurs, les mêmes sentiments que ceux qui étreignent ces enfants aventureux. Toutefois il y a aussi ce monde d'abeilles qui s'affairent méthodiquement, cette ruche grouillante et assez repoussante, mais qui semble fasciner le père des jeunes filles. Jusqu'à ce qu'on puisse l'assimiler, lui et l'humanité d'ailleurs, à ces insectes besogneux? Il y a encore la dénonciation implicite, tout sauf ostentatoire du franquisme. Il y a bien sûr l'évocation du cinéma, de son essence et de sa puissance. Et puis il y a mille autres « métaphores », passant toujours par les moyens propres du cinématographe. L'art de Victor Erice tient aussi de cette tradition picturale espagnole lugubre et grotesque, les comédiens, les symboles, les images du film nous ramenant à cet imaginaire si particulier : la mort par exemple est quasiment omniprésente, participant de l'atmosphère profondément ambivalente du long métrage... Mais c'est bien la poésie qui domine tout le film, sa pureté remarquable laisse toute sa place au mystère, à la suggestion, et offre ainsi au spectateur la capacité du s'étonner de la moindre variation de lumière ou d'ombre, de s'émouvoir devant une histoire fort simple, et pourtant d'une incroyable richesse. C'est dire combien cette œuvre mérite d'être vue!

[4/4]

2 commentaires:

  1. Ce film est magnifique!
    Dans un autre registre, il faut aussi absolument découvrir "Le songe de la lumière" du même Erice. Les deux films que j'ai vus du cinéaste sont deux chefs d'oeuvre. J'aimerai beaucoup découvrir "Le sud"...

    RépondreSupprimer
  2. Oui, un très beau film en effet! J'ai hâte de découvrir les autres longs métrages d'Erice!
    J'ai d'ailleurs regardé deux de ses interviews et il parle très bien de son film, du cinématographe et de l'art.
    C'est toujours un immense plaisir que de découvrir un grand artiste dont on ignorait l'existence jusque là!

    RépondreSupprimer