Malgré qu'il ait été remanié par la Fox, et que l'on soit bien en peine de savoir jusqu'à quel point la version actuelle de « City Girl » est proche de celle imaginée à l'origine par Murnau, son avant dernier long métrage porte indéniablement sa marque, et l'on peut même avancer qu'il figure en honorable position dans sa riche filmographie. « City Girl » est très américain dans son traitement esthétique et scénaristique (on pense à Ford, Kazan,...), sans que l'on puisse trancher définitivement une fois encore entre une probable évolution du style du cinéaste allemand ou l'intervention a posteriori de tiers au montage. Comme plusieurs commentateurs le suggèrent, j'y vois pour ma part un film continuant dans le sillon tracé par « L'Aurore », qui lui était encore fortement sous influence expressionniste, alors que « City Girl » semble avoir parachevé l'assimilation par Murnau d'une façon de faire américaine, plus simple, abandonnant les complexes mouvements d'appareils, même si ça et là des jeux d'ombres ou la maîtrise de la caméra viennent rappeler l'illustre passé du réalisateur. L'intrigue porte en elle des tensions évoquant là aussi « L'Aurore » : il est question d'un jeune couple marié apprenant à se connaître et devant faire face aux multiples tentations comme à la violence du monde, qu'elle prenne les traits du père particulièrement austère ou des regards lubriques des hommes. On retrouve de surcroît l'opposition ville/campagne de « L'Aurore », la métropole étant particulièrement sombre, étouffante et fatigante, fourmillant de badauds affairés, alors que la campagne est parée d'une lumière radieuse, magnifiée par les grands espaces qui lui confèrent une immédiate sensation de liberté. Murnau évite fort heureusement les lieux communs en dépassant cette dichotomie comme il avait su si bien le faire auparavant, tout en ancrant son film dans un cadre archétypique qui lui confère une solide unité. Le caractère viscéral de l'histoire, simple mais forte, abonde en ce sens : « City Girl » n'est certes pas l'un des plus grands films de Murnau (et encore !), mais c'est l'un de ses plus beaux et immédiats.
[4/4]
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