Encore un film de Bresson qui fait état de la trajectoire tortueuse d'un homme intègre, qui toute sa vie cherchera Dieu, frayant douloureusement son chemin au milieu d'une humanité tantôt hostile tantôt humble et douce. Ce jeune curé anticipe la figure du martyr personnifiée plus tard dans sa filmographie par Mouchette, la Marie d'« Au hasard Balthazar » ou encore Jeanne d'Arc. Il porte aussi en lui la conviction, la foi, la force et le courage (à sa façon, malgré l'apparence de sa faiblesse physique), bref la détermination du Fontaine d'« Un condamné à mort s'est échappé » ou du chevalier Lancelot du Lac. Le curé d'Ambricourt, son héros torturé, sa bonté, ses doutes, son existence fragile, les hommes et les femmes qui l'entourent sont typiques du cinéma de Bresson. De même, la mise en scène commence à nettement laisser entrevoir la naissance d'un style, épuré à l'extrême et pourtant étonnamment suggestif. A titre d'exemple, il suffirait de retirer la musique il est vrai fort envahissante de Jean-Jacques Grunenwald pour donner encore plus de force au long métrage, tant ses images et ses dialogues disent déjà tout, si bien que la bande-son tombe hélas dans la redite et alourdit le propos. La photographie parfois un peu trop surexposée (quoique fort belle) et le sentimentalisme trop prononcé de l'accompagnement musical sont donc deux choses que Bresson gagnera à supprimer par la suite, mais ils ne réussissent pas à masquer la réelle valeur de ce film touchant, austère et dur certes, mais terriblement triste, émouvant, et surtout simple et vrai. La maîtrise du cinématographe de Robert Bresson ira en s'améliorant, ce n'est donc pas sa virtuosité que l'on peut admirer là, mais son extrême sensibilité, sa finesse d'écriture et d'esprit, qui trouveront dans le cinématographe un art à leur hauteur. De même, les films de Bresson gagneront en intensité et en concision ultérieurement, néanmoins l'on peut bel et bien qualifier cette adaptation du roman de Bernanos de premier chef-d'oeuvre de l'un des plus grands maîtres du cinéma français.
[4/4]
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire