« Koyaanisqatsi » est le premier volet de la trilogie des Qatsi, série de 3 films réalisés par Godfrey Reggio et Philip Glass entre 1983 et 2002. L’objet de ces films est de nous donner à voir le monde d’un point de vue extérieur, dans un langage universel (ce sont des films musicaux, sans paroles) afin d’éveiller les consciences sur les dangers qui pèsent sur nos civilisations, sur la biosphère, sur la perpétuation d’une existence véritablement humaine sur Terre. Ces films sont des recueils d’images de notre monde, et évoquent un peu dans leur principe ces documents de présentation de la Terre et des humains qu’on envoie dans l’espace à destination d’une éventuelle intelligence extraterrestre. « Koyaanisqatsi » n’est cependant pas un film purement objectif, et porte un regard «écologiste» sur le monde, nous montrant initialement une nature souveraine, puis enchaînant par des images de l’activité des hommes, ciblant clairement le système productiviste comme responsable de la catastrophe écologique en cours. On peut y voir l’ancêtre d’un film comme « Home », mais réalisé à une époque où l’écologie politique n’avait pas encore été totalement vidée de son sens (le film prétend s’inspirer des écrits d’Ivan Illich ou de Jacques Ellul). On est très loin, dans le fond, de cette immense entreprise de colonisation mentale que constitue le film de Yann Arthus Bertrand (à voir le générique, où les logos des grandes multinationales s’assemblent pour écrire Home), film qui restera probablement comme la plus vaste opération de propagande de ce début de siècle. « Koyaanisqatsi » part donc d’une base réflexive très riche et l’approche développée par le réalisateur est fort louable. Les images sont montées en fonction de la partition, assez réussie, de Glass, et le tout constitue un petit objet musical et visuel assez sympathique. Malheureusement, le film est largement dépourvu de toute idée de cinéma. On déplore rapidement l’absence d’une plus riche réflexion dans le montage de ces images que l’on a tous déjà vues (plans accélérés de gens dans le métro, champignon atomique, nature vue du ciel, etc). La réflexion sur notre condition qu’est censée générer le film peut certes fonctionner, mais elle n’est pas induite par les qualités cinématographiques du film en lui-même qui n’est finalement qu’un stimulant propice à cette réflexion-là, une mise en condition du spectateur. Louable dans ses intentions, cette vaste banque d’images ne présente finalement qu’un intérêt limité, si ce n’est la musique de Philip Glass. Il n’empêche qu’il serait hautement urgent, au lieu de baptiser certaines nouvelles écoles du nom du business man Arthus Bertrand (avec son scandaleux commerce des compensations carbone), d’y diffuser le film de Reggio!
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Permettez moi de ne pas partager votre sévérité - injuste il me semble : "ce petit objet musical et visuel assez sympathique" serait selon vous "largement dépourvu de toute idée de cinéma", ce qui serait lié à l'absence de réflexion dans le montage (...)! C'est justement là où le film se différencie des images vues depuis jusqu'à l'écoeurement, dans la force de son montage allié il est vrai à la puissance de la bande musicale; montage peut-être en apparence trop simple mais assurément élaboré et mûrement réfléchi.
RépondreSupprimerCe n'est pas du Tarkovski, certes, mais je ne connais guère d'équivalent(s) à une telle oeuvre.
C'est un des premiers longs métrages à employer une caméra permettant des accélérations et des ralentis volontaires. A l'époque c'était donc assez novateur, donc le coté réflexion peu riche des plans de montages du film, ben si... justement.
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