« Une machine à faire pleurer ». C’est ainsi que Comencini qualifie fort justement son propre film, quelques temps après l’avoir réalisé. « Fort justement » n’implique pas que j’ai effectivement versé une larme ou l’autre en voyant « L’incompris », tant je suis particulièrement insensible à l’excès de pathos et que s’il est bien des émotions que j’ai pu ressentir à la fin du film (mais l’usage du conditionnel s’impose, l’absence d’émotions étant justement ma plus grosse déception), ce serait plutôt l’agacement et l’impatience… Non, si l’expression de Comencini est juste, c’est bien plutôt par l’emploi du terme de « machine », assez antinomique d’une approche artistique d’ailleurs, et qui traduit bien l’idée d’une mécanique à l’œuvre dans le film. Mécanique qui se résume ainsi : incompréhension fils-père, tentative de séduction du fils par un geste vers le père, échec de la tentative (la plupart du temps à cause du petit frère préféré), sanction du père et creusement du fossé de l’incompréhension. Retour à la case départ. Et ainsi de suite pendant 1h45. Mais pour rendre invisible cette redondance, Comencini se doit de rajouter toujours un degré supplémentaire dans l’émotion (en réalité dans le pathos) pour finalement aboutir à la longue séquence de fin, un sommet de larmoyant, qui met mal à l’aise par son impudeur. « L’incompris » apparaît alors comme un mélodrame dans lequel les composantes du pathétique et du sentimentalisme sont poussées à l’extrême, le tout (facilement j’ai envie de dire) agrémenté du concerto pour piano n°23 de Mozart… Bien entendu cela exclut toute finesse, toute profondeur du sentiment, toute poésie, Comencini n’hésitant pas à expliciter encore et encore, à commenter chacune des émotions, ne laissant aucune possibilité d’interprétation un tant soit peu personnelle du spectateur, censé n’activer qu’une seule fonction cérébrale : celle de l’ouverture des voies lacrymales. Restent alors quelques séquences drolatiques un peu à part, conçues par Comencini comme des pauses dans la progressive ascension sentimentaliste du film, et qui deviennent finalement les passages les plus intéressants, rappelant que le cinéaste excelle bien plus dans la comédie et les rires que dans les larmes. « L’incompris » est souvent considéré par la critique comme l’un des plus grands films de l’histoire du cinéma sur le monde intérieur de l’enfant. Pour ma part, je modérerais cette position, et c’est un euphémisme, tant le film ne peut aucunement supporter la comparaison avec « L’esprit de la ruche » de Erice, certaines œuvres de Bergman, ou les premiers films de Kiarostami…
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