lundi 16 mai 2011

« Elvira Madigan » de Bo Widerberg (1967)

Il est drôle de lire les critiques de Bo Widerberg à l’encontre du cinéma de son compatriote Bergman, qu’il qualifiait de «vide», après avoir vu «Elvira Madigan». Car s’il est bien un film vide de contenu et de substances, c’est bien celui-ci! Je découvre avec ce film le cinéma de Widerberg et je peux dire que j’aurai bien du mal à trouver la motivation pour en voir un autre… «Elvira Madigan» est une succession de plans (pas moches, certes) d’un homme et d’une femme s’enlaçant dans les herbes hautes, à la belle saison, au son du concerto pour piano n°21 de Mozart. Ils s’aiment, mais ils n’ont pas le droit de s’aimer (lui a déserté l’armée et quitté sa femme et son enfant pour vivre la robinsonnade avec la belle Elvira). Leur petite escapade romantique dans les champs se terminera mal, sans que nos deux gentils amoureux n’aient cherché le moins du monde à s’en tirer. On peut y voir la version soft, proprette et en costumes de «La ballade sauvage» de Malick, l’ennui en plus. Widerberg voulait insuffler un air de renouveau, un «coup de jeune» dans le cinéma suédois, en s’inspirant du cinéma de Truffaut (il aurait mieux fait de regarder du côté de Godard ou de Resnais) et de Cassavetes. De Truffaut, il a gardé le classicisme plat, et de Cassavetes, une certaine manière de filmer, en gros plans et caméra à l’épaule, les corps-à-corps de ses personnages. Reste Pia Degermark, actrice à la beauté assez remarquable, qui a d’ailleurs obtenu un prix d’interprétation à Cannes (prix très sexiste cela dit, tant l’actrice est juste filmée mais ne joue en aucune façon, son texte tenant vraisemblablement sur une seule page). Même si le film évite les écueils redoutés (pathos, romantisme pseudo-désespéré) grâce à une réalisation plutôt sobre, on peine à trouver intérêt à suivre les déboires amoureux de ces deux mannequins. Belles images et belle actrice ne suffisent pas à faire un bon film. Widerberg reprochait à Bergman de monopoliser la production cinématographique suédoise et d’être l’arbre qui cachait la forêt. Après ce premier visionnage d’un film de Widerberg, Bergman reste pour l’instant l’arbre au milieu de la prairie.

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2 commentaires:

  1. Tiens, j'en remets une couche avec Truffaut...

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  2. Hé hé! Ça me rappelle la dédicace de Wenders à la fin des « Ailes du Désir » (si je ne m'abuse), à l'attention de Tarkovski, Ozu,... et Truffaut. Sans doute le plus haut fait d'armes (par procuration) de notre cher François!

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