Dans le train Paris-Anvers, un cinéaste (Robbe-Grillet lui-même) et son équipe imaginent le scénario d’un film policier qui prend forme sous nos yeux. «Trans-Europ-Express» est un film en construction, on pourrait dire un film au présent, puisqu’il se développe et se conçoit dans sa propre temporalité intradiégétique. Le prétexte est très simple : Robbe-Grillet imagine au fur à mesure du film, ou de son trajet dans le train, les aventures d’un trafiquant de drogue débutant, faisant transiter la marchandise entre Paris et Anvers à bord du Trans-Europ-Express. Dans le scénario imaginé par le cinéaste, les thèmes policiers traditionnels sont à peu près tous respectés (drogue, messages codés, filatures, trahison, etc…) et ce n’est pas sur l’histoire proprement dite que Robbe-Grillet brille par son imagination. La mise en scène est quant à elle très classique, voire plate (à l’exception encore d’un travail remarquable sur le son, décidément le point fort de Robbe-Grillet). Non, la particularité du film tient principalement à l’aspect ludique de sa narration, et à la fascination affirmée du cinéaste pour l’érotisme et le sado-masochisme. Le trafiquant de l’histoire présente en effet certains troubles se manifestant par des pulsions sexuelles complètement exacerbées. C’est ainsi qu’il profite de ses allées et venues à Anvers pour entretenir des relations mêlant sexe et soumission avec une jeune prostituée (?), accessoirement complice du trafic. Ces séquences gentiment érotiques (Marie-France Pisier en dessous) semblent d’ailleurs être autonomes de l’histoire inventée par Robbe-Grillet, comme dépendantes de la volonté propre du personnage fictif du trafiquant. L’utilité de ces séquences peut donc laisser dubitatif lorsqu’on goûte peu à l’univers de l’érotisme sado-masochiste, puisqu’elles ne se doublent d’aucune réflexion autre et ne tiennent pas un rôle précis dans la trame narrative du film. Elles apparaissent plutôt comme le simple désir du cinéaste de filmer un monde qui l’attire, ou de mettre en image certains de ses fantasmes. «Trans-Europ-Express» peut alors prendre des allures de film quelque peu nombriliste, sentiment renforcé par la présence à l’écran de Robbe-Grillet dans son propre rôle et par la vacuité certaine du propos. Le côté décalé du film, qui n’est pas dépourvu d’humour, permet cependant d’oublier cette faiblesse et «Trans-Europ-Express» se laisse suivre avec plaisir. Le développement de l’histoire sous forme de jeu de piste s’avère même assez prenant et Robbe-Grillet parvient à nous tenir accrochés jusqu’au bout, malgré la légèreté de l‘ambition. «Trans-Europ-Express» se révèle au final être un bon divertissement, mais un film anecdotique, qui a en grande partie perdu de l’originalité à laquelle il pouvait prétendre à sa sortie, celle-ci ne reposant que sur une forme ludique de narration, aujourd’hui assez banale. Une curiosité à découvrir, éventuellement.
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