Incontestablement, « La Jetée » est une réussite dans son genre : proposer autre chose qu'un film « traditionnel », et davantage qu'un simple diaporama de photogrammes, voilà qui mérite d'être remarqué. De là à en voir un chef-d'oeuvre du septième art, c'est peut-être aller un peu vite en besogne... La grande force de ce moyen métrage réside dans sa concision formelle : cadrages expressionnistes, noir et blanc tout aussi éloquent, mouvements suggérés le plus simplement possible, ellipses visuelles et narratives... En une trentaine de minutes, Marker nous offre un essai poétique naviguant entre le songe et la mort, l'anticipation et la réflexion sur la mémoire, doublé d'une touchante histoire d'amour. Notons aussi la beauté de la musique! Mais toutes ces qualités ne coïncident que trop rarement : trivialement, « La Jetée » reste un roman-photo. C'est certes très joli, très intelligent, poétique et original, mais c'est une oeuvre qui ne laisse que trop peu de place à une émotion cinématographique digne de ce nom. Marker a su brillamment user du procédé dont il est question, mais celui-ci prend finalement le pas sur son essence artistique : un peu comme pour certains films de Watkins de la même époque, on peine à faire abstraction de cette voix-off lénifiante, de cette représentation aujourd'hui datée d'un avenir apocalyptique, bref de cette science-fiction qui a parfois trop confiance dans ses « trucs », gadgets, décors, accessoires et autres, plus conventionnels qu'indispensables. Dommage...
[2/4]
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