vendredi 3 juin 2011

« Traité de bave et d'éternité » d'Isidore Isou (1951)

    Un petit pamphlet juvénile de poète en herbe, gorgé d'arrogance et de morgue enfantine, parfois émouvant malgré tout (le charme de la désuétude, et le souvenir de notre rage adolescente…). « Traité de bave et d'éternité » est terriblement bavard : tant qu'il est intéressant c'est appréciable, c'est beaucoup plus embêtant dès lors qu'il dit d'autant plus de bêtises (ce qui arrive malheureusement bien assez tôt…). Quelques rares fois il touche juste : ce sont quelques idées intéressantes sur le cinéma, un visage nonchalant et filmé à répétition (le sien, on ne se refait pas), le hasard d'une rencontre entre images et parole… Le reste n'est hélas que platitude… Paradoxalement, il y a une sorte d'académisme de l'avant-garde. Académisme car il ne repose que sur des procédés, sans pour autant créer d'émotion esthétique, artistique… ou d'émotion tout court. Seul le choc, la nouveauté sont recherchés, dans une démarche puérile avide de reconnaissance immédiate. Isidore Isou, comme tant d'autres artistes dits d'avant-garde, c'est quelqu'un qui crie « regardez-moi! », « adorez-moi! ». Comme aujourd'hui on monte son groupe de rock pour épater les filles du lycée et rendre jaloux les copains, apparemment à l'époque on jouait au poète, on réalisait son film et on créait son mouvement artistique, « manifeste » (que ce nom sonne bien!) à l'appui. Et bien sûr, pour la postérité, on glissait une notice au début ou à la fin dudit film histoire de bien faire comprendre au spectateur innocent que l'on était à l'époque un vrai rebelle, que l'on avait « créé » quelque chose de nouveau, sous l'auguste patronage d'anciens rebelles en leur genre (dont au premier chef Sade bien évidemment, « le » rebelle par excellence). Qu'est-ce donc que le lettrisme, sinon l'un de ces innombrables mouvements d'avant-garde qui croyaient faire progresser l'art alors qu'ils n'en redécouvraient que les fondements, la technique. Des onomatopées font-elles de la poésie? Une image rayée fait-elle du cinéma? Isou a compris que le septième art ce n'était pas que Mickey Mouse, et il a voulu réveiller les consciences. Bien, c'est déjà ça. Mais ensuite? 

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